babe, elle a toujours eu tendance à être perdue.
perdue dans la vie, perdue dans la religion, perdue dans ses croyances, perdue dans sa famille discornue.
perdue dans ses sentiments infinis, perdue dans son palpitant discordant, perdue dans ses envies.
babe, elle a pas eu une vie facile. elle a été abandonnée par ses parents, elle a perdu lukas de vue (petit être qui deviendra grand sans être choyé des prunelles de sa grande sœur), elle a été à la rue. mais babe elle s’plaint jamais, malgré un caractère enflammé.
babe parfois elle regarde le ciel avec les sourcils froncés, les pensées vulgaires qui brûlent ses lèvres, les pensées grossières qui assènent un seigneur auquel elle ne croit plus vraiment. pourtant à d’autres moments, babe, elle recommence à prier. « donne-moi l’amour, dieu » qu’elle a pensé quand elle a rencontré stig.
et stig il est arrivé.
sauf que babe, elle était pas prête pour l’amour et tout c’que ça signifie. parce que babe elle est pas prête à donner son cœur. l’donner c’est bien y paraît, ça donne beaucoup d’trucs positifs… mais ça peut donner des trucs négatifs aussi.
babe, elle a trop peur de souffrir. donner son cœur à stig, c’est lui donner l’occasion d’le serrer fort jusqu’à l’étouffer entre ses doigts. alors babe elle refuse.
mais la p’tite voix dans la tête de babe, elle raconte qu’elle a déjà perdu babe. le cœur, elle l’a déjà plus. il est parti embrasser celui de stig, ô petit organe naïf.

alors quand y’a l’poing qui tabasse la porte trop fort, babe elle sait qu’c’est stig. elle reconnait sa façon d’frapper contre la porte métallique. y’a son esprit et son myocarde qui s’emballent tous les deux en même temps…
et puis le cœur qui s’arrête. « et si stig il est venu voir tito ? » il demande. l’esprit il avance trop vite, fait bouger les jambes jusqu’à ce que la porte s’ouvre.
« salut stig. »
elle ronronne tout doucement en s’plaçant maladroitement contre le chambranle de la porte. et elle attaque direct, sur la défensive parce que l’cœur a peur, que l’cœur a abandonné l’idée de se donner tout entier même si c’est déjà fait techniquement.
« tu viens voir tito ? »
elle demande un peu plus sèchement qu’prévu. et puis elle se souvient de la nuit (la dernière) qu’ils ont passé ensemble. enlacés. reliés. embrasés. les deux corps et les deux cœurs reliés par le fil rouge de l’amour. et y’a son cœur qui s’affaiblit encore.
« c’est dommage, j’avais envie d’te voir. »
elle susurre en l’devançant un peu, sans lui laisser l’temps de répondre à la précédente question. elle a envie d’lui donner des envies impures qui penchent en sa faveur… alors qu’elle culpabilise un peu d’priver tito de stig. mais tito, il aime jamais personne à part babe. tito, il aime les pénis, pas les garçons…
et babe, p’têtre bien qu’elle l’aime vraiment stig. alors des fois c’est bien d’être égoïste. elle papillonne un peu des cils en attendant d’savoir ce qu’il fait là.

stig. ça rime avec rien, ce prénom. mais dans le cœur de babe, ça rime avec beaucoup de choses… avec trop d’choses. douceur quand elle est à ses côtés. douleur quand elle est loin de lui. amour qu’elle ressent pour lui. dépendance. jalousie. c’est p’têtre la première fois que babe ressent ça… parce qu’avec son premier p’tit ami, celui qu’elle a trompé allègrement, y’avait rien. lui, il était plat. lui, il était inintéressant. babe, elle préférait le grand-frère… aujourd’hui, y’a plus personne qui compte pour babe.
juste stig.
tito aussi il compte mais babe elle aime pas penser à tito quand elle pense à stig. parce que ça lui rappelle que stig il aime bien aussi tito. que stig il s’oublie dans les bras de tito parfois. que stig, il sait pas choisir entre eux deux.
et s’il y en avait plus que deux ?
si babe et tito, c’était qu’une passade ?
elle veut pas réfléchir à ça babe. elle se sent intouchable avec stig. pourtant, elle lui a donné son cœur timidement, un peu en espérant qu’il le prendrait pas… et stig, il l’a pris. stig, il peut en faire ce qu’il veut. soit l’embrasser tout doucement, le chérir, soit l’écraser entre ses doigts.
elle s’est toujours promis babe qu’elle aimerait plus jamais. que y’aurait que lukas dans sa tête, dans son cœur. parce que maman et papa ils ont trop piétiné le palpitant pour que babe souhaite l’donner à un inconnu. si la famille marche dessus comme ça, qu’est-ce qu’ils en feront les autres ?
