T’as ce même panache qu’avant la prison. Cette même arrogance sur les traits et dans le comportement. Pourtant, la vie t’a filé une leçon que tu n’es pas prêt d’oublier parce que trois ans en taule à réfléchir à tes conneries, ça marque. Mais non, malgré ça, t’es là, avec ce sourire idiot sur le visage, devant le bar miteux du quartier, à tirer sur un joint entre deux gorgées de bière. Quatre mois que t’es sorti. Quatre mois que tu as retrouvé la liberté et son gout oublié. Que tu as retrouvé l’insouciance de tes jeunes années. L’insouciance que tu t’es toujours trimballé, depuis que t’es en âge de réalisé que les conneries et l’illégalité, c’est tellement plus facile que la réalité.
Les cheveux blonds en bataille, l’air hagard par l’alcool, tu files trois cachets à un jeune débauché qui s’approche timidement. Y’a les rires gras avec tes potes des bas fonds. Y’a les conneries qui reviennent au galop. Y’a ce sentiment d’être intouchable alors que pourtant, la vie t’a bien fait comprendre qu’elle pouvait dévorer quelques unes de tes années, si facilement. Puis y’a Em, qui s’approche. Em dont tu peux sentir le regard dédaigneux, presque dégouté. Dépité de ton comportement auto destructeur. Sauf que toi, t’as trop bu pour réaliser tout ce qu’il se passe. T’as trop bu pour t’énerver trop vite, trop facilement, alors que tout ton corps est détendu, bien décidé à profiter de l’instant et d’une once de nonchalance. Tu souris, comme un con, comme un idiot, alors que tes potes se marre et te tape sur l’épaule en te disant qu’ils te laissent avec ta femme. Tu prends une nouvelle gorgée de bière. « Qu’est-ce que ça peut te foutre Em ? » Lâches-tu en penchant la tête en arrière un instant. T’es bourré, forcé de le reconnaître ou pas, t’as cette attitude trop détachée et trop agaçante de quand tu es bourré. « Si j’suis suivi, c’est bien pour ça que j’me coltine des vieux toute la journée, alors laisse moi profiter d’ma soirée, tu veux ! » Tu renchéris avec un peu plus de consistance, avant de passer une main dans ta chevelure blonde. « T’façon j’vais bientôt rentrer, alors pourquoi tu vas pas voir Nicki hein ? Elle est mignonne Nicki, j’pourrais lui faire des gosses » T’as ce sourire idiot, suffisant. T’as ce sourire détestable et cet air de petit con. Tu sais qu’il va te haïr un peu plus encore, après cette seule réplique. Tu sais qu’il va probablement vouloir te casser les dents, parce que dans le fond, c’est tout ce que tu mérites. Mais tu t’en fous. T’as trop bu de whisky, à jouer ta santé sur des paris stupides. Alors finalement, tu termines la dernière gorgée de ton verre avant de le poser sur la fenêtre du bar ou plusieurs reliquats d’alcoolique trônent comme des trophées. Puis tu te tournes, récupérant difficilement tes clés dans le fond d’une poche de ta veste en jean. « T’façon j’me tires, à la revoyure Em’ » Que tu lâches en te dirigeant déjà vers le parking juste à côté du bar, le gratifiant d’un magnifique doigt d’honneur tout en t’éloignant. Juste parce qu’il est venu chercher la merde à t’accuser de ruiner ta liberté conditionnelle. Il a raison mais t’es trop fier, trop salop et surtout trop bourré pour l’admettre.

Tu comptes bien te barrer comme une fleur. T’as même pas dans l’idée de t’enfuir, ou juste de partir loin de lui. Tu n’es pas du genre à fuir quoi que ce soit. Plutôt celui de foncer tête baisser, trop téméraire, trop emporté, pour réfléchir ensuite. Sauf que tu l’as poussé à bout, avec tes paroles exécrables et ta langue venimeuse. T’as la franchise trop tranchante, trop cinglante, parce que tu as toujours dit ce que tu penses. Quitte à faire mal. Et c’est exactement ce qu’il se passe avec Em, lorsqu’il te traite de connard. Lorsqu’il balance qu’elle vaut mieux que toi. Lorsqu’il parle de Blanche. Mais déjà tu n’écoutes plus. T’en as que faire de sa morale, de ses vérités et de ses bonnes résolutions. Tu vis pour toi, pas pour les autres alors t’as qu’une chose qui revient en boucle dans ta tête, c’est que t’emmerdes le monde. Le monde et Em, de surcroit.
Sauf que lui, n’a pas dit son dernier mot. Lui, s’approche de toi jusqu’à ce que tu te tournes, machinalement, en sentant une présence. Lui te décroches un poing en plein dans la mâchoire, sans que tu es pu réagir. Tu titubes, tu réussis à te rattraper d’une main à ton pick-up pour pas te rétamer sur le sol, accusant le coup. Tu portes tes doigts à ta lèvre, réalisant qu’un mince filet de sang s’en échappe. T’es dans le brouillard, perdu dans les vapeurs de l’alcool, pourtant, tu ne peux pas juste t’écraser après un coup pareil. T’es un faux-calme, t’es un sang chaud. Tu pars en vrille quand on te cherche trop. Alors tu lâches un mince sourire, un peu amer, un peu agressif, tandis que tu te redresses. Sa réplique, tu ne l’entends même pas, alors que tu fonces vers lui pour répondre à son coup par un autre. Tu vises son visage juste pour faire mal. Juste pour marquer, d’un coup dont il se souviendra demain. D’un coup qui le marquera. Tu laisses ta trace, partout où tu passes. Marque de fabrique de poings abîmés qui ont beaucoup trop cogné. En taule, c’est comme ça que tu t’es défendu. Tu n’étais pas avec les pires criminels, pourtant, tu as bien dû t’imposer lorsque certains ont voulu s’en prendre à ta gueule d’ange. À ta blondeur attirante pour certains, détestable pour d’autres. T’as joué de tes poings, de cette aura qui te colle à la peau. T’étais là pour conquérir, coute que coute. « J’ai pas besoin d’ta morale ! » Que tu lui craches à la gueule, le cœur battant la chamade de l’adrénaline des coups. L’adrénaline d’un semblant de combat même si celui que tu cognes, n’a rien des enfoirés de la taule. Mais là, t’as pas les idées claires. T’agis suivant ton instinct, primaire et bestial. Presque sauvage. T’es comme un animal drogué, qui se défend coute que coute, comme pour luter contre la captivité. Tu craches par terre, le sang qui prends possession de ta bouche. Tu t’essuies les lèvres du regard de la main. T’es prêt à te relancer dans un ridicule combat contre celui avec qui, pourtant, tu as grandi. T’es prêt à jouer au con comme si rien n’avait d’importance. Mais avec toi, on a souvent cette impression, que rien, vraiment, ne secoues ta carcasse au point de te faire réagir.

