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il est là. il est là. il est là. il est là et fen se sent comme une adolescente devant une bonne nouvelle - idiote mais impressionnante pour une jeune de son âge. fen il a comme un truc qui l'attrape au coeur, qui le presse, qui fait jaillir le sang par tous les pores. de l'angoisse. de l’appréhension. puis un peu d'excitation. parce que kay, posé sur le bar, à regarder sans trop regarder, ça mérite d'être noté, d'être marqué à la pierre blanche sur le calendrier. combien d'années. combien de rides posés - aucuns, le noir qui masque toute présence de l'âge. pas si vieux pourtant, le kay, le kay qui se la joue messager par le biais de virgie, kay qui se cache, kay qui laisse comme une sensation agréable, une mélancolie doucereuse qui vient frapper à la porte de ses souvenirs. et ce soir fen, il a laissé vega au placard pour l'occasion, ce soir fen il a laissé vega chanter seule dans une partie de son esprit - pas prêt à ça, pas prêt pour ça. posé devant les bouteilles, il convie le barman à aller s'occuper de quelqu'un d'autre. fen il attend, il attend quand même parce qu'il est trop occupé à essayer de remarquer ce qui a pu changer - sa paire de lunettes à pas douter. et ça le fait sourire, ça le fait sourire tellement que ça pourrait casser sa mine porcelaine travaillée à outrance - dans le faux qu'il s'élève, dans le faux qu'il domine. oeillade lancée vers une serveuse, puis une danseuse, il s'accoude sur le bois, passe ses doigts sur le verre commandé du frère - à moitié vide, à moitié plein, peu importe réellement, le fait étant qu'il sera vidé d'ici quelques secondes.
- alors ? t'as trouvé des jolies filles ? espace léger, puis un rire qui vient tout rythmer pour créer une faille dans la musique qui, parfois trop forte, coupe du monde réel celui du souterrain. et en bas, tout est possible. en bas tout se zappe, tout se claque, tout se laisse emporter par des mensonges éhontés. fen fabricant d'arnaques juvéniles. tout qui se met à palpiter, tout qui se met à tanguer, ça fait longtemps vieille branche. ça fait un moment qu'on a pas joué de la chance - il la force, avec une matraque, avec une batte. il l'oblige. il la veut. récupérer ce qui a été paumé, un bout de confiance abandonnée, de fraternité dégueulassée - papa, maman, j'aurais mieux fait de la fermer.

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Kay à peine il vient se percher près du bar qu'il le redécouvre, qu'il le découpe au milieu de la foule comme une pièce fluorescente. C'est quelque chose qu'on oublie pas, la démarche, la chevelure qui bouge au rythme du corps, le sourire de boulet affectueux.
Boum.
ça fait comme,
ça fait comme un feu d'artifice, un peu.
l'étirement se dessine sur ses lèvres quand il le voit s'approcher. C'est le tête à tête tant redouté, dont il rêve & cauchemarde depuis longtemps, qu'il a fini par lui offrir, à contre-coeur c'est pas sûr.

(mais au fond, kay, il sait, il sait que ça aurait jamais dû durer autant.)
(ça aurait même pas dû commencer.)

Ah ça y est, ça lui revient, sous forme de flashs floutés, ça se transforme doucement en vagues de réconfort. ça fait du bien, sorte de baume au coeur. Il se penche un peu en avant kay, première fois depuis longtemps qu'il se dévoile à la lumière des projecteurs. Kay, c'est un enfant de la nuit, des ombres, il aime pas des masses le soleil. Mais si c'est pour mieux le distinguer, mieux l'observer, autrement que par le simple biais de récits écourtés, ça en vaut la peine, exact ? Alors y'a les traits vieux de plusieurs années qui s'effacent instantanément de l'esprit, qui laissent place aux nouveaux.  

Il lui retourne son sourire à pleine dents, remonte un peu ses lunettes rondes à outrance.

« c'est une vraie question ? » il récupère son verre entre ses mains, le fait tourner, tourner, tourner, doigt qui se balade sur le rebord pour entretenir la cadence. « je veux dire ; regarde-moi, je suis irrésistible. » il arrête son manège, cul-sec, s'auto-désigne de ses deux mains, partant de ses cheveux en pétards pour arriver au bas de sa chemise à carreaux. avant de plonger son regard dans le sien, avant de se perdre dans ce néant de fraternité disparu (ça fait un choc, hein, kay). Puis ça relâche la furie de gloussements à son tour, ça se mélange à celui du frère, douce symphonie qui remonte jusqu'à ses oreilles. ça réfléchit plus, kay il réfléchit pas avec fen à ce moment-là, cerveau en pause, et c'est bien la première fois. « alors tu bosses ici hmm ? » c'est ici qu'il se cache, c'est ici qu'il se fait d'autres attaches, c'est ici qu'il se détache, depuis sept ans, tout au plus.

(puis il se rend compte qu'il fait plus vraiment partie de sa vie, kay.)

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kay qui se la joue, qui roule des mécaniques, qui fait comme si y'avait pas de hic. et ça lui va bien, ça lui va si bien au teint qu'il se retient de lui faire la remarque, qu'il se retient de souligner ce petit fait qu'il sait taper dans la comédie - et la tragédie. alors il le regarde pendant qu'il cause, pose toute son attention sur sa face remodelée, tellement retapée par les années qu'il saurait plus se rappeler comment il était avant. avant y'a sept ans. avant la porte qui claque et les rires qui craquent, avant les regards qui laissent même pas se placer un petit au revoir - et le pathos qui menace de lui dégouliner de la bouche, tant ça le laisse sur la touche. fen qui inspire profondément, qui regarde avec une admiration presque tendre son cadet qui se prend pour un grand. un rire qui se place, qui casse alors qu'il vient prendre une gorgée de son verre - l'autre sera gratuit, il se le note dans un coin de la tête.
il bosse ici,
vit ici,
respire ici,
tout ici. pas ailleurs. puisque l'ailleurs semble pas propice à ouvrir totalement les bras, seulement les ongles pour l'étrangler - ou faire saigner. fen dans le déni qu'aura préféré les bas-fonds plutôt que la lumière réconfortante d'un soleil d'été.
- ouais mais ça, tu l'sais déjà. il en dit pas plus, le laisse cogiter quitte à qu'il en fasse sortir de la fumée des oreilles. fen qui laisse ses lippes encore grandir parce qu'il a plus que cette envie, celle de sourire - qui fait un peu mal à la mâchoire des fois. ses iris qui se baissent, qui regardent les longs doigts du troisième-né, du troisième tant adoré, du troisième descendant d'une longue lignée à mi-bâtarde, à mi-aimante, à mi-de tout. à c'que j'vois, tu continues d'bouffer des clowns le matin kay, c'est bien. t'as pas perdu ça. contrairement à d'autres qui se laissent submerger, qui se laissent attraper, oui papa, oui maman, à courber le dos en attendant le fouet-trémolo.
- t'as vu de la lumière et t'es entré ? oeillade rattrapée, il se plonge dans ses prunelles un peu éteintes - un peu cendrées. qu'il reste, l'effronté, puisque la nuit leur appartient.