Tu lui balance que tu ne l’as pas attendu, de toute manière, tu es souvent perdu dans ton égoïsme. La faim a pris le pas sur le reste, alors c’est la bouche pleine que tu as articulé ces quelques mots en l’observant sur le pas de la porte. Cette fois-ci, il est plus découvert qu’au départ, vêtu seulement d’un short et d’un t-shirt. T’as un sourire en coin, tu penses à une sale vanne mais tu te retiens, le laissant s’affaler à tes côtés. « Bien sur Pepperoni, t’sais bien que j’adore ça ! » Nouvelle réplique la bouche pleine. Tu n’as pas vraiment d’allure ce soir. Bien qu’en temps normal tu aies davantage de prestance. Mais ivre, tu en deviens largement insupportable. Disons bien plus que d’ordinaire. Tu l’entends râler et tu te marres, après avoir avalé ta nouvelle bouchée de pizza. « Arrête de râler un peu et profites, c’trop bon putain » Tu manges comme un ogre, mais il faut dire que tu as une certaine carrure à nourrir. Forgé par les conneries, un trop plein d’énergie à dépenser dans diverses activités, vu que ton métier, lui, n’est pas vraiment éreintant.  
Tu bouges un instant, juste le temps de te pencher et de récupérer une nouvelle part de pizza avant de te caler de nouveau dans toute ta nonchalance. Vous avez l’air fin là, côte à côte, affalés, trop tard, comme deux adolescents après une dure soirée. Quelques rides et traces de coups en plus. La vie ne vous a jamais trop épargné. Toi le gamin à problème, Em, celui que tu as toujours poussé à bout. Le poing facile et les insultes qui fusent. Même si derrière, vous en revenez toujours à ce même point, à cette même amitié. Que tu as tendance à juger, malgré tout tes travers, solide. Toi, vivant toujours un peu dans ta bulle, dans tes illusions. Qui ne se rend même pas compte du mal qu’il peut faire. Des peines que tu es capable de causer. Tu poses donc ton regard sur l’émission, tout sauf passionnante mais pour le moins distrayante. Il t’en faut peu lorsque l’alcool te monte au cerveau. « Mais arrête c’est cool, j’aime bien » Balances-tu, comme une évidence. « Ça vide la tête au moins » Renchéris-tu comme pour te justifier même si dans le fond tu t’en fiches. Tu ne comptes pas lui laisser le loisir de changer de chaîne. Têtu lorsque tu es ivre.

Le silence s’installe rapidement entre vous, alors que petit à petit, vous terminez cette pizza géante. Em vire la boite de sur le lit pour la poser par terre alors que toi, tu es perdu dans la contemplation de ton émission. Un peu ailleurs. Hypnotisé par les vapeurs de l’alcool. Tu descends un peu ton coussin pour t’allonger, t’affaler un peu plus, toujours un peu redressé pour regarder la télévision. Mais cette position là ne te vas pas non plus. « Tu permets » Tu finis par pousser ton coussin pour venir caler ton crâne sur le ventre d’Em, tandis que tes yeux ne quittent pas l’écran lumineux au milieu de la pénombre. « Oué c’mieux » Lâches-tu comme une évidence, alors que tu ne lui as clairement pas demandé son avis pour t’installer contre lui. Il commence déjà à pester mais tu ne veux même plus écouter. Tu es bien, là, contre lui. Là contre la chaleur de sa carcasse. Parce que c’est lui, et personne d’autre. T’es forcé de reconnaître qu’à part Blanche, il n’y a qu’avec Emerson que tu te comportes ainsi. Comme un idiot, un peu maladroit, qui cache ses intentions derrière une nonchalance palpable. Derrière une arrogante désinvolture et pourtant, une proximité troublante.
Tu commences même déjà à t’endormir, bercé par la télévision et la présence de ton ami de toujours. Tes yeux se ferment, progressivement, tandis que ta tête tourne légèrement, comme pour te pousser à lâcher prise, complètement, les mains jointes sur ton ventre et une paisibilité qui déjà, étire tes traits.