Il balance que tu t’es ramolli et cette seule réplique suffit à te faire sombrer complètement. T’as beau être bourré, un peu hagard, un peu maladroit, ton égo lui, reste intact. Tu te contentes de lâcher un petit rire nerveux et amer avant de lui flanquer ton poing dans la tronche en guise de réponse. Tu beugles qu’il n’a pas à te faire la morale. Qu’il n’a rien à te dire. Tu es adulte, capable de faire tes propres choix même si tu as bien conscience que pour la plupart des gens, tu n’es qu’un paria arrogant qui profite de son charisme et de son éloquence. Qu’importe. Tu entres dans ce jeu de violence. Tu épouses ce jeu de poing alors que déjà, il te provoque de nouveau. Il fonce sur toi, l’épaule en avant. Il te fait reculer pour te plaquer violemment contre ton pick-up. T’étouffe un léger grognement alors que déjà, tu t’apprêtes à riposter. Il tente de te déséquilibrer en parlant de la taule. La taule qui t’a flanqué quelques frousses, toi pourtant inébranlable. Tu as su t’imposer, mais tu n’aimes pas qu’il en parle. Tu n’aimes pas qu’il suppose que tu n’es était qu’un soumis à finir mal dans les douches. T’as l’alcool violent, quand on te pousse à bout et il faut croire que Em, lui, cherche tes coups. « Ta gueule putain ! Ta gueule ! » Tu entres dans une rage malsaine alors que déjà, tes poings se déchaines, tes genoux se lèvent, frappent, cognent. Tu lui donnes tout ce que tu as, malgré ta force diminuée par l’alcool. Force qui ne suffit pas, face à un type en pleine possession de ses moyens alors que tes coups manquent de précisions et de justesse. Pourtant tu y met tes tripes, mais les excès de la soirée, relents de ta débauche et de tes vices, marquent ton corps sans te laisser le loisir d’avoir une emprise dessus.
Il parvient à te déséquilibrer et déjà, tu tombes au sol, sans pouvoir te rattraper. Ta tête heurte violemment le sol et pendant un instant, ta vision se trouble. Tu clignes des yeux mais déjà, il est sur toi, il te maîtrise et ses poings s’abattent sur ta belle gueule sans te laisser le loisir de répliquer. T’essayes de te défendre, de le repousser. T’essayes tant bien que mal de le faire basculer et de cogner à ton tour. Mais l’alcool lui, te joue des tours. L’alcool, lui, te fait comprendre que tu ne peux triompher une fois de plus. Que tu n’es qu’un pauvre type en train de perdre lamentablement contre un que tu as pourtant toujours battu. Mais tu ne peux pas accepter de perdre, comme ça, si facilement. Alors tu cognes encore, un peu au hasard, un peu maladroitement, jusqu’à finir par te dégager de son étreinte. Jusqu’à finir par te redresser, haletant et douloureux. Tu grimaces, tu grognes, mais votre semblant de bagarre se calme un peu à peu. Tu craches du sang, une fois, deux fois. Tu portes ta main à ta mâchoire qui a pris de sacrés coups, mais probablement mérité. « J’pensais encore que tu frappais comme une gonzesse… » Sous entendu, Em aussi a pris de la carrure et du plomb dans les poings. Maintenant, avec les années et l’âge, il est en mesure de te casser la gueule comme tu lui as cassé la sienne. Mais là, t’es bourré, t’es altéré, la raison éthérée par les vapeurs de l’alcool. T’as les poings rouges de son sang et du tiens. Vous faites pitié là, sur le parking, comme deux adolescents attardés, à vous rentrer dedans pour une parole déplacée.

