Aujourd'hui ne devait être qu'un jour parmi tant d'autres. Frotter, astiquer, rien ne laissait présager une journée mémorable. Et pourtant... Tu l'as vu par cette putain de fenêtre. C'était bien lui, ça tu en était certaine. Tu reconnaitrais son sourire entre mille. Dix ans après... Ça paraissait impossible, et pourtant... Tu as ouvert la fenêtre, et tu t'es mise à hurler.

Tu souffles son nom. Tu cris son nom. Mais ces appels son vain et tu refermes la fenêtre sur cet énième mirage. Tu es folle Leah. Une pauvre tarée à la recherche d'un enfant sans doute mort à l'heure qu'il est. Perdue dans des espoirs vains d'un jour le voir revenir. D'un jour le voir réapparaître, que ce soit ici, à travers la fenêtre où là-bas près de votre ancienne maison. Tu es folle Leah.
Tu dois apprendre à te faire une raison. Ton fils est mort, il y a déjà des années, et tu en es totalement responsable. C'est toi qui devait le surveiller ce jour-là, et tu as merdé. Comme toujours.
C'est ça, vas-y frotte plus fort sur ces carreaux, comme si cela pouvait effacer ta culpabilité. Pauvre conne... Ton regard se fait plus insistant vers l'extérieur. Il semble si réel, n'est-ce pas Leah ? Tu te retournes vers ta patronne, le coeur au bord des yeux. « Je dois y aller... Mon fils » « J-Je ne savais pas qu-que vous aviez un enfant ? » Personne ne le sait. Ou plutôt tout le monde a oublié. Tout le monde a oublié votre histoire. Mais pas vous. Pas toi. Et ce gamin là dehors, il semble si réel. Si... Lui.  T'en es certaine. Parce qu'une maman sait ces choses là. Une maman peut reconnaître son bébé même des années après.

Ridicule, désespérée, nombreux sont les adjectifs qui auraient pu te décrire à cet instant précis. Tu as foncé dehors sans un regard en arrière. Tu t'es retrouvée à quelques mètres de lui, et tu as paniqué. Que pouvait-on bien dire à son enfant disparu depuis près de dix ans ? T'en savais rien. T'as jamais été réellement doué avec les mots. Gabriel, lui l'était. Il aurait su quoi dire, ou du moins le penses-tu. Gabriel. Devais-tu l'appeler ? Lui dire que... Que votre fils était là, assis sur un banc à quelques mètres de toi ? Tu n'étais pas certaine que ce soit la meilleure des solutions. Bien que toujours très proches, vous sembliez avoir depuis quelques temps tout un monde de décalage. Tu devais d'abord lui parler. Tu devais d'abord être sûre. Alors tu t'es avancée, doucement pour ne pas que le chien te remarque. T'as toujours eu peur des chiens, et d'autant plus depuis quelques mois, depuis que... Enfin passons, là n'était pas le plus important. Tu as continué, te retrouvant tout près maintenant. Tu as attendu qu'il tourne la tête vers toi pour arriver à prononcer son nom d'une voix tremblante. « Priam ? » Ton cœur battait à tout rompre, et les larmes bordant tes yeux ne tardèrent pas à creuser des sillons le long de tes joues.
Tu étais ridicule.