ça y est.
tu commences à manquer de couleurs, de chaleur. le monde devient froid et tu t'laisses aller, sans te débattre plus que ça. t'as même pas envie de te débattre, ni d'être quoi que ce soit. tu te laisses écraser sous le poids de la nuit. les étoiles sont fades et la lune se ternit. les astres ne te front aucune faveur ce soir. mécaniquement, tes pas te guident là où les lumières s’entrechoquent et les corps se mêlent. là où tu pourras oublier c'que t'es le temps d'un soir.
l'undressed desires et ses sourires malsains, ses néons éclatants et ses morceaux de chairs. tu t'sens déjà un peu mieux, les rythmes des musiques assourdissantes qui viennent secouer l'intérieur de ton coeur, et tes yeux qui cherchent un peu de confort sur les silhouettes exhibées. tu trouves un sentiment de satisfaction, t'as l'impression d'être à ta place. la superficialité des ambiances festives. parce qu'au fond, tout est si vide, que ça t'fais penser à toi-même. 
et puis, tu comprends pourquoi t'es là. tu sais. tu fais immédiatement le lien, quand ton regard reconnaît l'ombre qui se dessine au loin. ça palpite, dans tout ton être. sûrement les basses trop accentuées. mais la totalité de ton attention est concentrée sur cette chevelure, nuancée de lilas, qui t'es bien trop familière. naturellement, tes lèvres s'étirent dans un sourire peut-être trop réjouis. tu t'en approches, à une distance ou tes doigts peuvent se renfermer autour de son bras. la douceur de sa peau. sa surprise, dont tu te délectes. et son regard, étendue que tu parcours sans te lasser une seule fois. olive et son charme, olive et son corps. «tu me sers?» ta voix qui danse jusqu'à s'incruster dans son oreille. il y a peu de chances pour qu'elle refuse, c'est un peu comme une routine, tu t'pointes, elle est là, et c'est elle que tu veux. près de toi. sous les néons, avec les bruits, au milieu de la piste. ta main glisse le long de son bras pour atteindre son épaule, et puis, si tu le pouvais, t'irais frôler son cou. mais tu restes sage et tu contemples son regard un peu plus longtemps, joyaux implantés dans ce visage si délicatement dessiné.

un client imbibé d'alcool m'a déjà demandé d'une voix forte et incontrôlée si j'aimais travailler la nuit. ça m'a fait réfléchir quelques secondes. est-ce que j'aimais travailler alors que la plupart des habitants de cette ville étaient sous les draps, endormis, en veille ? oui. je lui avais dit oui. les croyances populaires disent que lorsque la mer pétrole se déverse sur le ciel, les monstres se dévoilent. à bien y penser, je dois démentir cette rumeur. la nuit, je ne croise souvent que des créatures fantastiques; loufoques, parfois décalées, mais avec le coeur juste à la bonne place. gagner son argent la nuit, c'est rencontrer le vrai et le faux des humains qui se dévoilent ou choisissent de porter le masque. la nuit, c'est aussi le vent frais lorsqu'on sort à l'extérieur. c'est toutes les lumières qui montrent le chemin vers la maison. la nuit, tout peut arriver. on peut rêver éveillé.
et dans mon rêve éveillé, mon plateau est remplit d'alcools différents à livrer aux assoiffés. les talons hauts claquent sur le sol, mais personne n'entend parce que le son est étouffé par les basses qui font vibrer les os du corps. un verre pour toi, une bouteille toi, des shooters pour vous et l'argent qui doit aller dans la caisse et enfin, le pourboire qui va dans la poche de mon tablier. ma jupe est trop courte et les courants d'air s'amusent à faire frissonner ma peau. la porte du royaume s'est ouverte pour laisser entrer un nouveau protagoniste. c'est sa main qui effleure mon bras pour ensuite l'emprisonner. adonis se révèle et cette surprise sur mon visage ne m'abandonnera jamais.
après toutes ces nuits, il me cherche toujours avant les autres. je ne sais pas si je comprendrai un jour. ses yeux univers avalent mon regard et sa voix se rend aisément jusqu'à mes oreilles.
sourire timide sous toute cette attention.