Il répond au quart de tour, Em, parce que tu sais qu’il déteste que tu le compares à une gonzesse. T’as toujours fait ça pour l’emmerder de toute manière. Tu sais bien qu’il n’a plus rien de la crevette qu’il a pu être jadis, quand vous étiez adolescents et encore trop con. Remarque t’as pas grandement évolué depuis cette époque. T’as juste pris quelques rides et quelques marques sur la gueule. T’as pris un peu d’assurance peut être, aussi, bien que tu es toujours été trop suffisant et arrogant.
Tu craches un peu plus de sang sur le sol, avant de t’essuyer de nouveau la bouche du revers de la main. Tu ne sens pas vraiment la douleur, tu ne l’as jamais trop senti. L’habitude des coups et de la violence. L’habitude de résoudre trop de choses par les poings. Il te balance que tu devrais arrêter, un peu, de te croire inébranlable, invincible. Il a peut-être raison, dans le fond, mais t’es pas prêt à l’entendre. T’es pas prêt à accepter quoi que ce soit autre que ton arrogance et ton ego un peu trop présent. « T’as juste profité parce que j’suis bourré » Finis-tu par bougonner, mauvais joueur et surtout, mauvais perdant. Tu sais que l’issu de votre pseudo combat aurait surement été différente si tu avais été en pleine possession de tes moyens. Mais qu’importe, t’as plus envie de cogner, là tout de suite. Tu veux juste t’allonger sur le sol et attendre que ça passe. Comme si tout allait se résoudre tout seul. Comme si tout devait te tomber du ciel. Tu as toujours été comme ça, à profiter de ce que la vie pouvait te donner. À triompher, à ta manière. « J’sais pas » Maugrée-tu, parce que d’un côté, Blanche, elle a l’habitude de te voir comme ça. Ça ne lui plait qu’à moitié, mais disons qu’elle a arrêter de t’en vouloir pour ça. Elle a bien compris que tu ne changerais jamais et quand bien même, elle n’a jamais réellement essayé de le faire. Elle t’accepte comme tu es. Voilà pourquoi la plupart des gens disent que tu as trouvé la femme de ta vie, parce que pour te supporter depuis dix ans, c’est qu’elle t’aime. Genre vraiment. ]« Elle a l’habitude t’façon » Tu lâches de nouveau, en observant tes poings, les serrant et desserrant comme pour récupérer un peu de sensation dans tes articulations.
Tu finis par lever le regard vers Em, quand il propose de te ramener. Quand il balance que t’es sale là, avec ton sang, tes relents d’alcool et de pétard. Tu lui adresses un regard un peu condescendant, un peu perplexe. Tu fronces les sourcils. « J’ai pas besoin de ta pitié, j’peux très bien rentrer chez moi tout seul » Déclares-tu avec un trop plein d’assurance alors que tu te lèves en grimaçant. T’es encore bourré mais ça ne serait pas la première fois que tu prends le volant dans cet état. Beaucoup se demande comment tu fais pour être encore en vie, à conduire dans un état pareil. À prendre des risques bien trop grands pour pas grand chose. Mais toi tu t’en fiches, t’es trop téméraire, trop emporté. Tu te dis qu’il faudra bien que tu crèves un jour, d’un truc ou d’un autre. Tu passes machinalement une main dans ta tignasse blonde, que tu teintes un peu du carmin de vos sangs, avant de te mettre à la recherche de tes clés dans tes poches. « Putain de clés… » Tu vocifères tout seul, encore ivre, encore hagard et pourtant, déterminé.

Tu ne relèves même pas, lorsqu’il te répond avec condescendance. Tu sens le jugement dans sa voix, lorsque t’expliques que Blanche, elle a l’habitude de tes conneries et de tes excès. Qu’elle a l’habitude de tes excès de colère qui te pousse à te battre, souvent pour rien. Tu t’en fous parce que tu es déjà en train de chercher tes clés. Tu es déjà en train d’essayer de prouver que oui, tu peux te débrouiller seul. Que oui, tu es un adulte qui s’assume, à défaut d’être responsable. Que tu es prêt à jouer au con, au téméraire, en prenant le volant dans cet état. Sauf que tes clés, tu ne les vois même pas sur le sol. T’es trop emporté dans la fouille intensive de tes poches pour t’en rendre compte. T’as les vapeurs de l’alcool qui cogne contre ton crâne. Tes pensées qui s’emmêlent, qui s’entrechoquent, sans grande cohérence.
Sauf qu’Em lui, il est sobre. Em lui, il a les yeux en face des trous, alors il ramasse tes clés. Alors il les brandit, comme pour te montrer que t’es trop con et surtout trop ivre. Il renchérit, pour bien t’faire comprendre que non, tu ne peux pas conduire comme ça. Que non, t’as encore trop abusé de la boisson pour pouvoir t’assumer correctement. Pour pouvoir faire autre chose, que pitié. Tu vocifères quelques injures, contre toi même, contre le monde. Tu pestes, alors qu’il va s’installer côté conducteur et que t’es obligé de t’asseoir côté passager. « Tu fais chier sérieux j’aurais pu m’débrouiller » Tu balances ça, sur un ton boudeur, un peu agressif, surtout. Pourtant dans le fond, ta conscience te gueule qu’il a raison. Que c’est la bonne chose à faire, de te laisser conduire, raccompagner, comme ça. Il te dit d’pas faire ta chochotte, ta pauvre meuf râleuse, mais toi, t’aimes pas cette situation. T’aimes pas dépendre de qui que ce soit, autre que toi même.

