[story of my life]
walkin' on sunshine« nah. je veux pas y aller. » tu fais la moue. tu t'arrêtes même. ton grand frère roule un peu des yeux. tu l'agaces un peu. mais un sourire sur ses lèvres se dessinent.
« allez, erin. ne fais pas l'enfant, sinon on va être en retard. » a vrai dire, tu t'en fichais toi. d'être en retard. l'école, t'as jamais voulu y aller. toi, tout ce que tu voulais, c'était te rouler dans l'herbe et faire des colliers de fleurs. t'as jamais demandé à compter ou à apprendre à lire. c'était beaucoup trop compliqué tous ces dessins de lettres.
« non. je veux pas y aller. » t'as que six ans et probablement toute la détermination du monde. t'étais butée aussi. ton grand frère revient un peu vers toi.
« tu vas voir, tu vas t'amuser. tu vas te faire pleins d'amies. et pis, si tu veux devenir grande, il faut que tu y ailles. tu ne veux pas être un bébé toute ta vie n'est-ce pas ? » là, tu ouvres la bouche. puis tu la refermes. avant de froncer les sourcils.
« j'suis pas un bébé. » ton grand-frère rit. t'es mignonne quand tu boudes.
« alors, viens, erin. je te promets que tu vas t'amuser à l'école. » il te tend un main. toi t'hésites un petit peu. oh pas tellement longtemps. tu finis par prendre sa main et te laisser guider. tu restes pourtant silencieuse. c'est pas tellement ton genre et il le sait. le chemin vers votre établissement scolaire n'est pas très loin de chez vous. ce n'est pas tellement dérangeant. il fait beau en ce premier jour de septembre. tu suis ton grand frère main dans la main.
« tu crois que je me ferais des copines ? » tu demandes finalement. parce que s'il te dit, tu veux t'en assurer que ce n'est pas un piège. parce qu'au fond, c'est pas tellement l'enseignement qui te fait peur. c'est de te retrouver toute seule pour la première fois. sans lui. vous avez toujours été ensemble. inséparables malgré votre grand écart d'âge.
« je te le promets, erin. tu verras, les autres sont gentils. tu trouveras forcément quelqu'un avec qui tu t'entendras bien. » tu acquiesces doucement, mais t'es pas tellement convaincue.
« regarde, c'est comme ça que j'ai rencontré nick et lily. ca sera pareil pour toi. » c'est vrai. tu les connais bien ces deux-là. les amis de ton frère. une petite blonde et un petit brun. c'est souvent à la maison qu'ils viennent pour jouer avec vous deux. alors ça te rassure un peu. ils sont gentils. vous arrivez vite à l'école. déjà, les parents grouillent devant la grille. c'est si peu dire pour les enfants. il y en a partout. tu serres un peu plus sa main dans la tienne. vous pénétrez dans la grande cour. tous les enfants sont déjà en train de jouer. tant à la marelle qu'à chat. tu les observes avec tes grands yeux. ton grand frère se tourne vers toi.
« bon. j'avais promis d'aller jouer au foot avec nick avant que la maîtresse n'arrive. tu es sûre que ça ira maintenant ? tu ne vas pas t'enfuir hein ? » tu hoches négativement la tête. maintenant t'es là, tu vas pas repartir.
« on se revoit à la récréation à dix heures d'accord. » tu hoches encore une fois la tête. il te fait un bisou sur la joue et t'abandonne à ton triste sort. tu le vois courir vers le terrain de foot. toi t'es comme un piquet dans la grande cour. c'est là que tu vois une balle rouler vers toi. une petite balle. celle qui rebondit aussi haut que le ciel. d'instinct tu l'attrapes. tu vois une petite fille courir après elle. tu lui tends. elle la prend avec un sourire.
« merci ! » elle va repartir. tu le sais.
« moi, c'est olivia. » elle te dit. tu la regardes presque ébahie.
« erin. » tu finis par répondre. deux enfants. une rencontre dans une cour de récré. une amitié naissante. pour très très longtemps.
can't help falling in love with you « vivement les vacances. » tu dis en soupirant. t'en peux plus des cours. t'as l'impression de ne faire que ça. dormir. travailler. dormir. sans jamais t'arrêter. une horreur quand on aime pas ça comme toi. olivia tourne la tête vers toi.
