Liberty, c’est une jolie ville. C’est petit et tranquille – quelque chose qui pouvait définir des moines, mais jamais hana n’y avait ressenti les mêmes choses.
Ce sentiment de sérénité. Cette douce brise qui ravivait son espoir.
Elle s’était dégotée un petit quelque chose aux abords du centre ville. Pas très grand ni très confort, mais suffisamment pour qu’elle s’y sente chez-elle. Elle avait réussi à décrocher un boulot, de ceux qui ne rapportent pas des masses mais qui font s’envoler l’âme. Hana, elle n’avait pas les moyens de s’acheter un piano, elle a fini par en faire son gagne pain. Ca l’avait apeurée, ne pas avoir ces touches pour y abandonner son anxiété, mais finalement elle en avait trouvé un, dans ce bar discret du quartier résidentiel. Elle n’était peut être pas professionnelle, mais elle avait quand même tenté sa chance, l’espoir dans les yeux et la passion dans son jeu. Le propriétaire, il avait dit oui, sans qu’elle sache trop pourquoi, sans doute qu’il avait été touché, par la manière dont la petite avait de fondre son âme aux mélodies.
Elle avait un lieu où vivre, un boulot.
Pour la première fois depuis longtemps, elle ressentait les prémices de la joie. Qui crépitaient dans ses veines, attiraient le sourire sur les lèvres.
(joie éphémère, joie qu’on espère)
Elle explore la nouvelle ville de sa nouvelle vie, hâtive de voler de ses propres ailes dans cette cité dont elle ne voit pas (encore) les risques. Hier, en rentrant, elle avait repéré le supermarché, se faisant la réflexion que ses placards étaient bien vides. Aujourd’hui, avant de prendre son service du soir, elle en franchit les portes, bien décidée à remplir son frigidaire. Hana saisit un panier et déambule dans les rayons, cette expression rayonnante des nouveaux venus reconnaissable entre toutes ne quittant pas son visage. Elle prend du pain, des œufs, embarque quelques boîtes de gâteau et du thé, avant de se mettre en quête de céréales. Là, devant le rayon, ses yeux cherchent une marque bien particulière – celle de son enfance, celle qui a accompagné sa croissance. Ah ! là haut. son bras suit son regard, cherchant à attraper le paquet bien trop haut, son mètre soixante deux ne lui permettant pas de saisir l’objet de ses vœux. Puis soudainement – une main. Surgie de nulle part, elle se saisit du bien et hana,

Hana surprise se retourne
Et tout ce qu’elle voit ce sont ses yeux
Ces yeux d’un bleu digne des cieux

L’homme en face d’elle lui tend le paquet, et la jolie fleur reste pendant un moment muette de surprise. Puis ses cordes vocales reprennent du service et des mots parviennent enfin à franchir ses lèvres.
« je – euh, merci. »

Depuis qu'il est arrivé en ville, Liam, il fait jaser de lui. D'abord parce que les gens n'ont pas trop saisi pourquoi un étranger du bout du monde a soudainement eu l'envie d'aller s'isoler dans une petite ville perdue de l'Oregon pour remplacer le vieux vétérinaire qui venait de prendre sa retraite. Puis les gens se sont mis à commérer parce que personne ne saisit pourquoi il n'est pas en couple. Qu'un bel homme comme lui ne trouve pas de fille à son bras est tout simplement inconcevable. Au fil du temps, les regards inquisiteurs se sont toutefois déplacés ailleurs, vers d'autres individus plus palpitants, car Liam, derrière sa blondeur scandinave et ses yeux azurs, est un homme tout à fait ordinaire. Il se complait dans la banalité, Liam, il aime la routine qu'il s'impose depuis des années. Liam, vous savez où le trouver, immanquablement : à la clinique vétérinaire ou dans le quartier de South Lake, ou peut-être au bar du coin, mais on ne le retrouve jamais à fréquenter les endroits malfamés de la ville, à moins qu'il s'y trouve pas pure coïncidence, car Liam, c'est l'archétype d'un honnête citoyen ambulant.

Faire les courses le samedi fait donc partie de sa routine, une tâche ménagère dont il doit s'aquitter lui-même puisqu'il n'y a personne pour partager sa vie et qui puisse le faire à sa place, mais le Norvégien ne s'en plaint guère puisqu'il avait habitude d'accompagner sa propre mère au supermarché lorsqu'il était gosse. L'amour pour la cuisine, c'est à elle qu'il le doit, car madame Nielsen est une cuisinière hors-pair. Liam parcours donc sans se presser les allées de l'épicerie, à la recherche d'aliments de saison. Liam, il prend le temps de lire les étiquettes (contrairement à d'autres) et de s'assurer de la qualité de ce qu'il consomme - une alimentation saine est gage d'un esprit sain, à ce que l'on dit. Peu convaincu par les produits transformés, on ne le voit pratiquement jamais s'attarder dans l'allée des surgelés ou des confiseries. Le voilà dans l'allée des céréales à présent, à la recherche d'une marque bien précise - norvégienne - car il est faut d'assumer qu'il ne souffre jamais du mal du pays. Puisqu'il s'agit d'une marque peu connue, on comprendra que les commis rangent les boîtes sur la rangée supérieure, de sorte à ce que les enfants aient leurs lucky charms et leur cornflakes à portée de bras. Il doit être pour ainsi dire le seul à manger ce truc, ou presque, puisque la fille à côté de lui semble partager ses goûts en matière de céréales. « Tiens, » dit-il gentiment en lui rendant accessible l'objet de sa convoitise.

C'est que même sur la pointe des pieds, il lui aurait manqué quelques pouces au bout des doigts pour atteindre les produits de la rangée supérieure, car la demoiselle n'est pas bien grande - du haut de son 1m90, Liam la surplombe au moins d'une bonne tête. Surprise, la jeune fille le remercie d'un ton gêné. Pour dissiper le malaise, le vétérinaire lui offre un sourire chaleureux. « Il n'y a pas de quoi, » Avec un petit signe de tête, Liam s'éloigne doucement pour terminer ses courses. Il est comme ça, Liam. Prêt à aider son prochain dans un élan spontané, sans jamais demander en retour.