Il démarre ton pick up et déjà, vous filez en direction de la ferme. Tu la reconnais, la route. Tu le connais par cœur, ce chemin, vers la demeure de ton enfance. Celle-là même où tu as encore trop souvent squatter. Pour fuir les regards dépités de Blanche. Pour fuir ta propre débauche, tes propres conneries à répétition. C’est comme un échappatoire hors de la réalité de ta vie, vers lequel tu aimes te perdre à l’occasion. T’as même pas pris la peine de t’attacher alors que déjà, tu démarres la radio pour foutre un air de rock entrainant. Tu te marres, comme un idiot, avant de poser ta main sur la joue d’Em, la tapoter, comme on flatte un pote, ou peut être un chien. T’es emporté, embué, par les vapeurs de l’alcool qui pollue tes veines. Tu ouvres ta vitre, t’y passe la tête un instant, avant de rire, tout seul, comme un con, alors que tu chantes un peu. Un peu faux, aussi, l’air que tu connais par cœur, tiré du CD foutu dans ton pick-up. « Fais pas c’te gueule Em » Lâches-tu, comme si votre bagarre était oubliée. Comme si seule ton insouciance comptait. Comme si t’était un gamin, que son père vient chercher après quelques heures de colle. Un gamin de trente cinq ans qui, sur nombres d’aspects, refuse de vieillir. « Tu m’kiffes trop pour me laisser m'tuer sur la route, j’le sais » Tu ne sais rien du tout, en vérité. Mais l’alcool te donne des ailes. L’alcool te faire dire bon nombres de conneries et de vérités. Vérités que, sobre, tu refuserais de balancer. Tu viens de nouveau jouer avec sa joue, son visage, sa petite barbe. Tu viens passer la main sur sa tronche comme un gamin trop joueur, alors que pourtant, il conduit. Mais t’es trop con pour être raisonnable. « Regardez moi cette belle gueule toute cassée hein… Moooh » Tu lui prends les joues, entre ta main. Tu te marres, tout seul, probablement. Mais tu te marres quand même, alcool léger, alcool rieur.

T’as aucune finesse, ni aucune tenue. Quand tu es bourré, de toute façon, t’es un grand joueur. T’aimes faire le con et emmerder le monde. Mais pas de la façon cinglante, tranchante et souvent blessante que tu arbores. Tu es plus léger, plus idiot. D’autant plus lorsque tu connais aussi bien la personne en face de toi. Le protagoniste, spectateur de ton cirque et dans le cas présent, il s’agit bel et bien d’Emerson. Avec lequel tu as grandi. Avec lequel tu as vécu. Celui là même que tu emmerdes, alors qu’il conduit, pourtant, d’une de tes grandes mains juste là pour le brouiller la vue et se faire envahissante. Tu te marres comme un idiot, tu passes la tête par la vitre, tu chantes encore. Tu changes la station de radio alors que lui même cherchait à mettre autre chose. Pourtant il te repousse, toi l’emmerdeur. Toi le boulet, trop ivre, qui ne réalise même pas ce qu’il est en train de faire. À quel point il peut être lourd. « T’es même pas drôle, en vrai » Lâches-tu, un peu bougonnant, comme un gamin. Comme un adolescent attardé, celui que tu es, dans ces moments là. Comme si l’alcool te rajeunit, bêtement. T’enlèves les barrières de la maturité, du moins, pour celle que tu as réussi à acquérir.
Tu lui balances qu’il a la gueule cassée. Sa belle gueule, parce qu’Em, la puberté ca lui a bien réussi. T’as toujours été là pour l’emmerder, pour le traiter de faiblard et lui faire comprendre qu’il ne pourrait jamais te battre. Pourtant, il a pris en carrure, il a pris en virilité, il a pris en maturité, surtout. C’est devenu un homme. Un homme sur lequel ton regard glisse, vacille. Un regard qui déshabille. Mais là, tu peux pas trop y penser, à tout ce conflit interne. À ce déni, qui te consterne. Pourtant tu lui souris, un peu idiot. Comme si ça te plais, dans le fond, qu’il soit là pour te chaperonner. Lui. Lui et personne d’autre. Tu te regarde dans le rétro, tu grimaces. « Moué, blessures de guerre » Lâches-tu léger, haussant les épaules.

La ferme se dessine enfin devant vous. Calme, déserte. L’éclairage extérieur n’est même pas allumé, signe que personne ne doit être présent. Ça t’étonne un peu. Du moins, ça t’aurais étonné si t’avais été sobre, mais là t’es trop ivre pour réfléchir. Tu te dis juste que la famille doit être de sortie, après tout, tu vis ailleurs, depuis des années. Tu n’es pas trop du genre à suivre leurs faits et gestes. Ton regard se perd dans la nuit, en un instant t’es plus calme. Jusqu’à ce qu’Em s’adresse à toi pour te dire que tu pues. Pour t’ordonner, ou presque, de prendre une douche en rentrant. De toute manière faut surement que tu te laves du sang qui parsèmes ta tronche et tes poings, sinon maman va gueuler. Tu tournes vivement la tête vers lui, tu n’as pas de demi-mesure lorsque tu as trop bu. « Je pue pas, c’toi qui est sensible » Lâches-tu en le défiant du regard, avant de descendre de ton pick-up un peu maladroitement, refermant la portière derrière toi. « Si j’peux pas marcher tu m’portes comme une princesse ? » T’oses lui demander ça avec un large sourire d’idiot. T’es encore d’humeur à déconner, c’est plus fort que toi. Em’ lève les yeux au ciel et tu continus de ricaner.

Vous vous dirigez enfin vers la porte d’entrée et tu t’appuies le dos contre le mur. « Aller grouille toi d’ouvrir, j’aime pas attendre » Lâches-tu, avec un large sourire, alors qu’il cherche les clés dans son trousseau en te lançant un air dépité. Finalement, à peine la porte ouverte, tu t’engouffres dans la baraque en lui passant devant, lumière allumé, tu montes à l’étage en chantant le grand classique américain Sweet Home Alabama à travers toute la baraque, faux, bien entendu. Tu gagnes ta chambre, pour jeter sur ta table de chevet tes effets personnels, tel que ton téléphone et ton portefeuille, avant de te laisser choir sur le lit, sur le dos en soupirant. Le bonheur d’être chez toi, dans cette baraque que tu as pourtant fuis. Jadis.