« on vient à peine de rentrer, tu exagères un peu. » oui ça fait à peu près une semaine. elle a pas tort. mais tu trouves ça déjà beaucoup trop long.
« et pis les vacances ne sont que dans deux mois. » rajoute will. tu lui tires la langue.
« pourquoi faut-il toujours que vous parliez de choses horribles comme ça. » tu fais semblent d'être choquée. après tout, tu l'es un peu. deux mois, ça peut sembler très long. une éternité. tu devrais être habituée pourtant. a dix-sept ans, tu devrais être habituée à attendre les vacances. c'est le lot quotidien de tous les élèves.
« mais parce qu'on t'adore, erin. » les deux se mettent à rire. toi tu fais ta petite moue.
« c'est ça, riez tous les deux. vous rirez moins si vous aviez à passer deux heures avec lecoutre. » la joie des options. tu pensais bien faire. en début d'année, tu pensais que ça aurait pu t'intéresser un peu. que ça aurait été autre chose. en même temps, sur le papier, ça te vendait du rêve. théâtre et improvisation. c'était parfait pour toi non ? tu étais une pièce à toi toute seule. tes deux compères ne cessaient de le répéter. sans compter ton frère. mais, ce cours s'était plus révélé être de la torture que de l'amusement initial.
« vous aurez ça sur la conscience quand vous me découvrirez morte d'ennui ! » tu rajoutes. olivia roule un peu des yeux. tu veux encore dire quelque chose. pourtant quelque chose t'en empêches. une voix.
« excusez-moi. » vous tournez vos trois têtes vers la source. une jeune femme. sans doute votre âge.
« vous sauriez où se trouve le cours de théâtre et d'improvisation ? » là tu sens deux regards sur toi. bon apparemment c'est pour toi.
« bien sûr, c'est dans la salle 254. » tu vois son incompréhension. elle doit être nouvelle. tu l'as jamais vu dans les parages. et encore moins dans ce cours-là.
« oh bah attends, ça sera plus simple si je t'accompagne. j'suis dans le même cours que toi. » tu dis simplement en rassemblant tes affaires.
« je vous dis à tout à l'heure les deux ? et n'oubliez pas que je préfère les fleurs naturelles hein ! » les deux pouffent de rire. référence à ta prochaine mort dans le prochain cours. vous vous éloignez alors toutes les deux de l'espace vert pour rejoindre les bâtiments.
« je ne t'ai jamais vu ici. tu es nouvelle non ? » celle-ci acquiesce doucement.
« oui, je viens de déménager, j'habite chez ma tante. » tu lui tiens la porte.
« oh d'accord, je vois. tu viens de loin ? enfin si ce n'est pas indiscret évidemment. » t'as toujours aimé ça en fait. en apprendre sur les autres, discuter avec eux. on peut pas dire que t'es associable. c'est bien tout le contraire.
« j'habitais à new-york. » là t'es carrément surprise. new york, c'est pas liberty. loin de là. pour y être allée juste une fois, c'est carrément deux mondes opposés. tu l'envies presque à vrai dire.
« woah. sacré changement dis donc. bienvenue chez les reculés de la société alors. » tu ris un peu. t'aimes ta ville. certes. mais tu sais très bien que les petites villes ne sont pas les plus attrayantes. surtout quand on est adolescentes. il n'y a pas plus mortel.
« je trouve que c'est plutôt sympa ici. les gens sont assez ouverts. » elle te sourit. tu lui rends en retour.
« oh, ça c'est parce que tu n'as pas encore rencontré lecoutre. tu verras, elle est charmaaaante. » elle rejoint ton propre rire. violette. elle s'appelle violette. tu l'apprendras quelques temps plus tard. le nom d'une fleur. fragile mais surprenante. un nom que tu garderas longtemps dans la poitrine. voire à jamais.
