ça fait trois jours.
trois jours que l'chat s'est barré, que l'chat s'est fait la malle. forcément c'était pas le bon plan de laisser la fenêtre ouverte avec toute une vie hors des murs qui l'attendait. alors alien, le sphynx, il a préféré se tailler plutôt que de bien bouffer. sans doute qu'il a mal pioncé ces derniers temps shiro, sans doute qu'il s'est imaginé le pire et que songer au cadavre du félin ça lui filait la gerbe autant que possible. alors il s'est mis à chercher avant les cours, et après. un peu partout, un peu nulle part, à gueuler son blase dans toute la rue, ce qui en faisait marrer certains. il se voyait pas imprimer plusieurs feuilles avec sa tête déconfite, ni filer de la thune en cas de renseignement. il se traîne, il regarde un peu partout, il a mal au ventre - il mange pas assez depuis, pauvre sensible qui tire sur la corde. gosse en pleine perdition qui va à gauche, puis à droite, qui se retrouve en plein coeur de la ville puis en dehors. à chaque miaulement ça le fait se retourner, se dire que peut-être. puis non. inspiration profonde, il jette un rapide coup d'oeil sur son portable, à vérifier l'heure. c'est pas faute d'avoir missionné sasha aussi. maintenant, maintenant il se donne la dernière chance. parce qu'alien, il s'est jamais barré plus que quelques heures. empoisonné ? le tableau lui plaît pas, ça lui donne envie de chialer.
il croque dans l'arlequin, fait couler le sucre sous sa langue et remet convenablement le sac sur son épaule, les lunettes foutues sur son front - pas besoin d'une vision x-ray pour trouer un rat géant sans poils. pincement de lèvre qui vient à rosir. il s'adosse à un mur, tape du pied. puis il entend brailler, du genre assez grave pour ressembler à une trompette mal lavée. froncement de sourcils. il a peur de se faire de faux espoirs. mais l'destin s'en mêle et décide de lui mettre sous les yeux, alien, trop haut perché et tapette pour sauter comme il faudrait.
- mais... mais quel con. murmure, rassuré, il sourit un peu. il a l'air fin les quatre pattes sur cette gargouille qui les nargue, ça ferait une chouette photo. il regarde la hauteur, ça va être galère pour grimper. sa main s'abat sur son front en facepalm. il voudrait gueuler, l'insulter mais alien c'est  un chat  ; c'est pas comme s'il en avait quelque chose à foutre. et il reste planté, à regarder les passants, comme si quelqu'un pouvait l'aider.

reiko, il vagabonde. il traîne sa carcasse dans liberty sans même savoir où il va, la tête qui fait des siennes. ses vêtements dégueulasses, ses cheveux en bataille et son visage trop pâle pour la normale, ça fait peur aux passants. ils s'éloignent, changent de trottoir et gardent bien leurs enfants près d'eux. reiko, il se contente de leur sourire. il sourit parce qu'il n'a rien de mieux à faire. parce qu'il est heureux, mine de rien. il ne leur en veut pas, à tous gens. il arrive presque à les comprend. parfois, il ressent la même chose qu'eux à son égard. il se dégoûte, se répugne. c'est comme ça. il fait avec. l'orphelin a appris à l'accepter au fil des années et finalement, ce n'est pas si terrible que ça. il y a pire. de toute façon, aujourd'hui, rien ne pourra détruire son moral. il est heureux, sautille presque dans la rue. son petit ami, il lui a dit de stay still, de ne pas quitter le petit taudis qu'ils appellent maison depuis quelques jours. il a dit que ce n'était pas bon de sortir, pas dans cet état. quel état ? reiko, il va bien. il rayonne. il ne veut pas rester là-bas. il veut faire monter l'adrénaline, tester ses limites. il veut tellement choses, reiko. tellement. tellement. tellement.
