le coeur rattaché à la cage thoracique. les yeux persistants, les lèvres pincées. des mains gantées nouées autour d'une barre de métal rongée par la rouille et le corps nourrit d'une tension pesante. et lentement, le rythme s'élance: les premiers coups, les premières goûtes. les bruits sourds qui se déclenchent et se poursuivent, un à un. dans le même schéma d'un chaos routinier, des cris bestiaux grognent dans les masses. théâtre de contusions, dans lequel n'importe qui pouvait s'approprier la scène le temps de quelques destructions.

il y a ceux qui se déchirent, et ceux qui s'alimentent de l’anéantissement. et puis, il y a neir, probablement écrasé entre les deux idéaux. son regard voilé d'une excitation maintenant singulière, c'est pourtant une adrénaline à chaque fois différente qui infeste sa peau quand il s'étreint dans la fascination. les coins de ses lèvres s'étirent et ses dents se dévoilent, rire général parce que quelqu'un est à terre, parce que quelqu'un va peut-être mourir, parce que c'est si exaltant de se jouer de la vie contre des phalanges. neir peut rire, car il n'aura jamais à se brûler, en bas, dans l'arène. il ne fait pas partie de ces incendies humains au besoin de consumer tout le reste. non, lui, il se contentait de les déclencher, s'armant de liasses précieuses qu'il ne manquait jamais d'enfourner dans ses poches.

(tu vivras, neir.) c'était ce qu'elle lui avait promis, ce qu'elle lui avait fait promettre. la mère de neir incarnait une force à la fois sauvage et paradoxalement sage. elle était ce genre d'âme inspirante, celle qui insuffle le courage et l'envie de résister. une puissance certaine, capable de parer les premières négativités et la colère du petit garçon aux joues salies par l’atmosphère des ruelles. il n'y avait même pas besoin d'évoquer la figure paternelle manquante, disparue, égarée, éteinte, peut-être. personne ne voulait savoir et personne ne saurait jamais.
et un jour, neir s'est retrouvé tout seul. (plus de force) il se souvient précisément avoir décidé de ne se rappeler de rien. pourtant, tout est encore très clair, le coup de feu comme les cris, les menaces comme l'injustice. les larmes, discrètes, la colère, un peu moins. mais il n'a rien pu faire face au cadavre, face à la fadeur d'une lumière éteinte. il ne savait pas pour les gangs, il ne savait pas pour les dettes, il ne savait pas pour la cruauté d'un homme enragé. il s'était douté, quelques fois, des tons de l'illégalité. il s'y était intéressé parce que tout le monde semblait en aimer le goût - il voulait savoir, lui aussi. mais certainement pas de cette manière. alors il s'est souvenu, il s'est rappelé qu'il devait vivre mieux que les autres, parce qu'il en était capable, quand il rêvait de pouvoir dans ses nuits les plus abstraites. sa mâchoire s'était serrée mais il n'a jamais donné raison à la morte.

mieux, il l'a défiée. il s'est habillé des pavés usés et s'est armé des néons sans secrets. dispersé dans les pénombres des nuits domptées, son cœur s'était épris de l'art violent. celui qui déchire les mains et qui abîme l'ossature. plus attrayant encore que le pourpre liquide, l'odeur métallique des papiers qui se glissent dans la paume.
rapidement, on se rue dans la poussière, on se peint dans le corrompu.

(tu dois vivre de toutes tes forces, neir, personne ne le fera pour toi, personne ne mourra pour toi.)