Evidemment, Em est passablement désespéré de ton comportement d’ivrogne un peu trop joyeuse. Mais toi, tu te marres. Toi, tu t’envoles, légèreté alcoolisée. Tu t’abandonnes à cette insouciance qui pulse dans tes veines. Alors oui, tu joues au con. Tu le provoques, tu le taquines. Tu lui demande de te porter, mais évidemment, il réplique avec son détachement habituel. Mais toi, tu souris encore plus, alors que tu le suis et que t’exiges enfin qu’il ouvre. Il te traite de princesse et toi, tu lèves les yeux au ciel, tu soupires faussement agacé avant de rire. « Si j’suis une princesse t’es mon valet, j’te préviens » Tu souris largement avant de rentrer dans la maison en te faisant remarquer. Jude qui ne se souci que de lui même. Jude qu’on remarque, où qu’il aille. Jude qui ne sait pas fermer sa gueule. C’est tout toi, tout ces ont dit. Tout ces ragots. Toutes ces vérités.
Mais toi, t’es ivre. Toi, t’as pas envie de faire d’effort alors tu t’abandonnes à ton lit sans chercher plus loin. Malgré le sang sécher, la sueur, l’alcool et les odeurs de clopes et autres substances. Malgré la douche évoquée par Em. T’as pas envie de ça. T’as la flemme, t’es crevé d’un coup et tu veux juste t’abandonner complètement au confortable de ton lit deux places. Sauf que bien sur, Em ne compte pas te laisser lambiner de la sorte. Il te pousse jusqu’à te faire tomber bruyamment sur le sol. Tu grognes « Putain tu fais chier » Tu l’insultes, en te redressant plus ou moins lamentablement. Assis sur le sol, tu lèves le regard vers sa gueule cassée, alors qu’il te reparle de la douche. T’as ce sourire idiot qui revient immédiatement se dessiné sur tes lèvres. « Si, t’as qu’à v’nir me frotter le dos » Tu lâches ça, avec ton air provoquant et taquin habituel, avant de parvenir finalement, non sans difficultés, à te redresser pour te relever complètement. Pourtant, même si t’as dit ça sur un air de connerie, tu ne peux pas d’empêcher d’y songer, à cette proposition lancée à la volée, juste pour te faire bouger. Juste pour te faire réagir. Tu fronces les sourcils un instant, avant de t’étirer, préférant chasser ce genre de pensées de ton esprit embuée. « Bon si t’insiste, j’vais la prendre ta putain de douche, mais après j’te préviens, je m’effondre et j’fous plus rien » Lances-tu avant de commencer à retirer tes fringues. Tu les sèmes d’ailleurs sur le trajet qui te sépare de la salle de bain, gardant seulement ton caleçon avant de pénétrer dans la petite pièce, sans même prendre le temps de fermer la porte derrière toi. Tu t’en fous. Même avant d’être bourré, tu n’as jamais été pudique et tu ne comptes pas commencer à l’être.
Tu allumes la douche pour qu’elle commence à chauffer et tu attends, tu t’étires encore, tu te frottes le visage. Ca tangue encore autour de toi, alors tu te rattrapes à la cabine histoire de pas complètement te casser la gueule. T’es persuadé que c’est une mauvaise idée, mais lorsque tu te tournes, un instant, pour finir face au miroir, tu comprends que t’as vraiment une sale gueule. Ecchymoses qui marqueront ton visage pendant quelques jours, alors que le sang séché de tes pêchés, lui, aura disparu après cette douche. Tu restes là, un instant, le regard dans le vague, dans le vide. Tu ne te regardes même plus. Tu divagues un peu. L’alcool t’emporte, te fait tout oublier. Même Emerson qui s’adresse à toi savoir si tu t’en sors, pour finalement se dessiner timidement dans l’embrasure de la porte.

Tu es déjà concentré sur ta prochaine tâche, n’écoutant même pas sa réplique, alors que tu laisses tomber tes fringues pour te diriger vers la salle de bain. Tu ne remarques même pas ses regards, qui glissent le long de ta silhouette dessinée, bien que trop alcoolisé en cet instant précis.
Mais tu te perds, l’eau coulant derrière toi, dans la cabine, emplissant déjà la salle de bain d’un brin de buée, parce que tu as toujours aimé les douches brulantes. T’as le regard clair perdu, hagard, contemplant ta propre débauche. Les coups, qu’il t’a porté, que tu as mérité, par tes paroles dénuées d’une once de respect. Tu as joué au con, tu l’as provoqué et avec Em, les choses finissent souvent ainsi. En coups, violents et non maitrisés. Alors en un sens, tu n’as eu que ce que tu as été en mesure de mériter.

Sauf que tu sors de ta léthargie lorsqu’il s’adresse à toi, en pénétrant dans la pièce. Pourtant tu fixes encore un peu le miroir, perplexe. Bourré. Tu ne lui réponds même pas, lorsqu’il te demande si tu t’en sors. Tu es ailleurs. Tu es complètement perdu dans les vapeurs de l’alcool qui te brouillent le cerveau. Il s’approche et veut éteindre l’eau qui coule trop fort, trop chaude, pour rien. Sauf que tu reprends tes esprits, en le sentant si proche. T’as même un sourire, un peu con, qui se dessine sur le visage, alors que débarrassé de sa veste, bien qu’encore fringué, il se penche dans la cabine pour arrêter l’eau. Tu le pousses dans la cabine, le déséquilibrant par ta force, malgré tes sens altérés, pour qu’il atterrisse sous l’eau. Tout habillé. Se rattrapant de justesse à la fin de la douche pour ne pas s’étaler complètement. Toi, tu te marres comme un con. Tu entres dans la cabine à ton tour, sans t’arrêter de rire, tu refermes même derrière toi. Il peste, il t’insulte, mais tu continu de rire. C’est trop bon, d’être un sale gamin, comme ça. C’est trop bon de l’emmerder. C’est trop bon de le sentir près de toi, comme ça. Tu l’empêches de sortir. Tu étends tes bras pour le boucher le passage. Tu veux qu’il reste là, qu’il assume de t’avoir poussé du lit. C’est de bonne guerre. Ca a toujours été de bonne guerre. Vous vous êtes toujours emmerdé, même si toi, tu étais le petit tyran qui en faisait toujours trop. Mais là, vous êtes adultes, tu es juste resté con.

