[a lot on my mind]
(01).C'est en terre canadienne que tous les Selwyn ont vu le jour et ce, depuis des générations. Pourtant, c'est dans l'Oregon qu'ils ont posé bagages alors que la brune n'avait que huit ans. Quitter Vancouver fut d'un dépaysement total pour elle, qui se réconfortait uniquement avec l'idée que l'océan n'était pas très loin. (02). Elle est de ceux qui ont appris à danser avant de marcher, de compter, de lire. Elle a la danse dans la peau et ce, depuis toute petite. Sa mère, ancienne danseuse professionnelle, lui a partagé cet art si particulier, dès-même les premiers instants, lovée et aimée, dans le ventre de sa génitrice. (03). Elle n'a jamais eu une très bonne relation avec son père qui était bien trop souvent absent. Mais c'est pourtant chez lui qu'elle a trouvé le plus de réconfort et de prudence, de douceur, alors qu'elle venait d'être retrouvée et ramenée à la maison familiale.(04). Dans les albums photos, elle semble avoir été une enfant heureuse. Une enfant comme les autres, avec un penchant pour la danse. Quelques mauvaises notes en math et en chimie, des facilités en langues étrangères et en art plastique. Elle pleure sur toutes les photos où elle est proche d'un cheval, une phobie qu'elle semble se traîner d'on ne sait où. Elle a la bouche bien souvent recouverte du rouge des fraises qu'elle volait aux récoltes de sa mère et bien souvent, des clichés l'affiche dans de hauts talons et les habits sophistiqués de sa tendre mère alors qu'elle ne dépassait pas la barre des dix ans. Elle semble être joyeuse, pleine de vie. (05). Personne ne lui dit qu'elle a pu être une vraie teigne lorsqu'elle était en colère. Un peu trop emmerdeuse, un peu trop jalouse et rancunière, parfois susceptible pour un rien. Têtue, abrupte, souvent calculatrice.. C'est la partie qu'on ne dit pas, parce qu'on est bien trop contents qu'elle rentre et que les détails comme ça, on s'en passe. (06). Elle aimait danser seule dans sa chambre, être nue chez elle, manger des fruits rouges avec du champagne. Lire de la poésie, des romans érotiques, écouter du jazz. Se brûler la gorge avec de l'alcool fort, mettre du rouge à lèvre carmin, hausser le sourcil, sourire en coin, tremper ses lèvres dans le vin rouge. Parfois courir sur les rails abandonnés des trains, se perdre dans la forêt, relever des défis absurdes, rêver des grandes villes, siffler, claquer ses doigts. Détester les enfants de loin, mais leur apprendre la danse et tomber sous le charme de leurs petites bouilles, rêver d'être une danseuse reconnue, d'échapper à Liberty mais de toujours y revenir, quoi qu'il arrive. (07). A part la danse, elle n'a jamais eu de réel attrait dans une autre activité artistique. Elle se débrouillait en art plastique, mais seulement parce qu'elle savait choisir les personnes avec qui être en binôme. Vous n'entendrez jamais Hestia chanter, ni même jouer d'un quelconque instrument ou se balader dans un musée sans que ce soit par la force. Elle apprécie l'architecture et le cinéma, mais elle n'en a pas une connaissance très approfondie. (08). Hestia a disparu un matin, alors qu'elle se rendait à son entrainement habituel. Kidnappée puis séquestrée chez un membre de la secte vista temple, dans l'unique but de faire croire aux habitants de Liberty un enlèvement extraterrestre. Il s'est permis de prendre des sous aux Selwyn, leur promettant que ça allait financer des moyens pour récupérer leur fille. Il a disséminé des traces absurdes d'extraterrestre un peu partout pour faire croire à cette théorie. (09). Elle s'est débattue, longtemps, avant de lâcher prise. La brune enchaînait quelques fois des pas de danse dans cette petite pièce de neuf mètres carré où elle vivait recluse. Elle se mélangeait à la poussière, aux meubles