Assisse sur son tabouret, à fixer son whisky, Stella ne cesse de se demander ce qu'elle fait là, dans ce bar, à s'empoisonner pour se donner du courage, alors qu'elle n'est pas franchement portée sur la bouteille, en règle générale. Elle ne s'était jamais imaginée boire seule, en plein après-midi, auparavant. Elle ne s'était jamais imaginée aussi malheureuse, non plus. Prisonnière d'un mariage sans issues, d'un amour qui s'éteint et lui échappe. Le plan était pourtant clair : Elle devait se rendre à la station de police (qui ne se trouve pas loin de son lieu de travail) et confronter l'homme qu'elle considérait comme sien. Lui balancer ses quatre vérités et peut-être même les papiers du divorce. Mais elle n'a pas osé. Cela fait des heures qu'elle se trouve dans ce bar, qui se trouve juste en face de la station. La plupart des collègues d'Eliott qui ne sont pas en service y sont présents. Elle fait tâche dans le décor, avec son regard triste et sa mine tiraillée par la fatigue. Elle ne dort plus Stella. Plus depuis qu'elle l'imagine dans les bras d'autres femmes, à danser au corps à corps dans d'autres draps. Ca lui crève le cœur à Stella, lui retourne l'estomac. Ils sont loin les papillons et la légèreté d'une relation naissante. Onze ans. Onze ans de sa vie passées à ses côtés. Elle lui a tout donné. Son corps, son cœur, son être, ses bons et mauvais côtés, ses espoirs, ses rêves – tout. Jusqu'à la dernière miette, jusqu'à la dernière étincelle. Et d'un revers de la main, il a tout balayé, tout envoyé valser. Et pourtant, elle est paralysée derrière le bar, à contempler son visage criblé de cernes dans le fond de son verre, le deuxième ou troisième (elle ne sait plus) de la journée. Il n'est même pas quinze heures encore. Mais à quoi ? A quoi bon agir selon les règles si plus rien n'a d'importance pour personne ? Si même cette alliance à son doigt n'a plus aucune signification ? Elle meurt d'envie de l'enlever pour la jeter, loin. Mais tout comme la raison qui la retient assise sur cette chaise, elle est incapable de le faire. Incapable d'abandonner si facilement, même si elle le déteste de lui avoir fait ça, de leur avoir fait ça. Plus elle y pense, plus elle s'enferme dans son monde – cet endroit où le soleil ne brille plus. Elle en oublie les autres. Si bien que ce sont à présent des larmes qui roulent sur ses joues, fruit de la souffrance qu'elle s'inflige depuis des jours à avoir pensé et repensé à toute cette histoire. Elle se déteste de l'aimer comme cela. Elle le hait d'avoir une telle influence sur elle. Cet homme qui a volé son cœur, il y a onze ans de cela, pour mieux le piétiner, comme s'il n'en était rien. Elle entend quelqu'un à ses côtés s'éclaircir la gorge, ce qui la tire violemment de sa rêverie. Lorsqu'elle est à nouveau reconnectée au monde réelle, une vague de gêne la submerge et elle essuie rapidement ses pleurs du dos de sa main. - I'm sorry, qu'elle dit à ce jeune homme dont le visage lui semble familier. Elle ignore son nom, mais elle suppose qu'il travaille avec Eliott, chose qui n'arrange rien à son sentiment de honte.

Au loin, il y avait la silhouette chétive d'Orion. Plus on se rapprochait, plus on pouvait apercevoir sa figure pâle, son air fatigué. Orion Carrow dans toute sa splendeur. Orion Carrow qui semblait ne plus être lui même après cette fin de journée. Il n'avait pas envie de rentrer tout de suite, il n'avait pas envie d'affronter le regard inquiet d'Astra. Il n'avait pas envie de parler, il avait envie de rien. La fatigue le prenait mais il s'en fichait bien, s'il allait dormir, il revivrait ce cauchemar où il se tirait dessus et il n'avait pas envie de ça. Au contraire, en ce moment même, il avait envie d'une bonne vodka. Depuis Los Angeles, il était devenu accro à la vodka. Cette boisson l'aidait à surmonter ses peurs. Orion soupira. Il se posait tout un tas de questions sur lui-même, sur sa place dans la police, sur sa place à Liberty, et même sur sa place dans la famille.