et comme par magie, c'est là qu'il apparaît. qu'ils apparaissent, pour être plus exact. ils sont deux. un homme et un chat sur une gargouille. à cette imagine, reiko, il se met à rire - doucement pour ne pas effrayer la bestiole mais assez fort pour que ça arrive aux oreilles de l'inconnu. c'est le genre de situation qui n'arrive que dans les films - vous savez, ceux qu'on leur faisait regarder à l'orphelinat. du moins, il le croyait jusqu'à maintenant. ça se passe réellement devant ses yeux et la seule chose qu'il fait, c'est rire alors qu'il sait qu'il ne faut pas. il termine par se calmer, garde ce foutu sourire sur ses lèvres. pardon, qu'il excuse à l'homme - ou peut-être au chat. il ne sait pas trop, reiko. j'croyais que ça, il désigne les deux êtres à ses côtés et insiste sur le chat haut perché sur la gargouille et qui n'arrive pas à descendre, ça n'arrivait que dans les films... ou les dessins animés... peut-être un peu des deux. n'empêche que j'voulais pas rire. pas du tout. c'est juste que... euh... ouais. j'ai ris quand même. ses mots s'enchaînent à une vitesse phénoménale. au final, c'est à peine si on arrive à suivre. il passe une main dans ses cheveux, un peu gêné de sa conduite. j'sais que ça aurait pu effrayé le chat. j'suis désolé. puis reiko se rapproche un peu, met une main au dessus de ses yeux pour mieux voir à cause du soleil. il se reconcentre ensuite sur le mi-homme, mi-garçon à côte de lui. c'est ton chat, j'suppose ? qu'il murmure. j'crois qu'il est coincé. oui, reiko, il a le don de faire des statements inutiles. t'as une idée d'comment l'aider à descendre ?

d'un côté ça se marre, de l'autre ça papote. c'est pas vraiment clair, et sur l'instant shiro il se sent pas concerné. il se dit qu'il a raté la chute ridicule d'un cycliste, qu'il a loupé le viandage de sa vie à être trop concentré sur son matou. mais rien de tout ça. c'est à lui qu'on cause, et ça lui fait tout bizarre de sortir de sa pensée quand on lui propose quelques conseils. sourcils froncés, on lui balance que ça sort tout droit d'une télévision, que c'est un gag pour mouflets et parfois la base d'une histoire qui durera plusieurs saisons. inspiration profonde, il pince sa lèvre inférieure, sent ses joues rosir d'une sorte de honte et lassitude. il aime pas avoir l'attention sur lui shiro, il aime pas que des paires d'iris s'attardent sur sa tronche sortie d'un livre pour nerds. il a même pas le temps d'en placer une qu'une fille se rajoute à la discussion à peine entamée. elle a raison. c'est vrai que c'est cocasse. c'est vrai aussi qu'un chat c'est censé retomber comme il faut. mais alien il est tranquille pépouze sur sa gargouille, il le voit même s'étirer un peu et bien s'installer à son aise - il est pas très grand. profond soupir, il regarde le type, la nana, la nana puis le type.
- au pire on se grimpe chacun sur les épaules, ça f'rait une échelle assez grande pour le choper. il rit vaguement à sa propre boutade, grince des dents avant de jouer nerveusement avec ses propres doigts. il sait pas quoi dire pour alimenter toute cette fascination pour cet animal sans poils. quelques passants s'arrêtent une seconde ou deux. ils comprennent que shiro il est bien accompagné, alors ils se taillent sans trop s'embêter - c'est pas comme s'il allait se suicider. c'est un peu ridicule nan ? si j'appelle les pompiers... on va me rire au nez. pis comme il a dit heu ? il jette une oeillade vers le garçon. - bah ça arrive que dans les films ces conneries. baisse les yeux, shiro il se voit quand même pas repartir sans son chat, il a envie de l'insulter encore - il est trop bête. et il en revient à se demander comment il a pu faire, se démerder pour. ah. là haut. c'est haut.
- j'sais paaas... faudrait qu'il saute, mais il a l'air bien. il attend son cocktail dans une noix d'coco. ALIEEEEEEEN ! il tape du pied une fois, genre personnage féminin dans un manga absolument mauvais. il nous regarde genre " hé bande de minables, je suis votre roi " pft.  vous avez des idées peut-être ? enfin... si vraiment, faudra qu'j'appelle les pompiers. ou genre... si y'a une échelle quelque part.