* * * *
tu ne pensais pas que cela arriverait. c'était si soudain. si surprenant. tellement que t'as tout de suite aimé ça. il n'y avait jamais de demi-mesure avec elle. tu devais rejeter le tout en bloc. ou l'accepter dans son entier. et qu'est-ce que tu l'avais accepter. il n'y avait plus de retour pour toi. c'était fini. t'étais tombée. alors quoi ? t'allais reculé, t'enfuir comme une enfant ? jamais. t'aimais trop ça. qui l'aurait cru ? personne. toi la première. c'était tellement loin de ce que tu croyais. de ce que ton entourage t'avait enseigné. mais cela n'en resté pas moins exquis. cette douce sensation au creux de ton estomac. ces papillons qui volent. c'est incroyable. c'est la première fois que tu ressens ça. avant, ce n'était juste. juste un "je crois que". alors qu'il n'en était rien. on ne reconnait l'amour que quand c'est le véritable. les autres sentiments paraissent alors bien dérisoires par la suite. insignifiants. tu sais pas tellement comment vous avez dérapé. vous étiez proches. de vrais amies. comme tu l'étais avec will. olivia. mais elle avait ce petit truc en plus elle. ce truc qui te faisait fondre, qui faisait battre ton coeur un peu plus vite. t'as jamais rien dit. t'as passé six mois sous silence. tu pensais que c'était rien. que ça allait passé. que cela ne pouvait être ce que tu pensais. que c'était forcément autre chose. jusqu'à ce jour. où c'est arrivé. t'étais chez elle. vous deviez faire un exposé pour votre examen final de dernière année. tu ne sais même plus le sujet. ce n'est pas important. vous vous chamaillez comme à l'habitude. jusqu'à ce que vous basculiez sur son canapé. comme deux êtres si complices. et pis vous vous êtes arrêtées. position gênante. vos regards se sont croisés. une seconde. deux secondes. le temps s'était comme figé. juste comme ça. c'est là où elle a passé une main sur ton visage. doux toucher. a peine esquissé. tu te figes. tu savoures. et pis tu finis par craquer. sans savoir trop pourquoi. ni comment. c'est juste arrivé. tes lèvres s'attirent aux siennes. elles sont comme attirées. hypnotisées. tu ne peux lutter contre cette envie. au diable ce que tu penses. de toute façon, tes pensées, t'en as plus. il y a juste une bulle pour vous deux. elle vous enveloppe. vous êtes juste toi et elle. contre le reste du monde. il n'y a rien d'autre qui vous retient. vous êtes seules dans votre espace temps. vous êtes comme dans votre propre univers. c'est tout nouveau pour toi. pas seulement parce que c'est ton premier baiser. ta première fois. mais simplement, parce que c'est elle. tout est rendu spécial avec elle. presque magique. tu pensais pas tomber comme ça. si facilement. on raille souvent sur ton côté coeur de pierre. c'est tout simplement parce que tu n'avais pas trouvé la bonne personne. celle pour qui tes pensées s'entrechoquent pour ne plus avoir aucun sens. celle pour qui l'infini est bien trop court. celle pour qui le monde pourrait tomber. elle. violette. tout simplement.
river of tears il fait beau dehors. beaucoup trop beau pour que tu restes enfermée dehors. elle non plus. alors vous avez fait quelques emplettes. pour le bal de promo entre autre. voilà seulement que vous revenez. ça doit bien faire trois heures. pas assez à ton gout. t'adores passer du temps avec elle. c'est logique dans un sens. les heures se transforment en minutes. c'est jamais assez pour toi. surtout quand tu sais que la fin est proche. parce que vous êtes bientôt chez elle. apparemment, sa tante n'est pas là. elle travaille. c'est ce que t'as dit violette. vous arrivez assez vite jusqu'au devant de sa porte. une jolie maison ancienne. assez ancienne comme toutes les autres de la petite ville. rien n'est moderne ici. c'est à peine s'il passe un car pour les touristes venant pour voir le château.
« dans tous les cas, moi je dis que tu seras magnifiiiique dans cette robe blanche. t'as bien de la prendre, t'en feras tourner toutes têtes. » tu ris. elle te fait rire. toujours à exagérer évidemment.
« ne dis pas n'importe quoi. tu te verrais avec cette robe bleue électrique. une tuerie. » elle passe alors une main dans ses cheveux.
« oui, je sais. trop sexytude en moi. ils vont tomber comme des mouches autour de moi. » elle t'attire doucement à elle, enlaçant ta taille. t'es tellement bien dans ses bras que t'en oublierais le monde.
« pourtant, c'est dommage. mais les autres peuvent se rhabiller. je ne suis qu'à toi. » jamais de la bouche de quelqu'un ce genre de phrase t'avais autant fait vibrer. une explosion dans le coeur. un envol de papillon dans le ventre. un sentiment chaud et réconfortant. tu ne peux t'empêcher d'étirer tes lèvres en un rictus. elle approche alors son visage du tien.