Orion se referma sur lui même, il n'avait pas envie que les gens puissent lire en lui comme un livre ouvert. Il avait un air sinistre comme s'il venait d'enterrer quelqu'un, mais Orion s'en fichait bien. Il se dirigea vers le bar, synonyme de liberté pour lui. Il entra dans la salle et avança jusqu'au comptoir. Une femme blonde, plutôt jolie, Orion ne pouvait que se l'avouer, s'y trouvait mais elle l'empêchait de s'avancer pour commander sa vodka. Il se racla la gorge, histoire de montrer sa présence. La jeune femme bougea et Orion n'esquissa aucun sourire, ni même ne montra un visage chaleureux. Il commanda sa vodka et s'assit à côté d'elle. Il était sûr de l'avoir vu quelque part mais il ne savait où. Il se contenta de la fixer sans dire un mot. Son côté sauvage reprenait le dessus.

Elle ne sait pas où donner de la tête Stella. Rester les yeux rivés sur son verre ou parler à ce parfait inconnu ? Elle en oublie ses bonnes manières, la journaliste. A croire que la peine et le chagrin vous donne le droit de mal agir. Mais l'homme n'est pas en reste non plus. Son visage est fermé, peu expressif. Elle ignore si elle doit entamer la conversation ou partir. L'alcool l'enivre, rend ses pensées confuses. Mais elle en est sure à présent. Il travaille avec son cher et tendre. - You're working with Eliott, right ? Bravo Stella, belle entrée en matière, qu'elle pense en s'éclaircissant la gorge. Les deux pieds dans le plat. On ne peut faire mieux. Mais voilà, c'est fait, elle en a parlé de son mari. Du traitre, de l'infidèle. Elle ne doit pas en dire davantage. Elle ne doit pas lui porter préjudice. Enfin, peut-être. Lui n'a pas pensé à tout cela en allant coucher avec une autre. - I'm his wife, ajoute-t-elle en lui adressant un léger sourire. Well, future ex-wife. Cette pensée tourne en rond dans son esprit, lui donne la nausée. D'un divorce ? Elle n'en avait jamais rêvé. Et ça fait mal. Atrocement mal. - I mean, I'm Stella, elle se sent obligée de le rajouter, de retrouver une identité propre. Qu'elle soit sa femme ou non, elle est avant tout Stella. La journaliste, la radieuse, l'enfant du pays. Le monde était à ses pieds à l'époque. Et maintenant, c'est son monde à elle qui s'écroule. Et c'est dans un bar qu'elle tente de se reconstruire, mais c'est comme un château de cartes sur lequel on souffle sans cesse dessus. Pour une femme qui est payée pour aligner les mots et raconter les histoires des autres, elle n'a pas grand chose à dire la concernant. Alors, elle lui laisse volontiers la main, s'il est d'humeur bavarde.

Orion buvait son verre tranquillement, il était perdu dans ses pensées. Pensées qu'il voulait tuer à tout jamais. Il n'arrivait pas à surmonter ses angoisses, il n'arrivait plus à rien. L'alcool fort le rassurait. L'alcool le rendait plus détendu. Après tout, la femme qui parlait était belle, pourquoi se priver de lancer une conversation. Orion fixa la blonde qui lui causait. L'alcool lui déliait la langue. Le peu d'alcool l'enivrait. Un sourire charmeur s'afficha enfin sur son visage. Eliott? Ce prénom lui parlait. Mais oui, il avait passé la journée avec lui, aujourd'hui. Il se détendit un maximum et croisa ses jambes, il lança alors: " Yeah I know him.. I was with him, today..." Drôle de coïncidence, non? Il n'avait aucun jugement à faire sur son collègue bien qu'il se méfiait énormément de lui. Sa femme. Il avait bon goût le collègue, pas tellement son style au petit brun, qui préférait les roux. A cette pensée, son visage prit enfin de la couleur. Astra et sa douceur incroyable. Dana et son charme incroyable, Orion était complètement perdu. Mais heureusement, ce soir, ni l'un ni l'autre n'était là. La femme de son collègue se présenta. Stella. Joli prénom, pensa le jeune Carrow. Il garda son petit sourire charmeur et il lança:

"It's nice to meet a beautiful woman like you, Stella.. My name is Orion..."