Tu le repousses, relançant un peu la force du jet d’eau qui coule au dessus de vos têtes. Tu as gardé ton caleçon, pourtant, tu finis totalement trempé, tout comme lui et son air dépité. Tu t’approches tu le pousses un peu plus contre le fond de la cabine, tu ris comme un idiot. Tu t’approches encore et tu l’attrapes par le col. « C’est pour m’avoir poussé du lit connard ! » Beugles-tu en riant de nouveau, ce sourire idiot flottant sur tes lèvres. Sans trop savoir pouvoir, tu viens déposer un baiser dans son cou, trop violent, trop appuyé, avant de reculer et de lui saisir les joues. « Comme ça tu la prends aussi, ta putain de douche de merde ! » Dis-tu en le secouant légèrement, avant de chopper du gel douche et de l’en asperger. T’es un adolescent rieur. Un adolescent de trente cinq ans. Un adolescent qui refuse de grandir complètement.

T’es qu’un petit con trop joueur. Qu’un adolescent bloqué à dix-sept années de conneries, qui ne t’ont jamais vraiment quitté. T’as grandi pour certains aspects de ta vie, tu as régressé pour d’autre. Certains se sont demandé comment tu as fait pour revenir de la prison, aussi inchangé. Aussi con qu’avant, finalement. Pourtant dans le fond, t’as eu la trouille. Ton bagout, tes poings et ta belle gueule ont réussi à te sortir de bons nombres de pétrins, pourtant, t’as bien failli prendre cher, plus d’une fois. T’as regretté tes conneries trop prononcées, alors que pourtant, t’es retombé dedans à peine sorti. À peine de retour dans la liberté, à pieds joints. T’es redevenu plus jeune, plus léger. Comme ce soir, ou encore bourré, tu asperges Em de shampooing. Comme si tu as besoin de t’évader, de te perdre dans l’adolescent que tu as été, turbulent et pourtant, bien loin de la dure réalité qui t’a frappée en pleine tronche derrière les barreaux.
Tes lèvres qui se posent en un baiser trop prononcé, sans même t’en rendre compte. Tes rires, tes idioties. Em qui peste encore, qui veut te fuir. Qui veut s’enfuir. Qui veut sortir de là et de ton piège. Em toujours trop sérieux et pourtant. Tu ne sais même pas comment tu en es venu à avoir le regard qui glisse le long de son imposante stature. Tu ne sais même pas comment tu en es venu, même pour jouer, même bourré, à poser un baiser sur la chair fine de son cou. Alors tu n’y penses même pas. Parce que tu n’es de toute manière pas en mesure de réfléchir correctement. De penser, sciemment. Alors tu l’emmerdes, alors tu te marres, encore et toujours plus fort et plus joyeusement. C’est tout ce que tu aimes, vivre dans l’instant. Surtout là, emporter par trop de verres. Par trop d’alcool, qui danse dans ton sang. « Aller fait pas la gueule ! Vire-moi ces fringues ! Putain marre toi un peu Em ! » Lâches-tu avec un large sourire sur la tronche, venant d'une main tirer sur son sweat, comme pour l'inciter à s'en défaire. Tu lui fous du gel douche en pleine tronche, le forçant à fermer les yeux avant de rire encore. Puis tu reposes le pot du liquide parfumé, probablement à ton père, d’ailleurs. « Aller c’est bon, j’te laisse tranquille sale rabat-joie ! » Presque dépité et pourtant, un large sourire taquin que le visage, alors que tu te baisses pour retirer ton caleçon tremper et lui jeter presque dans la tronche. « T’auras qu’à sortir ça, c’est trempé à cause de toi » Oui, à cause de lui et la connerie à laquelle tu n’as pas pu résister. Impudique que tu es, qui te retrouve totalement nu face à celui que tu observes un peu trop. Un peu trop souvent. Celui qui parfois te trouble ou simplement te dépite, quand tu t’en rends compte. Mais il t’a déjà vu à poil Em. Un paquet de fois d’ailleurs. Vous avez grandi ensembles. Vous avez partagé beaucoup et tu n’as jamais été gêné de quoi que ce soit. Surtout pas face à lui. Trop libéré que tu es. Sauf que lui, tu ne te rends même pas compte de l’effet que tu lui fais. De son regard, qui essaye de te fuir. Il se cache derrière des attitudes défensives que tu n’es même pas capable de déchiffrer. Trop perdu dans ton monde, le Jude. Trop centré sur toi même, pour comprendre ce qu’il se passe réellement, autour de toi.

