30 janvier 1997. Elle avait dix-sept ans. Dix-sept ans, un sourire au bord des lèvres, et des étincelles dans le regard. Elle regardait avec émotion la photographie de sa mère, effleurant les bords du bout des doigts. Elles avaient le même âge. Celui où l'on pense au présent, où l'on ne fait pas tant attention à l'avenir. Elle était sa copie conforme. Elle le sera sans aucun doute toute sa vie. Cette photographie est la première que son père a prise de la femme de sa vie. Ils étaient si jeunes. Tout comme l'est leur fille. Tant de choses se sont passées depuis cet instant où la vie ne comptait pas tant que ça, où les deux amants s'aimaient sans même y penser. Ils avaient dix-sept ans, sur cette image, et ne s'attendaient pas à ce que la vie leur réserve un futur sombre, et brutal. Vingt années se sont écoulées depuis le temps de l'insouciance. Et Samuelle avait dix-sept ans à son tour. En revanche, elle n'avait plus sa mère, et une partie de son père s'était envolée avec elle. Elle aurait aimé, à cette époque, vivre leur histoire, recréer leur modèle. Mais surtout, elle aurait aimé qu'ils soient là, tous les deux, à la regarder comme elle les aurait regardé. Avec un sourire au bord des lèvres, et des étincelles dans le regard.

paumée dans l'ivresse et baignée de lumières, elle me happe, et m'échappe, faut que je la rattrape.

17 novembre 2012. Entre l'alcool et les cris, elle riait, Samuelle. La musique tambourinait au creux de ses oreilles, si fort qu'elle ne pouvait pas entendre les mots mystérieux qu'on lui soufflait à l'oreille. Elle était au centre de la piste. Son intention n'était pas d'être au centre de l'attention. Elle ne voulait que sentir le rythme au plus profond de son corps. Samuelle ne vivait que pour elle, et pour les sensations que lui provoquaient cette ambiance nocturne. On décrivait Samuelle comme une fille de la nuit. Fille des étoiles et du blizzard céleste. Ses yeux brillaient comme des astres, et ses lèvres passaient de bouche en bouche, avec toujours cette même passion au creux de l'épiderme. Son insouciance faisait rire. Personne ne pouvait lui reprocher quoique ce soit. Samuelle, elle était l'adulte enfant et à la fois la gamine mature. Parfait intermédiaire, elle n'avait rien à cacher et tout à offrir. Elle voulait tout offrir. Une partie d'elle pour chacune des personnes qui entouraient sa vie. On la regardait, briller pour elle, briller avec les autres. Ses bras se levaient au ciel, ses mains s'enlaçaient entre elles, puis s'enlaçaient autour de jolies nuques. Ses doigts parcouraient les cheveux d'imprudentes demoiselles, les ramenant à elle, dans un mélange d'alcool et de séduction spontanée. Une amoureuse de l'amour, dans son élément. Un peu d'éléctro-pop commercial, quelques verres et de jolies filles suffisaient à la combler, à lui donner l'envie de continuer. De vivre.

mais surtout, elle avait l'air douce, bienveillante et sereine, comme si elle n'avait pas renoncé. à rien. comme si elle n'avait jamais douté de la beauté du monde, ni de celle des hommes.

6 février 2018. Des larmes chaudes et irritantes coulent le long de mes joues. Je ne parviens pas à comprendre. Rien ne prend sens. Toutes mes ébauches, toutes mes réflexions, mes théories, mènent au néant. Mes paumes se resserrent sur les draps blancs de la chambre d'hôtel. Un soupir nerveux s'échappe d'entre mes lèvres. Je ferme mes yeux. Je ferme mes yeux, et c'est l'image de mon oncle qui me vient, suivie de celle de ma mère. Un frère et une sœur. Mon souffle s'accélère. Le calme ne vient pas. Je décide de laisser la tempête en moi se produire, pour qu'elle se finisse au plus vite. Je lâche les draps de mon lit, et c'est mes ongles qui s'enfoncent dans mes paumes. Mes poils s'hérissent et ma peau se met à trembler, doucement. Et les larmes coulent, coulent encore, et encore. Je m'en veux. Terriblement. Parce que je n'y parvient pas, parce que je n'arrive pas à entrevoir le bout du tunnel. Mon esprit se perd entre les papiers, les numéros de téléphone et les gribouillis. Mon esprit divague et s'en va loin, trop loin pour que je puisse aller le retrouver, pour le ramener à la raison. Aide-moi, maman. Aidez-moi. Rendez-moi mes facultés, et donnez-moi les réponses que je recherche depuis plus de deux ans. Rendez-moi méritante. Aidez-moi à comprendre, enfin. Apprenez-moi mon destin.