L'alcool lui faisait faire n'importe quoi. Draguer la femme d'un collègue, c'était tellement pas lui. Mais il l'avait fait. Il se sentait pousser des ailes grâce à la vodka. Mais ce n'était pas Orion Carrow. C'était son fantôme.

De savoir que cet homme, cet inconnu a passé la journée avec son mari, ça la tue Stella. C'est la jalousie qui l'anime, qui fait battre son cœur plus vite. Pas qu'elle soit craintive qu'Eliott soit attiré par les hommes, mais elle est jalouse de savoir que d'autres gens lui parlent. Qu'avec les autres, les relations sont normales, chaleureuses. Pas comme son couple qui se meurt sous un vent glacial. Il lui manque. C'est stupide, inexplicable et ridicule, mais il lui manque. Avant lui, Stella ne s'était jamais considérée comme romantique. Et pourtant, après onze ans d'amour, elle est obligée d'admettre qu'il y a des choses que l'on ne contrôle pas. Des choses plus fortes que la raison, plus fortes que les mots, plus fortes que tout. Mais si elles sont délicieuses, la chute est d'autant plus intense lorsque les choses se corsent. Si bien que la blonde en oublie ses principes, à boire en compagnie d'un policier qui n'est pas le sien, l'alcool comme allié, la langue prête à fourcher. Stella se surprend à rougir lorsque l'inconnu la complimente. Un comportement qui ne lui ressemble pas, elle qui ne se laisse jamais intimider. D'autant plus qu'elle trouve le commentaire franchement déplacé, mais elle se garde bien de le signaler, de peur de faire fuir sa proie. En effet, elle a besoin de lui. Besoin d'Orion pour avoir des nouvelles de son époux qu'elle n'a pas vu depuis plusieurs jours. C'est comme une drogue. Et tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins. - Thanks and nice to meet you too, qu'elle dit en lui offrant un large sourire. Elle fait signe au barman de remettre une tournée tandis qu'elle se redresse sur sa chaise pour paraître plus convenable. Ses larmes sont désormais un lointain souvenir. - Do you know my husband well ? Or is he just a simple co-worker to you ? Dit-elle en prenant une gorgée de son verre tout en le regardant. Elle sait que c'est mal, Stella, que d'user de ses charmes pour avoir des informations. Mais c'est la journaliste en elle qui revient au galop. Des jolies fossettes pour endormir les soupçons.

Son fantôme, son âme noire qui remontait à la surface. Non, Orion n'était pas un monstre, il n'était pas comme l'un de ces criminels qu'il arrêtait parfois. Il était juste blessé. Blessé par la vie, blessé par ses démons. Il ne sait plus quoi dire, Orion. Il regarde autour de lui, tel un animal apeuré, traqué. Il repose ses yeux sur la blonde, la femme de son collègue. Comment une femme aussi belle pouvait être avec un crétin pareil? Car oui, pour Orion, Eliott était un crétin. Loin de là une jalousie quelconque. Il n'avait rien à lui envier.. à part peut être sa femme, mais ça restait là. Tel un gentleman anglais, il prit sa main et y déposa un baiser. Typiquement anglais. Son éducation anglaise revenait. Il aurait eu envie de rire, de dire : " you see mother.. I don't forget anything.." Mais non, il se retint, et il sortit son portefeuille pour lui payer la tournée. Elle était ravie de le rencontrer. Un sourire s'afficha enfin sur son visage. Orion l'étoile morte reprenait vie doucement. Et puis elle lui demanda des précisions sur sa relation avec son collègue. Ce fut comme un verre qui se brisait à l'intérieur de lui. Son sourire doux se transforma en un sourire froid. Son teint pâle, malgré l'alcool reprenait sa place sur son visage. Orion se renfermait de nouveau. Que dire sur Eliott? Il répondit, glacial:

"Honestly? He is just a co-worker but I think he is just dumb... "

Il était honnête, il n'allait pas mentir à Stella même si elle était sa femme. Elle pouvait lui répéter si elle le voulait, il s'en fichait bien. Il reprit:

"I think you don't deserve him.. You are too beautiful and too nice for him..."