- un whisky ?

comme d'habitude, pour commencer la soirée ?
sa paume passe de mon bras à mon épaule.
elle réchauffe tout sur son passage et dynamite mon palpitant.
ma tête se baisse sur le côté pour coincer sa main entre ma mâchoire et mon épaule. le contraste de nos peaux est beau et les lumières néons nous colorent de rose, de mauve, de bleu, de jaune,
de vert (et on recommence).

- tu vas dépenser un peu d'argent pour voir des filles danser, cette nuit ?

ou tu vas encore rester au bar, puis m'entraîner sur cette piste de danse qui n'en est pas vraiment une et où nous pourrons danser sous les yeux intrigués des clients réguliers.

tu sais pourquoi ton corps frémis. parce que parmi les lueurs variées du club, il y en a une particulièrement intense, que tu ne peux t'empêcher de frôler avec attention. t'as l'impression de pouvoir toucher un diamant, quelque chose d'une pureté intense. tu ne sais pas trop. il y a cet espèce de magnétisme, dès que tu ressens sa présence. tu pourrais bien rester là, à détailler chaque millimètre de sa douce existence. cette hypnose bien trop puissante. tu redécouvres le son de sa voix, charmé. «c'est si gentiment proposé.» c'est surtout une habitude. tu sais comment la soirée va se dérouler, elle aussi, rien n'est nouveau ici. mais c'est toujours agréable d'avoir l'honneur de subir son regard. d'un geste, elle lie ta main à sa joue, tu souris, l'atmosphère te plaît, olive te plaît.
les corps s'immobilisent, les voix s'étouffent et la musique se tait. c'est juste vous deux, découpés sous les néons. vos regards qui s'échangent sans bruit, l'air de rien. et puis, la délicieuse musique de sa voix, qui t'enveloppe totalement. tu es content d'avoir atterri ici. tu laisse le bout de tes doigts effleurer soigneusement sa joue, encore un peu captivé par le masque qui t'es proposé. «non. sauf si je dois payer pour toi.» et dans ce cas-là, tu y mettrais tout l'argent qu'il te seras demandé. malgré la diversité de corps qui se trouvent à ta disposition dans cet endroit, c'est toujours la même chose qui t'intéresse. toujours les mêmes cheveux, toujours la même voix. tu ne supporterais pas d'être dans la même pièce qu'olive, et avoir à lui tourner le dos. tu t'écartes un peu d'elle, et d'un coup, tu reviens dans le monde réel. d'un petit geste de la tête, tu lui indique le bar. là-bas, tu seras pendu à ses mots, et il n'y aura pas plus confortable situation.
«tu peux libérer ta soirée pour moi?» tu peux ne regarder que moi? tu ne peux faire attention qu'à moi? tu peux ne remarquer que moi, rien que moi?

il est un être à part.
son sourire est une étoile (l'étoile polaire, celle qui te montre toujours le nord, qui te guide quand tu perds la tête, quand tu perds ton chemin, tes repères) et ses yeux brillent sous les lumières qui font la fête. adonis et moi devenons un nous dans un monde qui sera nôtre. ses grands doigts effleurent ma joue et s'il est attentif, il peut la sentir se colorer de rouge. dans le ventre, un papillon s'envole, puis un deuxième. plusieurs suivront au fil des heures. c'est comme ça, avec ce garçon. sa réponse me surprend, me prend au dépourvu, comme à chaque fois. je ne comprendrai jamais. peut-être qu'il ne comprend pas, lui aussi. peut-être qu'il se demande pourquoi, entre milles femmes, il choisi cette poussière aux cheveux chewing gum. pourquoi, parmi toutes ces courbes, il choisi les os saillants. pourquoi ?

