c’est juste devant le casino, à la gueule des gens. les gens friqués comme sin qui viennent dépenser leur thune durement gagnée (pas comme sin) sur les bornes, les attrapes-couillons. sin, elle a envie de s’amuser, de dépenser de l’argent qui ne lui appartient pas. elle a toujours plus envie de les dégoûter, les hastings, de l’avoir accepté dans leurs rangs…
de devoir la supporter, elle, le serpent qui s’enroule autour de la cuisse pour mieux y planter ses canines, poison sinuant entre les veines violacées. gamine de rien qui s’est greffée à eux grâce à un sombre secret qu’elle garde bien niché au creux de ses seins.
et c’est juste là, devant le casino, à la gueule des gens…
…que d’autres gueules se font démolir. bon, c’est pas juste devant, pas vraiment… un peu sur l’côté mais pas loin. on entend les bruits de la bagarre, les chairs qui se cognent, les muscles flasques qui sont sollicités après des années sans avoir été entraînés. bagarre de rue ou pas, sin est attirée. elle a envie de savoir c’que c’est, pourquoi des gens se fracassent.
elle se souvient des mains violentes de son mac, des heures supplémentaires qu’il la forçait à assumer alors qu’il se perdait dans ses cuisses. les mâchoires serrées, y’a ses talons qui cliquètent sur l’asphalte sombre, dégueulasse, où des résidus d’crachats et de chewing-gums ont marqué l’béton à jamais. sin, elle est bien habillée… elle allait au casino, pas participer à un genre de fight club improvisé. elle se souvient d’la phrase de tyler dans son film fétiche. « Il y a un adage qui dit qu’on fait toujours du mal à ceux qu’on aime mais il oublie de dire qu’on aime ceux qui nous font du mal. » sin, elle aimait pas son mac quand il le frappait…
pourtant elle aime bien wrath quand il est agacé. quand y’a ses doigts qui marquent sa peau. elle aime bien quand wrath gueule, elle aime bien quand elle le touche assez pour qu’son visage change, pour qu’elle voit l’désir se dessiner dans ses iris.
elle s’arrête net en voyant la personne qui s’prend des coups. blonde, bien faite, jolie. le visage tacheté d’éclats purpurins, cruor s’évaporant par tous les pores. elle a l’air mal en point, et sin elle est incapable de détacher ses prunelles d’elle. elle a ce quelque chose d’hypnotisant, de fascinant, avec tout ce sang sirupeux et poisseux qui s’écoule de ses narines, de sa bouche, contraste saisissant entre le vermeil et le blanc de ses dents. elle est amochée… mais elle est jolie dans sa démarche cabossée, avec sa face déglinguée.
sin, elle la fixe quelques minutes sans bouger, alors qu’la blonde continue à accuser les coups. elle essaie d’en rendre elle pense sin, mais ça marche jamais vraiment on dirait… sin, elle pense qu’elle est trop épuisée pour que ses gestes aillent toucher l’adversaire, le déstabiliser, le blesser. alors elle s’avance un peu (pas trop, elle sait pas s’battre) et elle gronde :
« arrête. »
elle fixe la blonde, défie quiconque de s’approcher de son regard le plus noir, le téléphone portable gold en main.
« si y’a le moindre connard qui bouge, j’appelle les flics. »
elle montre son engin diabolique, iphone où trône le numéro des gardiens de liberty.
« et toi, tu devrais savoir quand t’arrêter. »
elle lâche froidement, s’approche de sa cible de la soirée, l’aide à demeurer levée d’un bras passé sous l’aisselle, béquille de substitution.
« j’vais te soigner. appuie-toi sur moi. »
elle ordonne sin, elle demande pas. la gamine, elle a pas intérêt à chouiner… d’façon, sin elle est pas certaine que la poupée soit capable d’ouvrir la bouche et de dire des mots cohérents. elle doit avoir les neurones qui s’entrechoquent dangereusement, des étoiles, des poussins ou n’importe quoi dansant devant ses opales claires.
la blonde, elle lui fait pitié. sin, c’est pas le genre de nana à aider les veuves, les orphelins et les opprimés… parce que elle, on l’a jamais aidé. mais sin, y’a des moments comme ceux-là où elle a envie de retrouver foi en l’humanité… où elle peut pas supporter de voir une femme se faire battre sans rien dire. ça rappelle un peu trop maman qu’a jamais pu décider sa vie, qui s’est faite exploiter jusqu’à en crever.
l’inconnue, ce sera pas maman.
l’inconnue, elle va vivre… et longtemps.