burning head (orion)

la lune blanche, le soleil noir, nuit infinie.
elle se tenait debout, cigarette allumée, admirant le ciel d'encre qui enveloppait les bâtiments d'à côté. fille solitaire, à l'humeur triste et aux sentiments amers. on la regardait bizarrement, mais en réalité, c'était plutôt elle qui les dévisageait.

y avait juste quelques bruits étouffés, des rires sourds de soirées alcoolisées.
et cette boule au cœur qui prenait de l'ampleur. les yeux rivés sur le téléphone, elle en venait même à se demander s'il s'était bien envoyé, le message qui prévenait orion que quelqu'un l'attendait. c'était ptêtre pas une bonne idée d'avoir choisi numéro caché, mais pourtant, elle avait tout donné - la date, l'heure et le lieu. ce qu'il savait pas, c'était l'identité de celle qui lui avait donné rendez-vous. et il allait tomber sur le cul en apprenant que c'était alia, son amie de LA sur qui il avait certainement prévu de tirer un trait.
enfin ça, elle savait pas alia, c'est juste qu'elle se posait trop de questions. rien qu'à l'endroit qu'elle avait proposé, il aurait déjà du reconnaître son goût prononcé pour les steaks trop salés et se remémorer le nombre de burgers qu'ils avaient partagés. mais elle avait peur, de se rendre compte qu'avec orion, seuls les souvenirs étaient témoins de leur ancienne relation ; peur de devoir considérer comme un inconnu la personne avec qui elle avait partagé tant d'années. parce qu'après tout, il avait même pas daigné répondre un mot, à croire qu'il avait décliné l'invitation ; alors qui pouvait croire qu'il viendrait ? quel con, elle marmonnait.
alia, elle était angoissée, et son visage la trahissait. elle tirait la nicotine d'une assurance dispersée, tenait sa clope de ses phalanges qui frémissaient. mais surtout, elle était seule, trop seule. ses yeux balayaient les rues pavées, et putain, personne venait.

Orion était seul, tout le monde rendait fou. Ou il se rendait fou lui même. Mais il ne comprenait pas. Plus ça allait, plus il déprimait. Il avait envie de rien, même plus de sortir. Peut être que bientôt, il n'aurait plus envie de sortir de chez lui. Pourtant, il n'avait pas le choix. Il y avait le boulot. Il n'était pas encore lieutenant titulaire et la moindre absence pourrait le pénaliser. Tellement de choses pouvait le pénaliser. Mais il n'avait pas envie d'y penser parce que ça le tirait vers le bas.

Il était au plus bas ce jour là. La journée lui avait paru longue, il avait eu envie de rentrer plus tôt, de tout envoyer balader. Mais il avait tenu bon. Il était là, jusqu'à 18h. De plus, un sms anonyme attirait sa curiosité. Quelqu'un voulait le voir ce soir. Orion paniquait et se demandait bien qui pouvait avoir envie de le voir. Il faisait peur à voir. Son teint était de plus en plus pâle et il avait des cernes qui descendaient jusqu'à ses joues.

Il arriva devant le diner et il regarda autour de lui. Qui était là? Qui voulait le voir? Qui avait assez de cran pour vouloir passer une soirée avec lui? Orion était inquiet, pas sûr de lui. Il guettait la moindre arrivée, la moindre ombre dessinée par la lumière de la lune.

les interminables minutes qui passaient commençaient à la ronger. elle était pas patiente, alia, et elle allait encore moins le devenir pour le mec qui l'avait fait poireauter tant d'années. dans sa tête, c'était l'anarchie; et elle allait pouvoir mettre un visage sur l'orion futur après avoir connu l'orion passé; elle s'était sentie minable à son départ mais elle avait continué; continué sans y croire, sans croire qu'elle se serait retrouvée là à le traquer au moindre de ses pas. mais s'il voulait pas venir vers elle, c'est elle qui revenait à lui; et elle promettait pas la qualité de l'accueil tant qu'il s'était pas expliqué.
des explications, c'était ce qu'elle voulait. trop déterminée pour le laisser filer entre ses doigts, et, bon gré mal gré, elle allait pas le laisser s'enfuir, encore, elle y avait déjà gouté, à ce manque qui la rongeait.
les visages qui défilaient et le temps insaisissable, et elle qui s'inscrivait plus dans la réalité, elle qui se refusait d'avancer. elle se noyait dans les souvenirs troublés par la mélancolie qui l'accablait.
et puis un raclement de gorge qui se perdait dans l'abime bleu marine; et enfin ce rythme de pas désordonné qu'elle pouvait reconnaître les yeux fermés. elle était plus vraiment elle-même, alia, juste l'ombre d'elle-même à cause de l'épais nuage de fumée qui venait atténuer les rayons du soleil qu'elle portait en elle. mais elle se dirigeait déjà vers la sources des bruits; comme aimantée par lui, parce que oui elle savait déjà que c'était lui, aucune confusion n'était possible.
mais si elle s'était inquiétée de savoir si orion allait la reconnaître, c'était plutôt elle qui en est venue à s'en demander si elle s'était pas trompée de ligne quand elle avait cherché dans l'annuaire. rien que la faible lueur des néons du dinner lui servait à reconnaître les traits du visage d'orion, mais elle avait vite compris que ses traits étaient trop marqués, trop affectés par la fatigue qui s'imposait à lui. elle s'approchait, doucement, sans chercher aucun contact visuel qu'elle ne saurait soutenir, elle s'en sentait pas encore prête. ses yeux le dévisageait, lentement, examinait la moindre parcelle de ce faciès qui lui était autrefois tant agréable. elle savait que lui aussi la regardait, et elle voulait parler, alia, mais elle avait la gorge nouée par ces retrouvailles qui la déroutaient.
or,orion, c'est alia... elle bégayait, voix rauque et étouffée; elle hésitait à le toucher, juste pour se prouver que c'était lui, lui vivant, même si son état l'amenait à se poser des questions maintenant. mais elle reconnaissait l'odeur qui l'avait bercée il y a quelques années de ça, et elle se rappelait de tout ça, alia, et à ce moment là, c'était juste le réveil des sens endormis et le réveil des souvenirs qu'elle avait gardés dans un coin de son cœur.

