[a lot on my mind]
elle savait comment vivre, comment survivre dans un monde en apparence trop triste; elle savait raviver les cœurs trop refroidis par les brises hivernales; elle était vivante et heureuse quand tout autour d'elle n'était que peine et solitude; elle était le soleil des nuits trop sombres, la clarté d'un nuage trop épais; elle était la douce folie avec laquelle on aimer s'enivrer; elle était le point de lumière sur la toile tachée.

alia, c'était le souvenir lointain d'une joie de vivre inébranlable. maintenant, elle est déchirée.
▹affectée par une absence non-désirée ; et comblée par la présence d'un nouveau-né à ses côtés. qui est le père? elle ne cherchera jamais la réponse à cette question. c'est la chair de sa chair et c'est tout ce qui compte. les couches, les larmes, les rires - sa propre thérapie. c'est lui qui l'a aidé à se remettre sur pied quand elle était perdue. c'est sa lumière blanche au bout du tunnel.
▹hantée par la mémoire d'une amitié. elle en rêve parfois, et c'est ce qui la tient en haleine dans ses nuits passées seules. elle en cauchemarde souvent, et c'est ce qu'elle veut oublier quand elle s’encanaille dans les bras d'un homme.

alia, elle a ce côté brisé qu'on ne peut plus lui enlever, et ses sourcils toujours trop froncés. mais elle a encore cette douceur dans ses yeux, ce sourire toujours trop grand. maintenant que son inquiétude a pris le dessus sur sa rancœur, elle vient ici pour se confronter à la possibilité d'une renaissance. pas la sienne, non. elle vient pour proposer le rayon de soleil qu'il manquait à une de ses lointaines amitiés.

elle marchait sur le pavé trempé des rues de Los Angeles. bercée par le bruit de la pluie, elle s'accordait une dernière errance dans cette ville. avant de la quitter et de tout laisser derrière elle. c'était le moment. tout s'était passé très rapidement, presque sur un coup de tête. elle devait partir pour liberty, ville qui lui évoquait vaguement la crainte de vieilles chimères. mais c'était l'unique endroit où elle avait le pressentiment d'avoir quelque chose à faire ; rattraper le passé qu'elle avait laissé s'enfuir trop facilement. la sensation douloureuse d'un regard qui manque, alia l'avait assez connue. c'est comme si elle avait mis sa vie en pause depuis presque un an. elle boit pour oublier, fume pour s'évader, disparait quand les draps sont froissés - son mode de vie après l'expérience difficile d'une grossesse, souffrant cruellement de l'absence de soutien du côté familial. elle avait pourtant été choyée dans son enfance, ayant une famille des plus banales et aimantes. mais l'incompréhension entre la fille et les parents a creusé le fossé qui les sépare. pourquoi s'encombrer d'un enfant dont le père est inconnu, à vingt-et-un ans, sans situation ou relation stable ? cet enfant était la seule preuve existante d'une période qui a été l'une des plus belles de sa vie. le reste, c'était du vent : des photos à peine discernables à cause de l'alcool versé dessus, des souvenirs bancals d'une voix ou d'un parfum qui lui sont à présent trop lointains pour être fiables. cette situation lassante commençait à la faire délirer.


après sa promenade, elle pousse doucement la porte d'une maison modeste et reculée. elle aperçoit  le berceau dans la pièce principale, à côté duquel se tient une femme au regard bienveillant. celui-ci se raffermit aussitôt qu'il se pose sur alia.
« - Tu peux partir à présent. Il sera bien mieux ici qu'avec toi.
- Je ne l'abandonnerai pas.
- C'est pourtant ce qui pourrait lui arriver de mieux. »
suite à ses deux dernières visites chez ses parents, elle commence à s'habituer aux réflexions blessantes de sa mère et au regard fuyant de son père. elle se sent désormais prête à tirer un trait sur l'amour paternel, afin d'accorder toute l'attention dont elle dispose à l'égard de son fils. seulement, il faut d'abord qu'elle réussisse l'objectif qu'elle s'était fixée à liberty pour pouvoir le retrouver. en attendant, elle le savait en sécurité chez ses grands-parents, qui avaient malgré tout pris la sage décision de ne pas punir le bébé pour quelque chose dont il n'est pas responsable.



elle sait que les étapes, une fois arrivée à liberty, serait dures à franchir. à vrai dire, elle ne savait pas du tout comment s'y prendre. cette âme révoltée est encore trop confuse pour se frayer un chemin vers la raison.
il reste l'image des soirées de sa jeunesse. leurs rires aux éclats, la basse résonnant à un rythme régulier dans leurs cœurs, leurs déhanchés prononcés, leurs discussions dépourvues de sens quand ils étaient un peu trop ivre. tous ces moments heureux font écho dans sa tête. ses souvenirs précieux, pour lesquels elle ferait tout pour les retrouver l'espace d'un instant.