- tu sais bien que mes services ne coûtent pas grand chose.

je ne fais que mixer les alcools et apporter les verres aux créatures aux dents acérées qui n'attendent que la chair fraîche en petite tenue. je vois ses yeux se poser sur le bar et je comprend ce qu'il a en tête. viens, adonis. on sera calme dans mon royaume alcoolisé. je fais glisser ma paume jusqu'à la sienne pour la prendre et traîner tout son être jusqu'au comptoir. j'ai l'impression que sa main va bouffer la mienne. elle est géante, mais chaude. il a la peau douce.

- je terminais bientôt de toute façon, alors une heure de plus, une heure de moins, c'est sheldon qui sera heureuse de collecter plus de pourboire cette nuit.

sheldon fait les yeux doux à adonis chaque fois qu'elle passe près de lui. je pense qu'elle ne sait pas qu'il me fait sentir tout drôle dans la tête et le coeur. en la regardant partir au loin servir des clients, j'abandonne mon tablier et je le cache sous le comptoir.

- tu préfères que je reste derrière le bar à nous servir des verres ou je traverse de l'autre côté pour te tenir compagnie pour de vrai, de vrai ?

les néons sont ridicules. la musique, de trop, et les personnes présentes, étouffantes. le décor pourrait brûler, tu ne daignerais même pas y poser les yeux. toute ton attention est sûre olive, ainsi que ses gestes, qui glissent le long de ses bras. t'es persuadé qu'elle est la responsable du scintillement des étoiles. t'envisages pas d'autres possibilités. tu sais que ton esprit demande que son corps, alors que ton coeur, lui, est prêt à construire tout un désaccord pour te faire comprendre que ce que tu désires réside dans le fond de ses yeux.
tu sais qu'elle n'est pas là pour tenir compagnie. tu sais qu'elle ne fait pas partie des corps que l'on expose comme des animaux, tu sais qu'elle ne travaille pas pour ça, elle n'est pas payée pour ça. mais seulement quand tu es ici, l'argent n'a plus de valeur, la passion charnelle non plus. ce qui compte, c'est vous, c'est la nuit et la basse persistante de la musique, qui veut toujours creuser au fond de votre être. l'alcool n'est qu'un détail, un élément supplémentaire, pas forcément nécessaire. tu ne regardes même pas les différentes bouteilles exposées, tu n'y attache aucune importance. même le contenu de ton verre n'est pas réellement important. ce qui compte, c'est l'instant.
tu l'écoute parler, avec attention. tu ne fais jamais attention aux mots, d'habitude. tu saisis simplement la forme de la bouche, peut-être l'intonation de la voix, mais rien d'autre. cependant, les mots d'olive valent la peine d'être entendus. tu l'écoute, elle. «j'attendrais le temps qu'il faudra.» même si ça revient à rester dans le club, seul, comme un idiot, pendant des heures.
tu n'adresse pas un seul regard à sheldon. elle n'est que le décor, elle aussi peut finir dans les cendres. tu suis olive, comme tu pourrais la suivre les yeux fermés. tu la suis, elle te guide. tu viens t'asseoir sagement sur un tabouret devant le comptoir, les frissons de la soirée aux couleurs rouges, bleues, vertes, claquant sur ton visage. elle est si belle. si précieuse, bien plus que l'or que tu porte sur toi. «tu peux venir près de moi?» plus près. j'ai besoin de sentir ton corps, j'ai besoin de ressentir ta présence, je veux te frôler.
tu attends qu'elle s'approche. ça te satisfait grandement. tellement, que les palpitations s'éveillent. «personne n'est en mesure de t'égaler.» tu annonces, alors que tu te perdais de l'étude de sa grâce. tes pensées s'échappent. et ton coeur risque de glisser, lui aussi.