Il se posait tellement de questions sur tout. Qui voulait le voir? Pourquoi le voir ici? Si c'était un meurtrier, il ne l'aurait pas demandé d'aller à un endroit public. Orion se rassura un peu. Puis il eut l'espoir que ce soit l'un de ses frères, l'une de ses soeurs ou ses parents. Peut être qu'ils savaient qu'il était là. Orion s'en voulait beaucoup d'avoir fugué sans explications. Il était parti sans prévenir alors qu'Orion allait très mal. Une dernière fois, il regarda autour de lui, en chassant l'image de sa famille. Ça le rendait malheureux. Et il devait rester fort parce qu' il savait qu'il allait mourir un jour ou l'autre. La mort l'obsédait. Et alors qu'il n'arrêtait pas de se poser des questions sur tout et n'importe quoi, une voix se fit entendre. Une voix qu'il n'avait pas entendu depuis trois mois. Depuis qu'il était parti. Alia. Alia était venue de Los Angeles jusqu'à Liberty? C'était invraisemblable.

Il s'avança alors, se laissant guider par sa voix. C'était magique, il croyait même qu'il rêvait. La présence d'Alia le rassurait. Il était si heureux. Arrivé devant elle, il la prit dans ses bras et la serra fort contre lui. Et pour la première fois depuis trois mois, il craqua. Il laissa les larmes couler le long de ses joues. Alia était sa meilleure amie, elle le connaissait mieux que sa propre famille. Il tenta d'essuyer les larmes qui perlaient dans ses yeux.

"Je suis tellement content de te voir Alia.... tu ne peux pas savoir... Je suis désolé d'être parti comme ça... Je n'avais pas le choix.."

tout se passait dans un silence lourd de sens. c'était pas l'ambiance pesante qui pouvait mettre mal à l'aise, mais l'impression d'un moment hors espace-temps qu'alia aurait du mal à tenir pour vrai quand tout serait apaisé.

le voir, c'était comme inespéré. une vague de sentiments qui la submergeait. mais trop de questions qui l'accablaient. elle aurait voulu lui dire, mais elle n'a pas eu le temps d'y réflechir que déjà orion la prenait dans ses bras. ces bras qui venaient cicatriser ses plaies, boucliers contre la froideur dont son cœur s'était doté ces derniers mois. il lui parlait, certainement pour la rassurer. elle entendait mais elle écoutait pas, ça bouillonnait trop en elle pour qu'elle puisse se concentrer sur ses paroles.

des secondes, des minutes, qui lui paraissaient une éternité.

le réconfort qu'orion lui apportait avait fait taire la colère qui sommeillait en elle avant de le voir. elle se détachait petit à petit de son étreinte, pour mieux le regarder. elle avait même pas remarqué les larmes qui s'étaient échappées de ses yeux. et c'est là qu'elle croisa enfin le regard d'orion. la noirceur de ses pupilles contrastaient avec ses cernes violacées. il avait l'air prisonnier, trop torturé, ange déchu au visage abimé. fallait qu'elle comprenne pourquoi il était comme ça, fallait qu'il se confie comme ils avaient eu l'habitude de le faire. même si, en essayant de repenser à toutes leurs anciennes conversations, elle arrivait pas à faire la connexion. elle se souvenait pas de ce qu'orion aurait pu lui dire qui expliquerait son état actuel.

- orion... faut qu'tu m'dises c'qui s'passe là. déjà pourquoi tu t'es tiré comme ça ? tu savais très bien que je tenais à toi. et que c'est toujours le cas.

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