[a lot on my mind]
≡ 01. Laurie, elle ne sait pas abandonner. Elle ne sait pas jeter l'éponge, elle ne sait pas passer à autre chose. Quand elle commence quelque chose, c'est pour le terminer. Et il n'y a rien pour l'arrêter. Lui faire changer d'idée est peine perdue, et elle ne recule devant rien pour parvenir à ses fins. ≡ 02. Elle est trop curieuse, et elle le sait. Classée dans la catégorie des fouineurs, elle aurait sans doute fait une excellente journaliste. Mais rédiger des articles ne l'a jamais attiré, et elle a toujours préférer capturer les faits en image. ≡ 03. Elle est aussi tout à fait capable de faire ses recherches, et les ressources auxquelles elle arrive à avoir accès peuvent parfois frôler l'illégalité. Elle possède en effet quelques compétences de hackeuse qui lui permettent de mettre son nez là où beaucoup ne le pourraient pas. Ses connaissances sont très loin d'être infinies, et elle aurait encore beaucoup à apprendre sur le sujet. Cela ne l'intéresse pourtant pas davantage. Ce qu'elle sait faire lui convient, et elle s'en satisfait. Dans le fond, ce n'est rien d'autre qu'une aide à ses recherches. ≡ 04. Cela fait plus de quinze ans maintenant que la photographie est devenue le centre de la vie de Laurie. Elle a volé son premier appareil photo lorsqu'elle avait douze ans, et s'en est ensuite vu offrir un par son oncle, qu'elle possède encore aujourd'hui. Son matériel a néanmoins évolué avec les années, et elle a même été admise dans l'Institut d'Art de Portland pour se perfectionner. Si elle avait pu, elle n'aurait vécu que de son art, profitant des occasions d'exposer dans des galeries d'art et de vendre ses clichés aux magazines et journaux qui auraient pu les réclamer. Elle a toujours rêvé de voyager pour en voir davantage, et pour pouvoir saisir tous ces paysages dont les images capturées par d'autres parsèment les murs de son appartement. ≡ 05. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a l'oeil. Excellente observatrice, elle n'aime pas se réfugier derrière un viseur pour rien. Ses clichés sont saisissants de vie ; hors de cela même, elle a toujours eu le don de remarquer tout ce qui passait dans son champ de vision. Sa mémoire suit d'ailleurs la plupart du temps ses yeux, ce qui n'a jamais fait que renforcer sa tendance à vouloir se mêler de tout, tout le temps. Une jolie fouineuse — à la limite, parfois, d'être voyeuse. ≡ 06. Laurie, elle ne trempe pas nécessairement que dans la légalité. Avoir des contacts dans tous les domaines ne l'effraie pas le moins du monde. Les seuls qu'elle évite cependant de fréquenter, dans l'idéal, restent les Red Devils. Cependant, si elle ne peut y échapper, elle n'aura aucun souci à aller les affronter. Mais quoi qu'il en soit, elle considère que tout le monde a un prix — et elle n'a pas peur de le débourser pour obtenir ce dont elle a besoin. ≡ 07. Elle a toujours joué en solo. Son sens de la famille a été émoussé par l'incapacité de ses parents à lui offrir un cocon stable, et même en s'intégrant ensuite à celui que son oncle essayait désespérément de maintenir, elle n'a jamais réussi à s'y sentir complètement à l'aise. Elle a besoin d'être seule, Laurie. Elle a besoin de savoir que rien ni personne ne peut l'obliger à faire ce dont elle n'a pas envie — et elle a besoin de pouvoir s'enfermer avec ses pensées aussi souvent qu'elle le désire. Cela ne l'empêche pas d'aimer, et d'être particulièrement protectrice envers les gens à qui elle s'attache. Mais disons qu'elle n'est pas du genre à s'accrocher et à ne plus laisser respirer. Elle n'est qu'une ombre, longeant les murs et épousant chaque parcelle d'obscurité ; toujours sur les pas de ceux qu'elle surveille d'un oeil attentif. ≡ 08. Elle est de ceux qui ont besoin de se dépenser. Que ce soit en mettant ses baskets pour aller courir ou en allant frapper un sac dans une salle de sport, elle devient folle si elle reste trop longtemps immobile. Il n'est d'ailleurs pas rare de la voir prendre des très longues marches en forêt, avec son appareil photo, rien que pour profiter de l'air frais et de la vue. Rien que pour s'éloigner de la putréfaction dans laquelle s'empêtre le monde, et que son objectif lui rappelle chaque fois qu'elle y colle l'oeil. ≡ 09. Elle aime faire la fête, et se perdre dans les draps d'inconnu(e)s. Elle aime sentir son corps oublier le poids de la vie, et ce quotidien monotone dans lequel elle a l'impression d'être enfermé. Pour autant, elle n'atteint jamais un stade d'ivresse où elle ne serait pas capable de se défendre, ou d'être un tant soit peu en possession de ses moyens. À cet égard, elle ne prend que très peu de drogues, ou le fait en présence de personnes de confiance, généralement enfermée dans son appartement. ≡ 10. Si l'héritage culturel de sa mère et de son oncle l'a conduite à apprendre et comprendre le swahili, il l'a aussi sensibilisé à certaines croyances. Elle n'en parle que très peu, et ce qu'elle pense ne regarde pas les gens ; mais elle a conscience des choses et des gens, et possède un esprit particulièrement ouvert. Cependant, elle ne sait que penser des histoires d'extraterrestre de Liberty — quelque chose qu'elle cherche irrémédiablement à comprendre depuis qu'elle en a entendu parler pour la toute première fois.