« et seulement à toi. » elle finit par rajouter. presqu'instinctivement, tes yeux se posent un peu au loin. c'est là où tu les vois. deux camarades de classe. deux idiotes. le genre de filles qui aiment tout raconter dans les réseaux sociaux. c'est comme un électrochoc en fait. tu te pétrifies et au moment où les lèvres de violette veulent les tiennes. tu tournes la tête. elles atterrissement sur ta joue. tu finis par te décaler alors. elle est confuse. ne sait pas que trop penser. tu le vois sur son visage. mais t'as déjà le fard qui monte à tes joues. t'es pas bien littéralement. tu la contournes pour monter les deux petites marches du perron et ouvrir sa porte. t'avais laissé ton sac de cours du matin là. elle te suit. t'as pas tellement envie de parler de ce qui vient de passer. quand t'as récupéré tes affaires, tu finis enfin par te tourner vers elle. elle est restée immobile dans le salon t'observant. ses bras croisés sur sa poitrine ne sonnent pas bons.
« je... » t'as pas le temps de finir qu'elle te coupe la parole.
« c'était quoi ça ? tu m'expliques. » elle attend. tu sens l'irritation dans sa voix. une pointe d'agacement.
« quoi ? il n'y a rien à expliquer. » elle roule doucement des yeux.
« ne joue pas à ce jeu là avec moi, erin. j'ai bien vu. c'est quoi ? c'est les deux grognasses du lycée ? c'est ça ? » tu secoues la tête. tu mens.
« non, c'est juste que... » c'est vrai que vous n'avez pas réellement montré votre relation. personne ne savait. tu penses qu'elle aime ce côté mystérieux. presque dangereux. elle n'a jamais remis en question ce statut de secret en question. tu croyais que cela lui allait. vraiment.
« juste que quoi erin ? que t'as honte de moi ? que t'as pas envie qu'on te voit avec moi c'est ça ? » tu secoues à nouveau la tête. ca va trop vite pour toi. t'as du mal à sortir tes phrases. c'est comme bloqué dans ton coeur. ton cerveau répond mal.
« non bien sur que non ! comment le pourrais-je ? c'est juste que liberty n'est pas une grande ville comme new york. c'est une toute petite ville et... » elle hausse un sourcil.
« t'insinues quoi par là hein ? que c'est parce qu'on est deux filles ? il y a des cons partout, erin. tu ne vas pas t'arrêter juste à cause d'eux hein. c'est complètement idiot. ne leur donne pas raison. » tu tentes de t'approcher. tu veux qu'elle comprenne ton point de vue. vraiment.
« mais comprends-moi, violette. » tu tentes d'avoir un contact avec elle. pour au moins savoir qu'elle comprend, qu'elle voit ta position. mais elle se recule.
« qu'est-ce que je suis pour toi en fait ? un passe temps ? une distraction ? une nouvelle expérience à raconter à tes futurs mecs, c'est ça ? parce que je ne suis pas idiote. j'ai bien vu pourquoi tu as fait ça. alors quoi si tu m'aimes vraiment hein ? on ne va pas se cacher toute notre vie ! on ne peut pas continuer comme ça. » là, tu sens le couperet sur ta nuque. et tu refuses. mais elle a pas tort. tu le sais. et ça te tue en fait.
« non, attends. ce n'est pas ce que je veux dire. » elle secoue doucement la tête. presque désolée.
« pourtant tu l'as fait. je crois qu'on s'est déjà tout dit non ? » elle soupire alors.
« n'oublie pas de bien refermer le portillon en partant. » elle te contourne pour simplement disparaître. c'est tout. rien de plus. toi tu te sens totalement brisée. t'as tellement merdé. mais c'est tellement nouveau tout ça pour toi. t'arrives pas à tout gérer et ça te fait devenir folle. tu ne sais pas comment réagir. alors tu ne fais que des conneries. comme celle-ci. sans doute la pire de ta vie. ou la première d'une longue liste.