vétustes, aux nombreux craquements de parquet, cette lumière tamisée, ce froid constant lui glaçant le corps. Lorsqu'un plateau repas par jour ne lui était pas glissé, elle frappait à sa lourde porte pour sa survie. Quelques fois on la faisait descendre au salon, on lui faisait peur. Elle se tenait dans un coin, d'abord le regard fier, haut, persécuteur, puis sous l'indifférence de son kidnappeur, sous sa brutalité lorsqu'elle osait s'insurger, ses iris chocolatées balayaient le sol, fuyaient vers les coins les plus sombres et isolés de la pièce. (10). Elle reconnût l'écriture distinguée de son père sur une lettre rapidement brûlée dans la cheminée du salon. Elle se lança dessus, surprenant son ravisseur, plongeant ses mains dans le feu. Et ses doigts se brûlèrent tandis que son attention se portait sur les mots que son père avait bien pu écrire. Ce fut un signal d'alerte, un rappel à la survie, à la vie. Elle devait s'enfuir, elle devait se battre. Son kidnappeur les faisait chanter, il dilapidait leur fortune, tout ça pour elle. Alors elle se fit toute petite, elle attendit que ses mains se soignent. Et une nuit, un jeudi soir, elle passa par ce chemin de fuite qu'elle s'était imaginé, répété inlassablement depuis ces dernières semaines. (11). Sa première réaction lorsqu'elle fut à l'extérieur de la maison, fut de prendre une grande inspiration d'air frais. Elle courut, pieds nus, à travers la forêt, durant de longues minutes, jusqu'à épuisement. La jeune femme était affaiblie et très vite poursuivie par son ravisseur qui l’assomma alors qu'une voiture s'approchait d'elle sur le bord de la route. C'est uniquement parce que le conducteur a décidé de s'arrêter et de lui porter secours cette nuit-là, qu'elle fut sauvée. (12). Hestia passa deux longues semaines à l’hôpital de Liberty, entourée de ses proches. Familles, amis, qu'elle ne reconnaissait pas. Parce qu'il n'y avait plus que ces dernières semaines dont elle se souvenait, ces longues heures à compter depuis combien de temps elle était retenue captive, la brutalité et l'indifférence de son ravisseur.. Ce sentiment d'urgence, de survie, qui lui prenait toute son attention. Sa mémoire bloquait, soudainement, refusant de rouvrir la porte de son passé, la porte de qui elle était. (13). Hestia prend des cours de self-defense par sa propre volonté, mais aussi par celle du psychologue qui la suit. Il pense en effet qu'elle retrouvera confiance en elle et en son avenir si elle apprend à se défendre. (14). Elle garde des cicatrices, des blessures encore visibles de ce passage sombre de sa vie. La brune fait souvent des cauchemars, des crises d'angoisses alors que les rayons réconfortants de l'astre lunaire éclairent sa chambre. Mais un jour cela passera, c'est ce qu'elle se dit, c'est comme cela qu'elle se convainc. Alors elle affronte le présent, elle écoute ce qu'on peut bien lui dire sur ce qu'elle était, mais elle n'arrive qu'à se concentrer sur l'instant présent. (15). Elle reprend ses habitudes, sans le savoir, elle redevient qui elle était. Mais elle cache ce qu'elle sait, tout ce qu'elle a eu pour connaissance lors de son passage chez son kidnappeur. Hestia ne désire plus parler de tout cela, surtout pas aux policiers. Elle a peur qu'Il revienne pour l'emmener de nouveau loin de tout, loin de la vie. Et le seul qui arrive à lui faire oublier tout cela, c'est son professeur de self-defense. Un flic sous couverture. (16). Il y a une théorie, au centre de police, traitant du fait qu'Hestia ne serait pas toute blanche dans l'affaire. Ils se demandent si elle n'a pas eu un lavage de cerveau et surtout, ils veulent à tout prix des noms pour retrouver cette secte introuvable. Elle est un témoin clé, mais aussi peut-être une complice à leurs yeux.