should i stay or should i go ?
 | Lun 3 Avr - 18:04 Invité |
but if you close your eyes,
does it almost feels like nothing changed at all ?⚭ ⚭ ⚭ C'aurait pu être n'importe quoi. Une facture trop élevée qu'elle n'aurait pas eue envie de payer, une pomme pourrie qui lui avait subitement filé la nausée. C'aurait pu être un chewing-gum trop mâché, et sans la moindre incidence sur l'ombre qu'elle avait pu passer dans ses yeux. C'aurait pu être n'importe quoi. Mais dans l'éventail d'objets futiles capables de provoquer une vague de mauvaise humeur, il avait fallu que ce soit ça. Et lorsque Laurie avait laissé son regard tomber dans la poubelle, elle avait su d'instinct quel était l'objet que Saga venait juste de jeter. Elle l'avait fixé quelques instants, n'ayant qu'à peine besoin de le regarder plus attentivement pour comprendre ce que cela signifiait.
Saga était enceinte. Saga était enceinte, et elle ne le désirait visiblement pas.
La métisse avait sorti un mouchoir de sa poche, et retiré avec précaution le test de grossesse des ordures. Ses yeux s'étaient attardés quelques instants sur le petit + bleu qui s'était affiché et qui avait de toute évidence résonné comme un glas dans l'esprit de la petite pigiste. Puis, avec un soupir, elle avait sorti un second mouchoir et avait enveloppé l'objet avec soin avant de l'enfoncer dans son sac à main.
Saga était enceinte. L'idée s'était facilement imposée dans l'esprit de Laurie, alors qu'elle laissait ses pas la guider dans Liberty. Les questions affluaient en réponse à l'évidence ; pourtant, elle aurait pu les éliminer les unes après les autres sans tracas, au vu de tout ce qu'elle savait déjà. Elle avait un instant pensé à essayer de rattraper Saga. À lui parler, à la confronter. Ou à la laisser filer, sans s'occuper moindrement de ces affaires qui ne la regardaient définitivement pas. Après tout, ce problème n'était pas le sien. C'était Saga qui avait joué dangereusement avec le feu. Saga qui s'était brûlé une première fois, et qui essuyait aujourd'hui une seconde brûlure, presque aussi amère que la première. Cette brûlure-là, c'était le karma. La punition du destin, pour avoir laissé Hestia disparaître sans lever le petit doigt. Cette brûlure-là, Saga la méritait. Mais une plaie restait une plaie. Et la justice divine avait parfois un drôle de sens du châtiment.
Sans se presser, Laurie était retournée chez elle. Elle s'était perdu de longues minutes sous la douche, incapable de se décider sur la conduite à adopter. Une fois habillée, elle avait machinalement enfilé ses chaussures et sa veste, puis attrapé son portefeuille. Et elle avait dévalé les marches de l'immeuble, laissant ses pas la guider dans la rue. Elle ne s'arrêta qu'à deux reprises, la première fois dans un tabac. Deux paquets de cigarettes au fond des poches, elle en ressortit. Trois rues plus loin, elle entra dans un restaurant chinois. Et une quinzaine de minutes plus tard, boîtes de pâtes à emporter entassées grossièrement dans un sac en plastique, elle cognait à la porte de l'appartement que Saga partageait avec ses deux colocataires.
Lorsque la porte s'ouvrit, ses yeux tombèrent directement sur le visage de la petite Selwyn. Elle ne s'embarrassa pas d'un sourire, levant le sac vers elle. « T'as faim ? » Et si Saga ne l'était pas, Laurie, elle, ne se gênerait pas pour engloutir tous les plats. « Oh, j'y pense. » Machinalement, ses doigts plongèrent au fond de son sac à main et y empoignèrent le test de grossesse. Elle le sortit sans commentaire, et le leva à hauteur de leurs visages. Ce ne fut qu'après plusieurs secondes qu'elle lâcha finalement quelques mots, d'une voix basse mais nonchalante. « J'ai trouvé ça dans une poubelle. Est-ce que j'devrais te féliciter ? » Si les mots n'y allaient pas par quatre chemins, la voix, elle, ne contenait aucune agressivité. À dire vrai, elle n'avait peut-être jamais été aussi calme, Laurie. Pas question de hurler la nouvelle sur tous les toits, ou de violer encore un peu plus l'intimité de la pauvre Saga. Elle était allée trop loin, et elle le savait. Mais au fond de ses yeux subsistait surtout cette petite étincelle d'inquiétude, dissimulée par les mots secs d'une habituelle sauvagerie. |
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