"Nicolas, triste histoire. Quand j'ai recueilli ce gamin, il était à deux doigts des ténèbres. Les services de police l'avait arrêté à plusieurs reprises, mais le passé du gosse les ont rendus cléments. Il trainait dans les rues Chicago, enfermé dans une spirale délinquante dont il ne parvenait pas à s'extirper. Les services sociaux avaient perdus sa trace depuis deux ans, lors qu'il avait fugué de sa 6ème famille d'accueil. Une âme à la dérive, frondeuse, l'autorité n'avait aucun effet sur ses attitudes. Ce petit attrapait le diable par la queue. Puis il eut cet accident. Pouvez-vous m'expliquer comment un adolescent de 15 ans se retrouve au beau milieu d'une rixe entre deux des plus grandes bandes rivales de Chicago ? Je n'ose imaginer la détresse que cet enfant à dû ressentir pour aller chercher du réconfort dans la violence. Peut-être n'avait-il connu que ça ?
Je m'égare. J'ai été contacté par la police et les aides sociales, qui m'ont amené devant ce lit d'hôpital. Sous ses ecchymoses et ses diverses fractures du visage, on entrapercevait encore son visage d'enfant.

J'ai donc accepté de devenir son référent. Je ne regretterai jamais ce choix. Si vous avez des enfants, vous savez alors qu'ils peuvent vous apprendre beaucoup sur la vie. Nicolas m'a beaucoup apprit sur le désespoir. Il n'avait gout à rien, pouvait rester des heures dans une pièce avec son esprit pour seule compagnie. Lorsqu'il m'a parlé pour la première fois, il était à la maison depuis 7 mois.
Je passais des heures à l'observer, à tenter de dessiner les contours d'une personnalité si nébuleuse.
Pour son seizième anniversaire, il s'est sauvé, me condamnant à parcourir la ville une grande partie de la nuit. Je l'ai retrouvé dans une ruelle dégueulasse de l'avenue Patrol, endormi sur une pile humide de carton. Il avait l'air apaisé, le sommeil quiet. C'est ainsi que j'ai compris. Nicolas était unique, un adolescent non codifié par la société. Qu'importe les forces qui tiraillaient son cœur, l'instinct motivait toutes ses décisions. Il était libre.

En effet, c'est sous ma tutelle qu'il s'est engagé dans la marine. Notre relation s'est améliorée au fil des mois. Je n'irai pas jusqu'à parler de confiance, et il est impossible de parler de réussite quand on connaît la fin de l'histoire. Mais il avait mit un frein à ses activité nocturnes. Même s'il est arrivé, bien évidement, que je le surprenne avec les poches pleines de billets d'une provenance forcément douteuse. Il ne mettait plus sa vie en danger. Evidement, j'ai tut ses activités illégales. Confesser ceci aux services sociaux l'aurait envoyé en prison, aurait enterré son âme définitivement...
La nouvelle de sa mort me peine énormément, mais personne n'aurait réussi à sauver Nicolas."

- Finn Moriarty, ancien tuteur de Nicolas de ses 15 à 18 ans

......

"Nicolas Page est le meilleur soldat qu'il m'ait été donné de commander. D'une discipline étonnante. Une efficacité muette et létale. Bien évidemment, j'étais au fait des ses antécédents, du chaos qui avait rythmé ses plus frêles années. Mais lorsqu'il s'est présenté à ses 18 ans, j'ai tout de suite sût qu'il ferait un guerrier redoutable, il avait cette lueur au creux des yeux, un parfait reflet de son âme. Ce n'est ni l'instinct, ni l'expérience qui aiguillèrent mon ressenti, mais bien ce tempérament opiniâtre, cette sensation qu'il n'avait peur de rien. Là où les recrues frémissent, balbutient et piétinent, il faisait preuve d'un sang-froid effrayant. Insensible à la pression, à la sanction. On avait tous l'amère sentiment d'un cœur de vétéran dans un corps d'adolescent.
Il n'était pas d'un naturel violent. Jamais je ne l'ai vu hausser le ton, où agir par instinct. C'était l'unique de l'escouade à dormir à poings fermés. Ce type était à sa place.

Il a fait ses classes à Fort Honda, avant t'intégrer les commandos SEALs. Ce n'était pas le plus impressionnants lors des tests physiques. Mais en terme d'esprit, de bravoure. Je vous assure, ce gamin avait des couilles. Il était louable sur bien des critères. Sur ses 9 ans d'engagement, difficile de trouver meilleurs états de service. Une carrière brillante lui tendait sans doute les bras. Il fut envoyé 2 fois en Irak, 1 fois en Afghanistan. Le reste de ses missions restent classées secrets défenses. Comprenez bien qu'il était un véritable héros. Il ne parlait pas, mais derrière son canon, étonnement, il y avait un homme avec beaucoup de cœur.
Ce qui m'aura davantage frappé, c'est cette obsession pour être au front, en première ligne. Il était souvent le plus exposé. Il était toujours volontaire. Ce n'était sans doute pas une manière de prouver quoi que ce soit. Non, cela ressemblait à une addiction à l'adrénaline, à un rapport intime avec la mort. Il l'a provoquait, flirtait avec le danger. Jamais il n'était plus détendu que lorsqu'il revenait d'une mission périlleuse. Oh oui, il était instable. J'aurai dû en parler, mais il était d'une telle efficacité, que me priver d'un tel élément me fendait le cœur... Puis il a disjoncté.