Evidemment qu’Em, il râle. Évidemment qu’il peste, c’est ce qu’il sait faire de mieux. Mais toi, tu te barres après t’être replacé sous l’eau brûlante, penchant la tête en arrière pour savourer la caresse agréable de l’eau, qui lave ta crasse, le sang séché et les relents de ton alcoolisme. Oh pour sur que demain matin, tu iras mieux, sans te soucier de ta cuite de la veille. Le corps est habitué aux vices divers, qui ont la peau dure. « Bla bla bla » Finis-tu par lâcher, toujours sous l’eau, les yeux fermés. Tu te recules enfin, te frottant le visage alors que déjà, tu veux chopper un peu de gel douche pour te nettoyer de toutes les péripéties de la soirée. Il a insisté pour que tu la prennes, cette foutue douche et finalement, tu te rends compte qu’il avait raison. Que ça fait un bien fous et qu’après ça, tu vas sombrer, t’étaler comme une masse sur ton lit et t’abandonner aux méandres du sommeil. Mais tu n’y penses pas encore, alors que tu écoutes Em râler de plus belle et que tu te marres. « Arrête de faire ton sensible un peu ! » Pestes-tu, presque dépité et pourtant foutrement amusé, un large sourire sur le visage, alors que tu prends carrément ton temps sous l’eau chaude, savourant le moment sans te presser. Mais Em, lui, il compte bien prendre aussi une douche alors que tu finis par tourner la tête vers le lavabo contre lequel il est appuyé. « T’as qu’à venir au lieu de faire ton délicat là, c’pas comme si tu m’avais jamais vu à poil toute façon » Lâches-tu comme si c’était une évidence. Comme si tu peux, réellement, lui faire ce genre de propositions.
Putain Jude, on ne demande pas à un mec de venir se doucher avec soi, surtout quand on est hétéro et en couple. À quoi tu joues Jude ? À part au con.

Mais non, t’es trop perdu dans les effluves de l’alcool pour réfléchir décemment à tout ce que tu peux balancer comme connerie. Surtout à voir le regard de Em qui se pose sur toi, alors que tu as déjà tourné la tête. « Et j’t’emmerde, je compte bien prendre le temps maintenant que t’as insisté pour que j’prenne une douche, t’as qu’à aller en bas si t’es pas content » Déclares-tu comme un gamin. Comme un adolescent boudeur, alors que tu parles de la salle de bain en bas, près de la chambre d’ami encore libre. Il y a une part de toi qui a envie de le voir là, face à toi, complètement nu, même juste pour jouer encore au con et l’asperger de gel douche. Presque innocemment, pour une chose qui ne l’est pas. Pourquoi tu penses à ça ? Pourquoi il te vient de telles idées alors que jamais tu n’as pensé à Em de cette façon. Ca te paraît invraisemblable, la façon dont ton cerveau semble fonctionner. Mais dés que tu essayes de trop réfléchir, t’as le mal de crâne qui pointe le bout de son nez, tant l’alcool cogne contre ton crâne. Alors tu fronces les sourcils. Tu penches encore la tête en arrière un instant, fermant les yeux pour les rouvrir et choper un peu de shampooing, histoire de terminer de te laver. T’entames même un brin de chanson, un morceau de rock connu, que tu chantes bien sur affreusement faux. Tu es capable de chanter relativement juste et pas trop trop mal, lorsque tu daignes faire un effort, mais la plupart du temps, chanter faux et faire chier le monde, c’est bien plus amusant.

Tu es perdu dans ton insouciance, dans tes conneries. Tu ne réalises même pas tout ce que tu dis. Les conséquences de tes paroles ou encore, la façon dont il peut les interpréter. L’alcool te rend léger et joueur, foutrement détaché de tout. Alors tu chantes, un classique du rock américain des années soixante-dix. Tu es presque à te déhancher, les yeux fermés, sous le jet de la douche qui termine de rincer ton corps et tes cheveux. Tu élimines tout les restes de votre bagarre, du sang et des traces de la rue. Tu sais que ton corps et ton visage seront marqués, mais qu’importe. Tu n’es pas du genre à regretter tes gestes, même ivre. Une bagarre, reste souvent, pour toi, justifié. Tu te complais dans ce raisonnement à la con. Mais finalement, Em’ renchérit. Tu éludes rapidement sa réponse, ne prenant même pas la peine de lui offrir quelques mots en retour. Pour dire quoi ? Que oui, il n’est pas ta bonne femme. Que oui, tu dépasses les bornes. Au fond de toi tu le sais, que tu joues au con, que tu joues avec le feu. Que tu donnes un peu trop libre cours à ton côté insouciant et surtout, à ce regard insistant que tu as tendance à poser sur lui, lorsqu’il ne te regarder pas. Déni de tout. Déni de ces regards que tu lui offres. De ces regards qui déshabillent alors que pourtant, la vie te souris. De toute manière, tu n’es pas en mesure de penser correctement, alors tu abandonnes simplement. Tu te contentes de vivre le moment pour ce qu’il est, concentré sur ta chanson alors qu’il s’adresse de nouveau à toi. « Rhooo sérieux détend toi putain ! » Pestes-tu alors que tu termines de rincer tes cheveux pour commencer à te savonner le corps.