* * * *
la musique continue toujours. toi tu la cherches du regard. elle n'est pas encore là. il est encore tôt. tu peux attendre. tu sais que t'as mal agi. que tu dois réparer tout ça. tu le sais. ton regard se perd. tes deux amis, olivia et will, dansent. ils te font sourire. mais rien qu'un instant. a eux non plus tu leur as rien dit. le savaient-ils peut être ? tu sais que certaines fois tu n'as pas besoin de leur dire les choses pour qu'ils le savent. mais ils ne disent rien. tant mieux. tu patientes toute seule à ta table. tu ne sais plus quoi penser. tout se mélange dans ta tête. au secours. tu ne vois pas un de tes camarades s'approcher de toi.
« tu viens danser erin ? » un idiot de ta classe. celui qui aime railler les autres. les mettre bien plus bas que terre. tout le temps. juste un idiot jaloux en somme.
« non. » c'est clair, catégorique. tu te concentres sur autre chose. la porte. mais elle ne daigne pas s'ouvrir. elle est porte close depuis plus d'une heure. tout le monde est censé être arrivé. non. non. et non.
« tu attends quelqu'un ? qui a osé mettre un lapin à la grandiose erin rosenbach ? » tes yeux sont furibonds. ils se posent sur le garçon.
« lache moi smith. va plutôt jouer avec tes guignols. » tu te lèves de ta chaise. tu préfères partir plutôt que d'écouter les railleries comme ça.
« oh allez, c'est bon. je rigole, t'as pas d'humour ce soir. » tu fais simplement un signe à ton couple d'amis. tu leur fais comprendre que tu rentres. tu fais le signe de dormir. alors que tu sais que tu vas passer une nuit blanche. tu te diriges vers la porte. dehors, il fait un peu froid. le froid des nuits d'été. c'est à peine si tu le sens en fait. t'es beaucoup trop plongée dans tes pensées. elle n'est pas venue. et tu sais que tout ça c'est ta faute. et tu t'en veux. comme jamais en fait. quelle idiote. mais tu sais qu'il est trop tard.
a great big world elle était partie. sans un mot. sans un signe. juste comme ça. et toi t'es seule dans ta chambre. a pleurer comme une enfant. c'est ce que tu voulais au final non ? non. t'as jamais voulu ça. tu voulais tellement plus. seulement t'en étais incapable. tu t'enfermais dans une vie qui n'aurait pas du être la tienne. tu te mettais des idées qui n'était pas toi. mais c'était tellement plus fort que toi. tu te créais un autre personnage. pour ta famille. tes proches. la ville. quitte à te perdre toi-même. tant pis. dommage collatéral tu diras. mais t'avais bien d'autres choses à faire. t'occuper de tes amis par exemple. parce que cette après-midi, pleurer sur toi même n'avancerait à rien. pas après un tel coup de fil. t'as pas attendu une seconde. t'as pris une veste, tes clefs. et t'as couru. quelques rues. la porte était ouverte. t'avais pas besoin d'indication, tu savais où il serait. dans sa chambre. comme un enfant. dans son coin recroquevillé. sa vision te déchira le coeur. tu l'avais jamais vu dans cet état. la douleur le rendait méconnaissable. tu savais que tout ça le changeait. il devenait un autre homme. il n'avait que dix-neuf ans. pourtant, le monde s'écroulait. il était bien trop frêle pour supporter tout ça. tu le savais. tu t'approchas doucement. tu ne veux pas le brusquer. oh que non.
« will… will, ressaisis-toi je t’en prie… et olivia ? tu devais la rejoindre à new-york aujourd’hui, tu te souviens ? » il réagit. il secoue la tête. négativement. violemment. tu t'approches encore un peu. ta voix ne tremble pas. il ne faut pas. pourtant, tu sais qu'elle pourrait se briser en une seconde. mais il ne faut pas.
« will... » mais il ne te laisse pas continuer. il est plus rapide que toi.
« je peux pas… je peux pas. » sa tête dans les mains. il agit comme un fou. un fou désespéré. la vision de ton meilleur ami te fend le coeur. le voir autant détruit. autant sur un entre deux. sur deux choix cornélien te brise encore plus le coeur. pourtant, il ne faut pas que tu flanches. que tu montres ta propre faiblesse. cela ne l'aiderait pas. alors tu prends sur toi. tu t'agenouilles face à lui. tu veux lui montrer que tu es là. et que tu seras toujours là. même si olivia et lui étaient bien plus souvent ensemble que lui et toi, t'as jamais manqué à ton devoir. les deux ont toujours eu une part importante dans ton coeur. ça c'est clair. comme leur entourage. après tout, avoir passé autant de temps ensemble t'a fait automatiquement connaître les walters. alors tu la connais un peu cette douleur. même si t'es consciente qu'elle doit être rien par rapport à ce que will doit ressentir. une horreur. tu poses simplement une main sur son genou pour tenter de le calmer. pour lui montrer que tu es là. toujours.