Nous étions débarqués au milieu de la nuit, parachutés dans les plaines arides du Rwanda. C'était une mission d'extraction relativement courante, pour ne pas dire anodine. Un groupe d'extrémistes Rwandais, dissident du pouvoir massacrait les populations isolées et armait leurs enfants. L'objectif était de secourir un couple d'américain engagé dans une mission humanitaire. Le danger était plus au nord, et se dirigeait droit vers le petit village. Nous avions de l'avance et n'aurions jamais dû croiser la moindre menace. Mais lorsque nous avons récupéré le couple, Nicolas s'est agité.
Pour la première fois, il planta son regard azur dans le mien et contesta un ordre direct. Il lui semblait inconcevable de ne pas secourir les 50 âmes qui peuplaient le village. Un comportement héroïque hein ? Je ne sais pas trop ce qu'il recherchait dans cette fronde mais il refusa de se rendre au point d'extraction. Nous avons été contraint de le laisser sur place. Ne me jugez pas, Nicolas réclamait que l'unité se sacrifie pour un groupuscule de personne malheureusement d'ores et déjà condamné.
Lorsque nous sommes revenus à l'aube le récupérer, le village était en cendre. La définition même de l'horreur. Les corps brûlés étaient entassés en une pile nauséabonde. Nous retrouvâmes ses plaques, quelqu'unes de ses armes vident de leurs munitions, du sang qui fut confirmé comme le sien.
Il a chatouillé la mort jusqu'à ce qu'elle le fauche. Cela me pince le cœur. Mais c'était sans doute son destin.

- Capitaine Steve Greenwood, supérieur de Nicolas Page lors de sa carrière martiale.

......

Sa clope n'était retenue que par ses lèvres, il tirait dessus machinalement, tout en recomptant d'un œil désintéressé les billets soigneusement alignés dans un attaché-case pimpant. Tout son univers était à l'image de la pièce, froide et délabrée. Le ciment gris du bâtiment désaffecté détonnait avec le mobilier flambant neuf. Le prix du crime. Certaines fenêtres étaient brisées et laissaient la brise d'automne faire courir un frisson sur son échine. Insensible, stoïque. Le froid ne semblait guère l'atteindre. Torse nu, sa musculature saillante déguisée derrière des tatouages parfois approximatifs, fait à la simple faveur d'une épingle et d'encre papier.

Son interlocuteur le regardait d'un œil à la fois fasciné, et craintif. Propre dans son trois pièces aux plis impeccables. Il se soumettait au règne du silence. Mais les questions lui brûlaient les lèvres. Il remonta ses lunettes de son index fébrile, se racla la gorge, indécis quant à sa brûlante envie de briser la glace.
- Ghost, c'est bien comme ça qu'on vous appelle ?
L'interpellé ne répondit pas, continua son contrôle minutieux de son dû, laissant l'émissaire courber l'échine de gêne. Il n'est que trop rarement conseillé d'insister lorsque son vis à vis ne répond pas.
- Je suis Eliott, eumh... Je remplace Allen et ferait l'intermédiaire entre vous et nos employeurs.
Nicolas ferma l'attaché-case avec délicatesse. Son faciès ne marquait toujours pas l'ombre d'une réaction alors qu'Eliott s'évertuait à lancer la conversation face à un mutisme de mort. Ghost appréciait le silence. Une chose rare. Une chose précieuse. Mais ce qui le fit répondre ne fut pas l'insistance de l'homme en costume, mais bien ses propos.
Il tourna les talons, contourna le bureau sur lequel la mallette était posée et s'installa dans un confortable fauteuil en cuir rouge, la matière était encore ferme, l'objet neuf, les accoudoirs en bois brillaient encore. Le prix du crime, à nouveau.
- Employeurs ? Ne commettez pas l'erreur de nous rabaisser à votre niveau, Eliott.  
Ses palabres étaient quiètes, mais suintaient d'une certaine colère. Une menace soufflée et légère, la victime ne sut la traduire. Eliott senti ses joues s'empourprer, il remonta à nouveau ses lunettes, mais ses gestes semblaient plus nerveux, confus.
- Nous travaillons pour les Rios. En tant que chef de votre cl...
- Il n'existe aucun chef chez les Dazzling Moon, ni moi, ni les Rios. Nous incarnons ce que vous craignez le plus. Sans attaches, sans craintes, libres. Des fantômes. Nous travaillons avec les Rios, cela ne fait pas d'eux nos supérieurs.  
La réponse fut plus sèche, son regard glacial. Les propos du visiteur devenaient impolis, mais il fit l'erreur d'insister. Sentant sans doute naître en lui une bravoure inespérée, Eliott toisa le maître des lieux, le torse bombé, les sourcils froncés, même si quelques trémolos vacillant laissait transpirer une angoisse naissante.
- Je doute que les Rios cautionnent vos propos, Monsieur, eumh, Ghost. Ils pourraient vous exterminer sans même que vous ne sachiez que ce soit eux.
Toujours assit, Nicolas prit une longue inspiration, traduite par l'embrassement vermillon du bout de sa cigarette. Ses jambes se raidirent, le forçant presque d'instinct à se dresser. Sa clope toujours fumante, il s'approcha intimement de son interlocuteur. Son regard azur planté dans celui d'Eliott il lâcha dans un murmure létale, terrifiant.
- Vous débarquez chez nous, avec votre belle cravate et vos mocassins cirés. Vous parlez beaucoup. Vous menacez les Dazzling...  
D'une main ferme, il attrapa son désormais antagoniste par la nuque, serrant assez fort pour lui arracher une grimace de douleur :
- Si un seul des Dazzling est la cible des Rios, l'enfer ne sera pas assez grand pour vous cacher. Lors de votre prochaine visite, veuillez ne pas prononcer le moindre mot.