mais elle l’a donné. et elle se sent à la fois libérée d’un poids, et perdue. dans le néant, en train d’beugler pour être entendue, pour être libérée. paradoxe. elle pensait pas qu’elle s’attacherait autant à stig babe… mais comment ça pourrait être autrement ?
stig, avec ses cheveux noirs, avec son sourire-douceur, avec son sourire étoilé, il a fait éclater l’cœur. stig, il est un peu trop beau, un peu trop gentil, un peu trop attachant, un peu trop parfait. et pourquoi il aime bien babe, et pourquoi il veut rester avec elle… c’est un mystère. mais babe elle crachera pas d’ssus. babe elle s’enfuira pas : elle va profiter d’sa chance jusqu’à ce qu’elle tourne.
stig il dit salut et il pose un baiser sur sa joue, tout près de sa bouche. babe elle le regarde avec des grands yeux médusés, et elle l’attrape par le bras pour déposer un baiser sur ses lèvres. elle a b’soin de ça babe parce qu’elle a fait un mauvais rêve pendant la nuit…
un mauvais rêve où stig partait. où stig cessait de l’aimer.
« c’est comme ça qu’on dit bonjour ici. »
elle se justifie, haussement d’épaule faussement insouciant.
et stig il lève la main. y’a des clés qui pendent. elle penche un peu la tête sur le côté, sans trop comprendre. il lui offre une voiture ? bah non. babe elle sait pas conduire, elle lui a déjà murmuré pendant qu’elle traçait des cercles, des galaxies, des étoiles, des firmaments et des voies lactées sur son torse, après l’avoir aimé jusqu’au p’tit matin.
Et si tu prenais assez d’affaires pour deux jours. Pour un weekend. Sur les routes. Je ne sais pas où, n’importe où. Rien que toi. Et moi.
elle ouvre la bouche, la referme. elle comprend direct, pas comme d’habitude avec quelques secondes de retard. et elle sautille sur place.
mais elle réfléchit à tito. tito qui va être tout seul pendant deux jours. elle tourne la tête vers derrière, vers le haut, vers le bureau où tito reviendra ce soir, où y’aura plus babe pendant quelques jours. mais babe, elle a le droit d’être heureuse hein ? même si c’est avec stig. même si tito il aime plus stig qu’il se l’avoue. un jour, tito et babe, ils devront parler de stig… mais ce sera pas aujourd’hui. ni ce week-end.
T’en dis quoi ?
elle feint un instant de réfléchir, mais elle tient pas alors elle s’empresse d’répondre :
« j’en dis… OUI OUI OUI ! »
elle saute dans ses bras, l’étouffant dans ses cheveux enflammés. et elle embrasse sa joue plusieurs fois, puis son cou, son oreille. le cœur de babe il va bientôt exploser… est-ce que c’est stig qui l’écrase un peu trop ? ou est-ce que c’est l’bonheur ?
« mais tu vas m’supporter tout un week-end ? »
elle se recule un peu, dubitative.
« j’te parie que tu vas tenir deux heures avant de regretter ton choix. »
elle sourit et elle lui tire la langue. et puis elle lui prend la main et elle l’emmène vers la sortie, trop impatiente. babe, elle pensait pas pouvoir goûter au bonheur quand maman l’a virée de la maison, qu’elle a perdu luka de vue. babe, elle a cru qu’sa vie était finie… mais grâce à stig, babe elle revit.
babe, c’est le phénix qui reprend son envol.
mais pas tout d’suite. y’a son ventre qui grogne.
« t’as pris de quoi manger ? ou on passe par la supérette rapidement ? »
elle demande, les joues un peu rosées. elle a toujours honte quand son ventre s’exprime devant stig, parce que ça lui rappelle (à elle, à lui) que c’est rien qu’une clocharde qui a pas d’quoi manger tous les jours. que babe, c’est une moins que rien. et puis son ventre, il a toujours l’chic pour grogner aux pires moments… quand stig embrasse l’bas de son ventre par exemple.
« j’pensais que j’étais prête mais en fait… je reviens ! »
elle dépose un rapide baiser sur les lèvres de stig et elle fonce jusqu’au bureau. elle retourne toute la pièce à la recherche de billets. hier, elle a trouvé un peu d’sous par terre… et le jour d’avant, elle a fait les poches de quelques personnes dans la rue. et y’a eu des passants (p’têtre les mêmes ?) qui ont donné un peu d’monnaie à la sdf si jolie et si dénudée.
elle revient près de stig, les poches un peu plus remplies, mais pas très riches quand même.
« j’pourrai p’têtre nous payer quelque chose. »
elle lâche avec une mine un peu contrite. avec babe, c’est toujours comme ça. c’est des peut-être, parce qu’on peut jamais être sûr quand on travaille pas, quand on a pas d’avenir, quand on saura pas d’quoi demain sera fait…