Le soleil s’était couché trop vite, et à présent la noirceur l’enveloppait. Elle n’avait pas prévu de marcher aussi loin, aussi longtemps, mais ses pensées s’étaient égarées, ses pieds entraînés par leur rythme éfréné. Dans son esprit, un seul mot se répétait, inlassablement, Hestia, Hestia, Hestia. Oui, Saga se sentait coupable. Une culpabilité qui lui rongeait les os et lui enflait la gorge. Qui l’empêchait de dormir et de voir clair. Elle avait entendu parler du kidnapping et elle n’avait rien fait. Et maintenant, c’était à elle de retrouver sa soeur. Si elle n’était plus certaine de rien, elle savait au moins ça. C’était sa responsabilité. Elle avait quitté son appartement sans avertir personne cet après-midi là – un risque, certes, mais elle ne voulait aucune compagnie. Pas aujourd’hui. Elle avait besoin d’air, besoin de silence. Mais l’aiguille de l’horlogue avait avancé trop vite, et maintenant elle se retrouvait dans la noirceur. Et alors que Saga avançait, elle crut apercevoir une silhouette, non loin. Son coeur ne fit qu’un tour – des cheveux sombres, une silhouette gracieuse, une peau pâle. Hestia. Comment était-ce possible ? Comment sa soeur pouvait-elle être là ? Le coeur de la jeune femme s’emballa, alors qu’elle cria le nom de sa soeur à plein poumons. « Hestia ! » Mais la silhouette avait déjà disparue, alors qu’elle s’avançait vers elle. Son pas s’accéléra, jusqu’à se transformer en course. Ici et là, entre deux arbres, à travers les ombres, elle la voyait parfois. Et au moment où elle réalisa que peut-être, Hestia n’était pas du tout là, son pied gauche s’emmêla dans une racine et elle tomba tête première sur le sol. Le choc coupa l’air dans ses poumons, et elle dut attendre plusieurs secondes avant que le monde ne cesse de tourner. « Hestia… » Le murmure étranglé lui échappa, alors qu’elle tentait maladroitement de se redresser. Et la silhouette réapparut tout d’un coup, au-dessus d’elle, et surprise, Saga se débattit, repoussant le corps de toutes ses forces. Pas un son, sinon celui d’un poids s’écrasant contre un arbre, puis par terre. Le monde ne cessait de tourner – elle s’était cognée la tête à sa chute, elle le réalisait à présent – et Saga voyait une ombre près d’elle. Un corps. Sombre, presque invisible dans la noirceur de la nuit.

Quand Saga referma la porte de son appartement, quelques heures plus tard, sa tête lui tournant toujours, ses yeux lui piquant de fatigue, elle se demandait encore si tout ça n’avait été qu’une hallucination, ou si alors il y avait vraiment eu quelqu’un, ou quelque chose, dans ce bois, près du lac.