Bon d'accord, il allait trop loin là, avec elle. Il lui faisait du rentre dedans tel un animal autour de sa proie. Orion ne se reconnaissait plus.

Stella, elle a du mal à accepter le contact quand il vient d'un parfait inconnu. Et de voir le jeune policier lui embrasser le dos de la main, ça la dérange, ça la démange, elle ne sait plus vraiment où se mettre, même si elle ne laisse rien passer. Elle le trouve étrange, le gamin. Peut-être trop ivre ou alors, c'est elle qui est trop enivrée par l'alcool. Elle lui adresse un sourire poli. Elle essaye de le demeurer malgré tout car, ne serait-ce que pour son mari. Même s'il ne le mérite pas réellement. Mais Stella le sait plus que tout : Le personnel ne doit pas interférer dans le travail. Orion offre sa tournée, elle est un peu mal à l'aise Stella, mais elle ne dit rien. Elle se contente de continuer à sourire. Elle les veut, ses informations. - Thanks, that's so sweet of you ! Let me pay the next one, okay ? Elle ponctue sa phrase d'un petit rire cristallin avant de passer sa main dans ses cheveux dorés. La journaliste joue de ses charmes, mais sans en abuser. Tout cela reste bon enfant. Néanmoins, la conversation prend une tournure beaucoup moins légère, tant est si bien que le jeune se permet d'insulter Eliott d'idiot. Stella en perd son sourire et fronce les sourcils, le laissant terminer de parler. Peut-être est-il au courant de la tromperie ? Mais comment le serait-il. Elle ose espérer que son mari n'en a pas parlé à tous ses collègues. Quoi qu'il en soit, la jeune femme voit rouge. Elle peine à se contrôler et c'est une gifle qui part plus ou moins contre sa volonté. - How dare you ? I'm his wife. And I can't let you say stuff like that. He's a brilliant young man. And I really wish you could be more like him because he'd never say something like that to one of his co-worker's wife, qu'elle lui dit, l'air à présent sévère. Elle lui en veut à Eliott. Enormément. Mais qu'un inconnu se permette de l'insulter devant elle, ça, elle ne peut pas l'accepter. Il reste son amour, sa moitié. Et rien, ni personne, n'a le droit de l'attaquer sans s'attirer les foudres de Stella. Il n'y a qu'elle qui a le droit de l'appeler dumb.

Il était allé trop loin, l'alcool ne l'avait pas aidé. Son état ne l'aidait pas non plus. Il commanda un autre verre et il regarda la femme de son collègue. Elle était en colère. En même temps, sa fougue et son jeune âge l'avait poussé à dire impulsivement ce qu'il pensait. Il était peut être un peu trop franc. Il soupira et il reprit:

"I'm sorry... I didn't want to mean what I said... It's just complicated with him at work... I think he is not doing things well..."

Il essaya de se rattraper mais il ne savait plus ce qu'il disait vraiment, comme s'il était stone. Il aurait bien aimé être stone et tout oublier de cette soirée et tout oublier de tout depuis dix ans. Sa colère revenait et il avait envie de tout envoyer balader. Seul l'idée de savoir sa famille saine et sauve ici, le tempérait un peu. Il reprit plus sèchement :

"I think I have to go... it would be better... for both of us..."

Il sentait la colère l'envahir, la haine, la peur, l'angoisse. Tout se mélangeait en lui, et lui donnait soudainement une horrible migraine. Il posa ses mains sur ses tempes et il avait envie d'arracher sa tête pour arrêter la douleur. Il avait complètement oublié la femme de son collègue à côté de lui qui pourrait lui expliquer l'étrange comportement d'Orion. Il prit son verre et le but d'un trait. Il voulait tout oublier.

"I don't know why I'm talking that much .... it will kill me soon... "

Loin de la conversation où il avait insulté son collègue, Orion était de nouveau perdu dans le passé où il tentait de se justifier qu'il n'avait jamais parlé de ce qu'il avait vu. Mais il allait mourir, il le savait. Il n'avait qu'une seule hâte, que ça vienne très rapidement.

