Sur ses courbes on lit la mythologie. Sur ses reins l’Enfer de Dante. Sur ses hanches l’Olympe des dieux. A l’encre obscure, elle a laissé graver sur sa peau le rapt de Perséphone, elle a laisser couler le Styx jusque sur ses cuisses. C’est sombre, c’est noir, ce sont les gravures du temps. Nephtys elle a fait de son corps une oeuvre d’art, de son épiderme une fresque imaginaire, un tableau de pigment nocturne.

Des tatouages.
Elle en a par centaines. Et ils ne cessent de s’accumuler, recouvrant la poupée de porcelaine de leurs ombres mystiques, de leurs significations occultes.

Nue elle ressemble à un démon, un vase graphique, une môme sculptée dans la pierre, décorée de la dentelle noire des esquisses qui fleurissent sur sa peau.

Contre sa nuque, y’a la croix qui gisait là à sa naissance. La croix du Christ. Enfant de Dieu, on l’a protégée, le foetus de chaire qu’on a laisser croupir dans la forêt jusqu’à ce que ses cris enfantins déchirent la voûte nocturne. Jusqu’à ce qu’on recueille celle marquée d’un sceau religieux dans un couvent de bonnes soeurs. Elle n’a survécu que parce qu’il y avait ces deux traits noirs posés l’un sur l’autre, brûlés au fer contre sa peau.

Et si l’ont chemine jusqu’à la chute de ses reins, il y a l’autre.
La croix renversée.
Symbolique satanique, enfant du démon, enfant non désirée. La raison du pourquoi on l’a foutu dehors, à même la rue. Seize ans d’enseignement religieux pour revêtir l’habit d’une putain.

Sur sa colonne vertébrale ruissellent, outre les coups et les cicatrices de son entraînement bâtard,   un long scorpion venimeux venant pincer les hanches de la gamine de ses énormes cisailles ouvertes. Sur son épaule gît la lyre d’Orphée, un nom qu’elle abolit pour l’homme qui la sortie de l’Enfer autant qu’il l’y a plongé. Vieil entraîneur grincheux, vieux pervers libidineux, elle a longtemps dansé pour ses yeux presque aveugle, les longues danses lascives qui servaient à rendre dociles la gamine haineuse, en mal de faire jouer ses poings sur un ring de boxe. Il l’a poussé au coeur de la plèbe, il a fracassé sa belle gueule contre le sol, la poussant aussi loin que sa maigre carrure pouvait l’envoyer, il a fait de Nephtys une boxeuse, une tarée qui ne jure que par la violence. Danser pour apprendre à frapper. Elle a fait les deux l’orpheline. Pendant près de cinq ans, elle a forgé ses poings d’acier, y articulant des phalanges de velours.


Et pour palier à sa chétivité, elle s’est laissée graver dessus, les sombres histoires, les mythes et les folklores, elle s’est coupée la langue pour la remplacer par une ode aux mensonges, elle s’est inventé elle-même pour palier l’abandon d’une gosse mort-née.

Et puis sous son coeur, à l’orée de sa poitrine, y’a la vague typographique qui fait battre son palpitant hivernal. Y’a la chaleur de son foyer, y’a ces deux mots en lettres gothiques oubliées.
Dazzling Moon.
Et le croissant de lune à ses pieds.