(i) Laurie, c'est le fruit d'une union qui n'en était pas vraiment une. Son père faisait partie du gang des Red Devils, et n'a jamais entretenu de relation sérieuse avec sa mère. Celle-ci est tombée enceinte par accident, mais n'a pu se résoudre à se séparer de l'enfant. Le père n'a rien dit, et a simplement voulu n'avoir rien à faire avec ce rejeton. (ii) Si la petite Laurie a donc grandi sans véritable père, elle ne l'a cependant vu passer chez elle que trop souvent. Ne rien vouloir savoir de l'enfant était une chose ; contraindre la mère à rester sa maîtresse une autre. Les années ont donc défilé sous le joug de cet homme, qui apparaissait quand bon lui semblait et disparaissait pendant parfois plusieurs semaines après. Une femme qui n'avait rien à dire, et qui en ressortait chaque jour un peu plus brisée. Une enfant qui avait appris à se cacher dans sa chambre et à ne pas croiser son regard. (iii) Et puis, un jour, l'un des membres du gang fut arrêté. Le père de Laurie, alors soudainement persuadé que sa maîtresse était responsable d'une quelconque manière, et l'avait sûrement vendu à la police, vint un soir lui faire comprendre que se mêler de son business n'était pas une bonne idée. La dispute fut violente. Et la petite Laurie, prostrée dans sa chambre, décida finalement de sortir par la fenêtre, et d'aller chercher du secours chez les voisins. Lorsque ceux-ci arrivèrent, Mme Hayworth était morte, et le motard s'était évaporé dans la nuit.  Il fut arrêté quelques semaines plus tard, puis jugé pour le meurtre. Le témoignage de l'enfant permit d'affermir la peine qui fut prononcé, et l'homme croupit aujourd'hui encore en prison. (iv) L'enfant, alors âgée de huit ans, fut par la suite confiée à son oncle, vivant lui aussi à Liberty. Les années passèrent, et elle développa la force de caractère nécessaire à braver la vie. Elle apprit très rapidement à se débrouiller seule, et ne se laissa jamais marcher sur les pieds. (v) À l'adolescence, elle connut les premiers plaisirs de la photographie, et se découvrit immédiatement une passion alors impossible à réfréner. Passion qui la poussa à voler un appareil, faute d'être capable de se l'acheter — passion qui la conduisit à être arrêtée. Elle ne fut cependant jamais envoyée en prison, mais se vit un casier judiciaire ouvert. Elle prête depuis attention à ce qu'il reste suffisamment vide pour qu'aucun juge n'ait jamais l'idée de lui couper les ailes. (vi) À dix-huit ans, son dossier fut accepté à l'Institut d'Art de Portland, et elle mit les voiles loin de Liberty. Elle y passa sept ans, complétant ses études, décrochant des contrats de photographe à droite et à gauche, travaillant pour gagner sa vie. Hautement débrouillarde et autonome, elle connut les déboires de la métropole sans s'y enfoncer, et apprécia l'environnement dans lequel elle évoluait. Un nouveau souffle, qu'elle aurait voulu ne jamais avoir à perdre. (vii) Il y a trois ans de ça, son oncle tomba cependant malade. Elle n'hésita pas très longtemps avant de retourner à Liberty pour prendre soin de lui, et revint s'installer dans la maison qui l'avait accueillie la majeure partie de sa vie. Elle se concentra exclusivement sur le vieil homme pendant près de six mois, avant qu'il ne la quitte finalement. Avec l'accord de son ex-femme, elle alors la maison en vente. Elle se trouva un emploi temporaire dans un club vidéo, en attendant de pouvoir repartir à Portland dès que l'occasion se présenterait. (viii) À peine un mois après avoir commencé à travailler, alors qu'elle sortait du club, un soir, l'envie lui prit de se percher sur un toit pour prendre des photos. Alors qu'elle promenait son objectif pour regarder par les fenêtres du bloc d'en face, elle aperçut dans l'un des appartements une jeune fille, ayant visiblement été violentée, qui se balançait doucement, suspendue au plafond. Elle appela immédiatement les secours, qui déclarèrent l'heure du décès dès leur arrivée. (ix) Lorsque l'appartement fut laissé vacant, quelque temps plus tard, Laurie ne put s'empêcher d'y emménager — non sans le purifier au préalable à l'aide de quelques rituels familiaux. Elle conserve depuis une photo de la jeune fille dans son portefeuille. Si l'enquête s'est arrêtée sur un suicide, les quelques éléments qu'elle a instinctivement ramassé pourraient pointer autre chose. Elle a donc décidé de continuer de s'en mêler, et d'essayer de découvrir les raisons qui auraient poussé cette fille sans histoire à s'enlever la vie. (x) Elle reste depuis à Liberty, et n'a jamais quitté son emploi au club vidéo. Elle continue depuis de se mêler de tout ce qui lui paraît suspect, sans pour autant délivrer quelque information que ce soit aux journalistes ou aux autorités tant qu'elle n'en ressent pas la nécessité ou que ce ne sont pas eux qui viennent la chercher.