« je peux pas lui parler… je peux pas partir avec elle… » il renonçait à tout. a elle surtout. tu voyais sa détresse. cette réflexion si déchirante. il restait ici. pour sa famille. tu supposais. tes pensées allaient évidemment pour olivia. qui devait encore attendre will. ton coeur se serra un peu plus.
« appelle-la pour moi… dis-lui. dis-lui que je n’viendrai pas. » tu veux dire quelque chose. tenter quelque chose. même en vain. mais il est plus fort que toi. plus rapide surtout. il relève la tête vers toi. son visage. empli de désespoir. il te coupe.
« dis-lui au revoir pour moi, tu peux faire ça ? » qu'est-ce que tu peux répondre à ça hein ? franchement. ta gorge est sèche. il faut que t'articules. dises quelque chose. vite. tu finis par acquiescer doucement.
« je... je lui dirai. » t'as pas le choix. tu sais qu'au téléphone, ça ne va pas être facile. déjà là t'es déjà au bord du précipice. presque instinctivement, tu finis par l'encercler dans tes bras. parce que tu sais qu'il a besoin de se laisser aller. parce que tu sais que ça lui fera du bien. de pleurer un bon coup. toi aussi d'ailleurs. parce que tout ça, ça devient trop. silencieusement les larmes coulent sur tes joues. elles te trahissent. t'as presque honte. parce que t'es touchée parce que vit will. evidemment. t'as connu son père, tu savais quel homme il était et ce qu'il représentait pour chaque membre de la famille walters. alors évidemment, sa mort te touche. surtout quand tu vois l'état de son fils. le sentiment d'impuissance te fait mal. mais, tu peux pas t'empêcher aussi de pleurer aussi un peu pour toi. égoïste. idiote. c'est ce que tu te répètes alors que tu serres doucement ton ami contre toi.
« ça va aller, will... ça va aller, je te le promets. » peux-tu réellement le promettre ? tu ne préfères pas répondre. mais tombé aussi bas, il ne va que remonter. tu le sais. tu le connais. il va rebondir. faire de tout ça une force. c'est will après tout.
* * * *
t'as même pas pris le temps de retirer ta veste noire. non. t'as juste besoin de le faire. parce que tu l'as observé tout le long. et tu savais ce à quoi il s'attendait. et elle n'est pas venue. juste quelques roses. elle croyait vraiment que cela allait suffire hein ? franchement. tu soupires. tu prends ton téléphone. les numéros tu les connais par coeur. t'as pas besoin de beaucoup de temps avant que les sonneries à l'autre bout du téléphone retentissent. une. deux. trois. tu commences à t'impatienter. le répondeur finit par répondre à ton appel. génial. tu soupires.
« olivia. réponds, je sais très bien que tu es là. » tu commences.
« très bien. apparemment, tu veux jouer la sourde. libre à toi. mais j'en ai pas fini. comment t'as pu ne pas venir ? comment t'as pu penser qu'un camion de fleurs aurait pu tout arranger comme ça hein ? » t'es en colère. oui. en colère contre ton amie de n'être pas venue. jusqu'au bout tu pensais qu'elle ferait son apparition solennelle. mais il n'en fut rien. t'as juste pu voir will un peu plus détruit.
« tu sais qu'il t'attendait ? oh il le nierait probablement. mais je l'ai vu dans ses yeux, olivia ! tu aurais du venir... ! c'était important pour lui. et pour sa famille aussi. » tu reprends ton souffle.
« ecoute, je sais que ça n'a jamais été facile entre vous. surtout la dernière fois. je te l'accorde. mais je crois que ne pas venir était une erreur, que ça vous aurait fait du bien. de pouvoir vous voir. cela vous aurait aidé. cela l'aurait aidé lui. ou au moins lui montrer que tu étais là pour lui. parce qu'il en a tellement besoin. je crois qu'il me tuerait probablement pour ça, mais il a besoin de toi comme jamais. tu sais, c'est la première fois que je le vois ainsi... » depuis quelques semaines, il n'était plus que l'ombre de lui-même. un homme nouveau. presque trop noir. il essayait de ne pas le montrer surtout devant sa famille. mais tu le connaissais. et tu crois même que sa mère avait fini par le remarquer. l'absence de olivia y était pour beaucoup. tu savais qu'il n'y avait qu'elle qui pouvait l'aider. parce que même toi, t'es impuissante. tu le sais et ça te tue. parce que voir ton ami ainsi était une déchirure.
