il déteste cet endroit. parce que c’est son frère qui le tient. parce que ça le dégoute, ces femmes abîmées qui se trémoussent et se corrompent sur scène pour quelques billets verts. elles sont belles pourtant, elles méritent plus. elles méritent mieux que cette boîte de striptease aux couleurs criardes. il le voit, chaque soir, de son nid perché au dessus du garage. il voit les lentes processions hasardeuses des personnes ne voulant pas se faire remarquer, celles des voitures luxueuses qui cachent des âmes altérées. stig, chaque soir, il monte les marches vers son nichoir et jonas lui crache ses lumières violacées à la gueule comme pour lui rappeler qu’il existe. il a beau essayer de se détacher de lui, de ses conneries, il n’y arrivera pas.
une vodka. remplis le verre à ras. et un cosmo. stig commande sans se préoccuper de la serveuse. jonas est au bout du bar, à discuter magouilles, sûrement. ou à reluquer beth. stig le fusille. il ne dégrafe pas son regard de son frère, attendant de croiser ses yeux, de l’inviter à l’observer, lui qui tourne autour du trophée dont il a tant envie. on lui pose les deux verres qu’il a commandé sur le comptoir. c’est jonas qui invite. la serveuse cherche pas à comprendre. stig, c’est le frère du boss. elle fait la connexion, ça lui suffit. elle se tourne vers le prochain client, s’armant de son sourire le plus sophistiqué.
stig se retourne et avance vers sa table, prenant une gorgée de vodka pur. il grimace avec plaisir en s’asseyant devant beth. il lui glisse son cocktail. elle est belle, beth. il comprend pourquoi jonas lorgne sur elle. lui aussi aurait pu la dévorer des yeux. en d’autres circonstances. beth elle est plus que belle. elle a ce regard impénétrable. énigmatique. elle est magnétique.
elle est problématique.
il se joue d’elle. il ne lui aurait certainement jamais adressé la parole s’il n’avait pas vu le jeu de séduction, entre elle et son frère. stig n’a pas trop réfléchi. il s’est lancé à l’abordage. il a sauté les pieds joints dans le monde de beth et s’est retrouvé piégé. bien malgré lui. tout ce qu’il veut, c’est la détourner de jonas. c’est essayer de la sauver de ses griffes. il ne sait pas si c’est pour énerver jonas, ou pour le bien de beth. c'est peut-être pour autre chose. pour s'amuser, simplement.
il lève ses fesses de la chaise pour la tirer au plus près de beth. il lui attrape délicatement les mains. j’ai toujours voulu toucher les doigts d’une pianiste. il retourne délicatement les mains de beth et les observe, caressant ses phalanges du bout de ses doigts. il lance un regard vers le bar. il espère que jonas ne manque rien.