ses yeux trous noir capturent les miens en forme d'amande et le temps semble s'arrêter. je crois que la musique ralentie, que les néons sont moins criards, que les gens se figent dans leurs mouvements explicites et leurs danses lascives. le temps est en arrêt, il retient son souffle et il ne reste qu'adonis et moi dans un monde en pause. il est un être à part, une entité différente des autres humains peuplant la ville. il attire les regards et se nourrit de l'attention qu'on lui accorde. il en a besoin. pour vivre. comme de l'oxygène. il doit remplir ses airbags de tout ce qui le fait sentir en vie et important pour quand il se retrouve seul avec lui même.
je crois qu'adonis déteste se retrouver sans compagnie.
je ne sais pas s'il traîne avec moi parce que je lui offre toute mon attention,
et même les étoiles dans mes yeux, et mes mots rivières et ma bouche en coeur.
derrière le bar, je l'observe en lui servant son verre de whiski. je m'en fais un moi aussi, parce que boire seul ici, c'est comme enfiler ses chaussures et ne pas attacher ses lacets. il me demande si je peux m'installer près de lui ? est-ce que je peux faire ça ? est-ce que je peux m'accrocher à toi comme on accroche un bateau à un quai ? personne n'est en mesure de t'égaler, qu'il m'avoue par la suite. prenant appuis sur le comptoir collant, je l'observe un long moment, fronçant les sourcils.

- je crois le contraire.

chuchoté parmi tout ce bruit.
il a entendu, c'est sûr.
adonis entend tout.
je sors de mon royaume alcoolisé et je vais m'asseoir à ses côtés. je vais frapper mon verre contre le sien et j'en prend une gorgée. le liquide descend dans ma gorge comme le feu qui prend dans l'herbe et ravage toute une forêt entière.

- tu veux passer la nuit avec moi ?

ma question se ponctue par mon front qui se heurte à son épaule. j'appuie tout mon être contre lui, parce que je sais qu'il peut me supporter. il a le coeur assez gros, sous toutes ces couches de protections. je crois qu'il m'apprécie bien.
moi, mon coeur, il fait des ratés chaque fois qu'il est là.
je crois que je l'apprécie bien.
même trop.
sur mon coeur, les lettres de son prénom gravées avec un couteau papillon.

olive et toi, ça n'a jamais cessé de briller.
dès que tu l'as rencontrée, tu as su que ça n'était pas voué à l'échec. tu avais frôlé ses cheveux, tu lui avais chanté des mots dédicacés à son sourire. au début, ça ne ressemblait pas à grand chose, c'était un peu superficiel. mais tu as rapidement compris que l'attachement risquait de se prolonger, que ça n'était pas seulement l'histoire d'une danse. c'était d'abord court et brouillon, puis les danses se sont répétées, ponctuellement, et c'est devenu comme une habitude. une habitude des plus agréables.
et puis tu te retrouves dans les yeux d'olive. tout est plus joli là-bas. tout est moins pénible. on y trouve une beauté qu'on s'efforce d'oublier de nos jours. tu te sens parfaitement calme rien qu'à la regarder, elle à l'air tellement à part et tellement loin de c'qui salit ton coeur. toi qui déteste perdre ton temps, ce dernier peut s'écouler sans que tu y fasses attention, ça ne te dérangerais même pas. elle le mérite entièrement, rien que son sourire, rien que ses lèvres qui tremblent.
y'a ses petits mots qui se détachent timidement de sa bouche, et comme tu y fais attention, ils parviennent jusqu'à toi. ils manquent de confiance, ces mots, et à n'importe quelle occasion, tu serais prêt à les contrer. mais tu ne dis rien, tu laisses le silence accompagner ses gestes. elle vient près de toi, et même les étoiles sont jalouses de toi.
elle est contre toi, et ça va. ton coeur va. tu frissonnes un peu. sûrement pas de froid. «tu me crois capable de dire non?» sérieusement, olive?
comment ça serait possible, un tel affront?
«la nuit entière, et peut-être un peu plus, si tu es d'accord.» qu'est-ce que ça peut faire. tes mains viennent quand même attraper quelques mèches de ses cheveux, pour les faire glisser lentement entre tes doigts.