« tu vas surement m'en vouloir de cet appel. que je devrais m'occuper probablement de mes affaires et que si tu n'étais pas venue, c'est que tu avais une bien bonne raison. meilleure que tout ce que je t'ai énoncée. sans doute. mais tu sais... » tu soupires doucement.
« il aurait simplement aimé que tu sois là. c'est tout, olivia... » tu finis laisser couleur deux secondes de silence avant de raccrocher. la colère était retombée. sans doute le contre-coup de la journée. cela avait été dur pour tout le monde. sans doute aussi pour olivia. qui étais-tu pour la blâmer ? peut-être était-ce aussi dur pour elle, elle qui était loin d'ici ? alors qui étais-tu pour la blâmer hein ?
love the way you lie tu ranges tranquillement les baguettes dans les petits bacs. tu te fiches pas mal de te retrouver avec de la farine sur toi. t'as connu pire en fait. et pis ce n'est rien. t'as juste à secouer un peu et tout part. t'as pas tellement à t'en faire. et pis t'aimes trop ça pour t'en soucier. ton métier, tu l'as attendu. t'as toujours su que c'était toi qui reprendrais les rennes de la boulangerie familiale. ton frère, il était destiné à autre chose. ca ne t'a jamais dérangé. c'est ce que tu voulais faire. d'ailleurs, personne ne te voyait faire des études. tu n'aimais pas les études et elles te le rendaient bien. alors c'est parfait. tu t'épanouies et c'est tant mieux. tes parents t'ont même avoué que d'ici quelques années tu seras prête à tout gérer toute seule. certes, ça te fait un peu peur. mais tu sais que tu peux le faire. avec de la détermination et de la volonté, tu pourrais soulever des montagnes. t'as que vingt-trois ans et le monde à tes pieds.
« erin, tu n'oublieras pas de faire les comptes ce soir, c'est ton tour. » ta mère revient de l'arrière boutique, le charriot de nouveaux pains remplis. tu fronces les sourcils.
« ce soir ? mais ce n'était pas à papa de le faire ? je vous avais dit que j'étais de sortie ce soir. » ta mère réfléchit. dans un sens, ça ne te dérangerait pas de rester ici ce soir. tu pouvais repousser ton rendez-vous. mais t'es pas sûre que james apprécie.
« james m'a invitée au restaurant. » tu expliques. ta mère a le regard qui s'illumine tout à coup.
« mais dis-moi, cela fait longtemps que vous sortez tous les deux ensemble. tu crois que c'est du solide ? » tu racontes jamais ce genre de choses avec ta mère. vous êtes proches. mais pas tellement sur ce sujet-là en fait.
« maman ! » tu dis alors.
« et j'en sais rien. peut-être. je ne suis pas tellement posée la question en fait. » c'est vrai. tu passes du bon temps avec lui. il est gentil. t'as jamais pensé à plus en fait. c'est loin de toi. tu prends ce qui vient en fait. tu penses pas à plus. sans doute pour ne pas avoir à réfléchir. parce qu'au final, réfléchir c'est too much pour toi. c'est tout.
« je l'aime bien. » elle dit ça simplement ta mère. pourtant, tu sais très bien ce que ça veut dire en langage maternelle. ca veut dire qu'elle t'autorise à faire durer votre relation. pire encore ça t'encourage à continuer, à ne pas arrêter. elle te voit probablement avec lui jusqu'à la fin de ta vie. après tout, tes parents se sont mariés à vingt-deux ans. t'as un an de retard ma vieille. elle doit peut être s'impatienter qui sait ? mais tu ne sais pas tellement. ca semble un peu irréel pour toi. le mariage, les enfants. tout ça, tu pensais que c'était encore trop loin. que t'avais encore le temps. mais ta mère elle voit autre chose. elle voit que tu t'es enfin posée. que t'as arrêté de changer d'hommes comme de chemises. alors elle s'imagine des choses plus poussées. beaucoup plus osées. mais toi, tu ne le fais pas. pas parce que tu ne voudrais pas. non. simplement parce que tu ne peux pas. tout simplement.