« Tu préfères que j’te chante quoi ? Du Taylor Swift ? Attend ça peut s’faire ! J’aurais dû deviner que t’écoute ce genre de truc ! » Tu te marres et commences à fredonner la première chanson de cette nana qui te vient à l’esprit. Shake It Off. Tu en viens même à taper dans tes mains pour accompagner ton cover absolument hideux. Tu chantes trop aigüe, trop faux, mais ça te fait tellement rire. Tu es dans ton propre délire alors qu’il peste de nouveau pour que tu sortes, probablement au bord du désespoir face à tes talents de mélomane. Tu arrêtes finalement l’eau tout en continuant de fredonner, un peu plus doucement. Le pire dans tout ça, c’est que tu connais cette chanson par cœur. Les paroles, l’air. C’est peut-être ça le plus inquiétant dans l’histoire. Tu ouvres enfin la cabine en calant deux trois mouvements de hanches, complètement à poil et trempé, alors qu’il t’adresse un regard affligé. Autant par ton manque de pudeur que par ta représentation ridicule. L’alcool te désinhibe totalement. Mais de manière générale, tu n’as jamais eu honte de quoi que ce soit. C’est peut-être bien ça qui a participé à ton succès. Ce côté intrépide, plein d’auto dérision et surtout, foutrement bon vivant. Prêt à s’amuser d’un rien.
Tu t’approches de lui, fredonnant le dernier refrain de la chanson, après avoir attrapé une serviette. Tu continues de danser en fredonnant, passant même une fois la serviette autour de son cou comme le boa d’une danseuse. Puis tu éclates de rire, terminant enfin ton spectacle. Tu termines de te sécher sommairement avant d’enrouler la serviette autour de ta taille. « J’espère que ça t’a plus, j’me produis pas gratuitement d’ordinaire » Lâches-tu sarcastique, ironique. Puis tu ris de nouveau. « Aller file sous la douche t’as l’air con avec tes fringues trempées. J’sais même pas de quoi t’as peur à rester habiller comme si j’allais voir un truc honteux » Tu fronces les sourcils un instant, un peu perplexe alors que tu restes cramper devant lui. Mais il ne semble pas vouloir bouger d’un pouce tant que tu es encore là. « T’es sérieux là ?! J’dois sortir en plus de ça pour que tu te dessapes ? » Demandes-tu, presque dans une question rhétorique, incrédule.

Tu continues ton show, ton spectacle, malgré le fait qu’il maugréé quelques paroles, d’une évidente mauvaise humeur. Agacé par ton comportement de gamin. Mais l’ivresse ne fait que renforcer ce côté insouciance, petit con qui refuse de grandir. Qui passe son temps à faire le con. La part légère et gamine de ta personnalité. Celle là même qui t’a toujours valu l’attention, les regards. Ce charisme évident, même pour faire le con. Surtout, pour faire le con. « Non voyons » Lâches-tu avec un geste de la main, comme évidente nonchalance. « j’suis un homme entretenu, j’ai pas b’soin de fric, j’me produit devant toi ce soir pour le plaisir du spectacle ! J’sais que tu as toujours été sensible à mes talents de chanteur » Lâches-tu en pointant un doigt vers lui qui vient finalement toucher son torse un instant. Tu ris de plus belle, avant de finalement couvrir ta nudité. C’est là que tu t’exclames lorsque tu comprends qu’il n’attend qu’une chose, que tu sortes de cette pièce. Alors oui, bien sur, fidèle à toi-même, tu causes un esclandre. Toi si impudique, si sans gêne, si libérée.

Il te pousse un peu plus vers la sortie et tu te laisses faire, même si tu bougonnes. Mais oui Jude, il a raison, Emerson. Tu n’as pas besoin de le voir à poil. Pourquoi tu veux tant rester en te cachant derrière de grands airs complètement désinhibé ? Toi-même tu ne sembles pas le savoir, ou plutôt l’accepter. « Rhooo ça va putain ! J’me casse ! » Lâches-tu finalement en levant les yeux au ciel de dépit, tandis qu’il termine de te pousser sur le seuil de la porte. « Oué ok pour la pizza, si c’est toi qui la paye » Dis-tu en lui offrant un large sourire plein d’entrain. « Non, j’déconne c’est mon jour généreux aller » Tu passes une main dans tes cheveux. L’alcool te rend encore plus extraverti que d’ordinaire, mais déjà, devant Em’, tu as toujours été fidèle à toi-même. Il te lance un nouvel air dépité, passablement agacé par ton comportement de gamin avant de te claquer presque la porte au nez. Tu peux même entendre le verrou de la porte, levant de nouveau les yeux au ciel de dépit. « Sérieux quoi… » Maugrées-tu pour toi même, alors que déjà tu rejoins ta chambre pour récupérer ton téléphone et passer la commande d’une pizza géante. Heureusement pour toi, la ferme est encore dans le périmètre du livreur du coin. Tu balances ta serviette plus loin, sur un fauteuil, avant d’enfiler un caleçon pour un brin de décence. Si cela ne tenait qu’à toi, tu aurais accueilli le livreur complètement à poil, mais t’as déjà eu des problèmes avec ton manque de pudeur clairement affiché. Toi, clairement celui qui n’en a rien à foutre. Nonchalant de beaucoup de choses, parfois trop, même si derrière toute cette assurance et cette désinvolture, tu demeures un homme avec des valeurs et des principes. Juste bien enfouis, la plupart du temps.

La porte de la salle de bains s’ouvre lorsque déjà, tu arranges ton caleçon dans un geste parfaitement vulgaire, sans aucune classe, prêt à descendre pour récupérer enfin la pizza. « Pas trop tôt, pire qu’une meuf » Lâches-tu à Em, en souriant, avant de dévaler les escaliers pour récupérer ta commande. Tu remontes quelques instants plus tard en direction de ta chambre. Tu n’as pas fait attention où est passé Em’, probablement dans sa chambre, alors tu t’exprimes au travers de toute la maison « Ramène toi j’ai la pizza, j’vais me foutre sur le lit ! » Tu beugles sans aucune discrétion mais après tout, vous n’êtes que vous deux dans la grande maison familiale des Williams. Rejoignant enfin ton lit, tu t’y jettes, calant un oreiller dans ton dos, croisant les chevilles avant de poser la pizza sur le lit. Tu allumes la télévision, là depuis ton adolescence et zappe sur une émission à la con de bucherons de l’extrême, toujours divertissant. Tu récupères une part et croques à pleine dent dedans, il faut dire qu’avec tout cet alcool à éponger, tu as sacrément la dalle. C’est là qu’enfin, Emerson se dessine dans l’embrasure de la porte. « Pas trop tôt ! Bon j’t’ai pas attendu, j’ai grave la dalle »
Jude, fidèle à lui-même.