Why are expectations so high? Is it the bar I set?
My arms, I stretch, but I can’t reach
A far cry from it, or it's in my grasp, but as soon as I grab,
Squeeze I lose my grip like the flying trapeze
Into the dark I plummet, now the sky's blackening
(…)

‘’ Le ciel venait de virer au noir d’encre en l’espace d’une vingtaine de minutes. Luttant contre le sommeil, Cesur clignait des yeux, la tête posée contre la vitre embuée, bousculée par moments au gré du moteur qui accélérait. Les maisons défilaient une à une, à l’instar d’un flashback. Ses paupières clignèrent. Déjà, la forêt apparaissait dans son champ de vision latéral. Dense. Trop noire pour y discerner quoi que ce soit ; vivant ou non. S’il n’était pas aussi engourdi par le sommeil, il aurait probablement remarqué que ses parents étaient nerveux et que sa mère ne cessait de lui jeter des regards inquiets par le biais du rétroviseur. Quatre heures auparavant, son père avait débarqué comme une tornade dans leur maison à Liberty et avait déclaré a tout go qu’ils devaient préparer leurs valises car il les emmenait en vacances.  Cesur, médusé, lui avait alors retorque un ‘but da, what about school ?’, qu’il avait aussitôt balayé d’un geste de la main par un commentaire tout aussi suspect. ‘Plenty of time for that, son. Get yerself ready.’ Cesur n’avait cependant pas manqué l’échange muet entre sa mère, clairement troublée et son père qui faisait mine de rien. A l’époque, pourtant, il n’y avait guère donné plus de crédit et avait accueilli cette opportunité avec toute la joie qu’éprouve un gamin de treize ans auquel on promet une semaine sans école et sans corvées. A la limite entre la conscience et les bras de Morphée, Cesur fut brutalement tiré de ses songes par la voiture qui venait de virer drastiquement de sa trajectoire. Il eut à peine le temps de voir le paysage devant lui prendre un tournant à quatre-vingt-dix degrés et sentir son estomac se retourner… avant de sombrer dans le néant. ‘’


*

Brutalement ramené a la réalité, Cesur fit un bond en avant, le souffle court et le front perlant de sueur. Il mit plusieurs secondes, qui semblèrent s’éterniser en minutes, avant de remarquer où il se trouvait.  Portant la main droite à son torse, il tenta de calmer sa respiration saccadée et se laissa retomber sur le matelas moelleux. Les années avaient beau s’écouler, chaque rêve semblait encore plus intense que le dernier. Sans doute parce que cela n’en était pas réellement un ? Son subconscient semblait s’être éveillé depuis ces quatre dernières années où ce rêve – fragment de son passe ciselé – semblait se répéter à une allure régulière pour une raison qui l’échappait totalement. Plus jeune, son subconscient avait ‘bloqué’ les images, les diffusant par légers fragments. Des flashs d’images tout au plus, assez pour le perturber mais trop peu pour qu’elles soient encrées dans sa mémoire. Récemment, cependant, les rêves s’étaient faits plus insistants, plus détaillés, comme si son soi intérieur cherchait à lui faire comprendre quelque chose. Un détail qui lui aurait échappé la dernière fois. ‘Cesur ?’ Totalement absorbé dans ses pensées, il n’avait pas senti la jeune femme bouger à ses cotes. ‘Are you okay? You look like you’ve seen a ghost.’ Un fantôme. Deux fantômes plutôt, songea-t-il, cynique. Sa voix avait le don de l’apaiser cependant. Elle avait un léger accent espagnol, chaud et vibrant. Avec un sourire qui effaça les rides aux coins de ses yeux, Cesur l’attira contre lui et déposa un baiser sur son front, humant par la même occasion son odeur aux nuances de fleur d’oranger. Dernièrement, il s’était surpris à rechercher sa compagnie, à se perdre dans ses yeux d’un vert profond tirant vers la noisette. Si ce sentiment le déroutait, il l’envoyait valser d’un coup de main. ‘How could I not be fine when I’m with you?’ murmura-t-il dans le creux de son coup, tout en déposant des baisers prêt à continuer leurs ébats nocturnes.