Il y a le soleil qui vient frapper son visage. Ses yeux se plissent, un grognement lui échappe. Sa tête tambourine et le moindre bruit semble créer un vacarme infernal. Ses paupières s'ouvrent difficilement, lourdes, et il voit ce bras, fin, posé sur son torse. Les idées confuses, c'est son cœur qui se soulève d'espoir quand il pense que c'est Stella. Et il tourne la tête, tombe sur un visage inconnu, et c'est l'incompréhension qui le saisit quelques secondes, avant que tout ne revienne à sa place. Elle est plus là, Stella. Il reste plus que des bribes, des souvenirs qui font battre les quelques morceaux de son cœur qui le veulent bien encore. Il grogne, encore, et se lève, écartant sans ménagement le bras qui était là plus tôt. Le flic s'empare d'une des cigarettes présentes dans la table de chevet. L'allume, en tire quelques taffes. Il sent le lit bouger derrière lui mais ça lui importe peu – rien ne lui importe plus vraiment. Plus comme avant en tout cas.
Parce qu'avant, c'était le bonheur a n'en plus finir, les sourires sincères et les étreintes volées. Avant, il avait tout pour lui, Eliott. Il avait son boulot. Sa famille. Et puis il y avait Stella. Il l'a rencontré au lycée, et à partir de ce moment, il était foutu. Il pouvait plus se l'enlever dans la tête. Elle était là, partout avec lui, alors il l'a plus lâché. Il l'a épousé, et il a probablement jamais été aussi heureux que lorsqu'elle a dit « oui. » Il l'a aimé tellement fort qu'il a jamais voulu la décevoir. Au point de lui mentir et de la détruire. Il y a eu le jeu, addiction trop forte pour qu'il y résiste, addiction qui l'a mené a dépenser plus, toujours plus, puis soudain il y avait plus rien à dépenser, et Stella devait pas être au courant, jamais. Alors il a cédé, échangé quelques informations contre des billets sales et ça a marché, quelques temps. Mais il s'est éloigné, et à force de trop jouer avec son cœur, il a finit par lui échapper. Et elle est partie, Stella, elle a laissé derrière des draps froids et un cœur abîmé. C'est à ce moment là qu'il s'est éteint, Eliott. Parce que quand elle est partie, elle a emporté le soleil avec elle, le soleil et la vie, et c'est comme si il savait plus comment respirer et qu'il faisait que suffoquer.
Des bras s'enroulent autour de son corps et il se crispe aussitôt. « Lâche-moi. » Il est froid, sec. Il n'y a plus d'étreintes tendres. Il n'y a rien que des rapports bestiaux qui cherchent à combler des besoins primaires. Si c'est pas Stella, alors ce sera personne. Il entend la femme râler, bien qu'il ne saisit pas tout, l'esprit encore embrumé par l'alcool consommé la veille. « Pars. Laisse-moi. » La solitude comme seule campagne - la solitude qui ne le juge pas, alors qu'il s'enfonce toujours un peu plus dans ses démons, qu'il dépasse les limites qu'il s'était toujours imposé pour se sentir vivre, rien qu'un peu, rien que l'espace de quelques secondes. Quelques secondes, c'est tout ce qu'il demande. Quelques secondes avec elle – mais il saurait pas quoi en faire, parce qu'il lui a déjà dit tout ce qu'il avait sur le cœur et que ça a pas suffit, que rien suffira jamais pour rattraper ce qu'il a fait.
Il entend le tissu qui se froisse, sa cigarette s'écrase dans le cendrier et la porte claque, le laissant seul, dans un appartement vide, silencieux, qui respire la médiocrité – à son image.
Et probablement que c'est tout ce qu'il laissera derrière lui. De la médiocrité, des regrets, et des miettes de cœur.