Stella, elle expire la colère que lui a inspiré Orion. Personne n'a le droit de toucher à son soleil, pas même quand celui-ci s'amuse à lui brûler les ailes. L'anneau qu'elle porte à son doigt est signe de vœux, de promesses faites à cet amour en face duquel elle courbe l'échine, dans les bons, comme dans les mauvais moments. Durant l'hiver, comme durant le printemps. Et Orion, il semble jeune et fougueux, elle pourrait lui pardonner sa maladresse. Mais quelque chose de sombre résonne en lui, une chose sur laquelle elle ne peut se résoudre à poser des mots. Et Stella, elle n'accepte pas. Elle n'accepte pas que la noirceur s'empare d'Eliott, un peu plus à chaque fois. - Of course because you're obviously old enough to know better, right ? Qu'elle lui crache au visage, le regard assombri par l'agacement et le mépris naissant. Elle ne peut fermer les yeux sur tant d'arrogance. Il pousse, pousse encore, comme un enfant qui cherche les limites. Mais Stella n'a que peu de tolérance lorsqu'il s'agit de son amour. - Yes, I think so too. La langue est acérée, les mots glaçants. Elle n'a plus envie de jouer, plus envie de déterrer des secrets si cela implique un personnage tel qu'Orion dans les parages. Elle le veut loin. Envolé, parti. Elle ne supporte plus sa présence. Drôle de réaction pour cette femme de nature si sociable.
Alors qu'elle porte son verre à ses lèvres pour noyer sa colère, Stella ne peut s'empêcher d'entendre le jeune homme qui ne s'adresse plus à elle, mais à... Elle l'ignore, en réalité. Il semble désormais perdu, désorienté. Et si son esprit la somme de mettre les voiles, son cœur habité de bonne volonté, la prie de rester et de l'aider ? Elle ignore s'il a besoin d'aide, à vrai dire. Peut-être est-il juste trop saoul. Elle se déteste de faire cela, mais elle se tourne à nouveau sur son tabouret de bar pour lui faire face. - Are you okay ? Do you need anything... ? Like, some water or something ?

Orion se perdit dans les tourments de ses pensées. Il est persuadé qu'il va mourir, il le savait et il prenait cela comme une caresse de la vie. Il avait blessé beaucoup trop de monde. Tout d'abord ses parents, ses frères et ses soeurs. Lui qui voulait juste rentrer plus tôt tout en expliquant que pour la retenue, ce n'était pas de sa faute. Lui qui était plein de joie de vivres, de sourires à tous ceux qu'ils croisaient, tout cela n'était que poussières de souvenirs enfouies au plus profond de lui même. Il n'avait pas le droit à ces souvenirs heureux. Il n'avait le droit que de revoir les images malheureuses d'une jeunesse compliquée. Ses nombreuses fugues parce que la douleur était trop forte. Il ne voulait pas que sa famille soit en danger à cause de lui et aujourd'hui il le payait d'un prix fort. Il s'était séparé d'eux à tout jamais. Orion fixa le mur au fond de lui pour éviter laisser couler des larmes le long de ses joues. Ce n'était pas possible, rien n'était possible. A part de voir sa vie abîmée au plus profond d'elle même. S'il avait su, il aurait gardé son chemin habituel. Ces regrets le rendait encore plus malheureux si c'était possible. Mais il devait se reprendre parce qu'il était en compagnie de la femme de son collègue. Il commanda un autre verre, d'un air absent, puis il fixa sa femme. Il était loin Orion, mais il enviait son collègue d'avoir réussi sa vie alors que lui, il ne voyait que le tableau noir qui peignait chaque souvenir de la sienne. Elle lui parlait, elle était en colère, mais il n'entendait rien. Il était encore en train de courir pour échapper à cette image de la mort. Il posa une main sur son arme, elle était là rassurante. Elle était sa meilleure amie, la seule qui pouvait le comprendre. Elle l'accompagnerait jusqu'au bout. Il continua de regarder Stella, sans rien dire. Il ne voulait pas s'effondrer, pas ici, pas devant elle.

"I will be fine... I will be okay..." murmura-t-il dans un élan de courage.

Il n'irait jamais. Il avait tout perdu. Et aujourd'hui, il fêterait le dixième anniversaire de sa mort. Parce que oui, Orion Carrow était mort il y a dix ans et seule son âme déchirée était dans son corps et parlait à sa place.