* * * *
t'as du mal à respirer. c'est cette robe. elle t'encercle la taille. tu tentes d'apaiser ton coeur qui court. c'est probablement normal. le jour du mariage, c'est toujours stressant. t'as cette boule au ventre qui ne veut pas partir. a côté de toi, tu vois le regard de ta mère. elle est fière. si fière. ton père et ton frère ont le même regard. même s'ils le montrent moins. même s'ils sont moins démonstratifs. tu ne dis rien. ta mère finit par quitter la pièce avec un simple baiser sur la joue. là tu sais que ça va bientôt commencer. tu sais pas tellement comment le prendre. tes pensées vont trop vite pour que tu puisses les déchiffrer. god damn it.
« prête ? » la voix familière derrière toi te fait presque sursauter. faut que t'arrêtes d'être trop ailleurs ces temps-ci. tu lui fais un petit sourire.
« il faut bien. » tu finis par dire. c'est vrai qui est prêt pour son mariage ? qui est prêt à faire un serment dit éternel ? qui est prêt à mettre sa vie presque dans les mains de l'autre ? c'était un peu difficile à dire à vrai dire. tu plonges encore une dernière fois sur le miroir. tu réajustes un peu le tout. ca te rend un peu trop nerveuse.
« tout est bon là-haut ? ca va commencer ? il faut que t'ailles là-bas. a côté de mon frère, tu sais comme on avait fait au répétition. » quand tu stresses, tu parles beaucoup trop vite. beaucoup trop vite. tu t'énerves un peu toute seule sur un des pans de tes robes qui, tu trouves, tombe mal. tu fronces les sourcils.
« eh, eh. erin. tout est parfait. tu peux te détendre. ton mariage va bien se passer. » will avait fini par poser ses mains sur les tiennes. pour tenter de te rassurer avec un sourire. pas tellement réussi. tu finis par lâcher ta prise sur le bout de ta robe. et acquiescer un peu.
« et pis, si vraiment, tu le sens mal, tu me fais signe et on s'en va. ou alors, je m'opposerais au mariage quand le prête demandera. j'ai toujours aimé faire ça un jour comme dans les films. » il était presque pensif. il plaisantait. toi tu le regardais les yeux abasourdis. simplement parce que tu sais que tu en serais capable. là, maintenant, tout de suite.
« arrête, c'est pas drôle. c'est juste que je suis stressée. tu sais. la mariée hystérique tout ça. » tu roules doucement pendant qu'il rit. tu finis par lui mettre une petite tape sur sa main pour qu'il arrête. c'est là qu'il reprit son sérieux.
« non mais je suis sérieux, erin. si tu veux tout arrêter, il est encore temps. » tu voyais déjà la tête de tes parents, de ton fiancé. un beau tableau vraiment. et pis, il te surprend lui. t'as toujours joué la façade. celle qui était amoureuse. parce que ton fiancé. tu l'aimais ... bien. tu l'aimais ? tu t'étais toujours posé la question sans jamais trouvé la vraie réponse. alors il ne pouvait pas savoir. ou alors te connaissait-il bien mieux que toi même. sans doute.
« oui et puis, comme ça, j’assène un arrêt cardiaque et tout le monde croira que la jeune mariée a pété un câble et s'est enfui avec son témoin dans un road trip amoureux. » tu le voyais déjà. après tout, ton frère t'a toujours répété qu'il n'avait jamais compris votre lien d'amitié entre will et toi. toi t'as toujours su que c'était ton ami. ton meilleur ami. jamais plus, jamais moins. juste quelqu'un sur qui compter. c'est tout. t'avais pris un ton enjoué. plaisantin. tu allais te marier aujourd'hui. tu t'étais faite à cette idée.
« on s'en fiche de ce qu'ils pensent, mais tu sais que je serais là d'accord ? » tu acquiesces.
« toujours. » tu lui souris. cela faisait du bien d'avoir des gens sur qui l'on pouvait compter. vraiment. will a toujours fait partie de ceux-là. t'en es heureuse. et pis tu devrais l'être vraiment. c'est le jour de ton mariage. le plus beau jour de ta vie. tu prends une autre inspiration. ouais. le plus beau jour de ta vie...