Charles, le prénom qui t'a vu naître, grandir, dans le silence de ce que l'on attendait de toi. Le silence, pour seule véritable oraison.
Les apparences pour véritable litanie de ton existence.
T'étais le fils de ton père, le futur duc, et tu te devais d'être simplement un noble, de faire bonne figure, d'apprendre tous ces apparats crèvent gueules qui devaient motiver chacun de tes gestes.

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Un tremblement gravissait le long de sa peau, laissant ses poings se serrer sous la retenue de ces secondes. Il en avait rien à faire de ce monde trop parfait, de ces dorures que d'autres auraient désirées de tout leur myocarde frénétique. Charles, lui, ça la hantait, ça le bouffait. A petit feu. Comme une errance qui vous dévorerait les entrailles, terminerait par vous achever. Il fallait être parfait. Il fallait que son existence suive la ligne directrice décidée par un autre, et qui finirait fatalement par devenir la sienne. Foutaise. Fadaise. La joue rougie du coup qui venait de lui être porté, parce qu'il avait osé embrasser un garçon, parce qu'il lui tenait la main. Charles s'était figé, silencieux, tremblant d'une rage contenue, le regard ancré dans celui de son père, immobile, statique, froid, distant.

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BRIDGWATER. Un nom. Une vérité. Ils n'ont jamais vraiment fait parler d'eux. Ils ne figurent pas dans tous les tabloïds anglais. Mais ils existent. Ces nobles composés de seulement deux personnes dans la lignée principale. Pas de sœur. Pas de frère. La gamin fut le seul enfant du couple. Celui qui permit d'affirmer que le titre de noblesse ne s'enfuirait pas vers d'autres ères. Parfois, Charles le voudrait pourtant, ne pas être le rejeton prodigue du paternel. Parce que ces putains de responsabilités, il n'en veut pas, n'en a jamais vraiment voulu. Ils sont riches, simplement. Ils ont un titre, uniquement. Mais ça ne suffit pas, jamais. Il faut l'attitude qui va avec. Il faut les murmures, les sourires et les faux semblants. Peut-être bien que Chuck sera celui qui fera évoluer les choses, parce qu'il n'a jamais supporté les chaînes en or qui maculent si souvent ses poignets, parce qu'il n'a jamais désiré étouffer dans cette cage dorée, oscillant petit à petit vers cet avenir inévitable.

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Tes doigts agrippaient les vêtements sans même y réfléchir, sans réellement savoir lesquels tu fourrais dans ce sac. Une photo. Un passeport qui s'échoue dans la poche de ta veste. Tu ne réfléchissais pas. Tu décidais juste que ça suffisait, que tu n'attendrais pas de savoir qui ton père avait décidé de lier à toi pour l'éternité. Que la mort vous sépare. T'en avais la gerbe rien que d'y penser, à cette possibilité. T'étais pourtant revenu sur le droit chemin après ce baiser et cette gifle. T'avais accusé le coup, fermé ta gueule, assumé tout simplement d'être un Bridgwater, dissimulé tes dérives pour qu'elles ne te reviennent pas comme un boomerang. Parce que t'avais été élevé comme ça. Parce que la vie qui était la tienne, t'avais toujours eu l'impression qu'elle te rattraperait toujours. Mais à cette seconde, c'était comme une goutte de trop pour que l'eau de ta vie puisse enfin te noyer, irrémédiablement. Aussi captais-tu quelques affaires de plus, avant de zipper la fermeture éclaire et de quitter les murs du manoir, les terres du domaine. T'en aurais presque la larme à l'œil, le myocarde chagriné. Presque, parce qu'à cet instant, tu voulais juste respirer. Et le seul moyen d'y parvenir, c'était de parvenir à t'en aller, à fuir loin de cet avenir tout tracé dont tu ne voulais pas.

Quelques mots tracés de ton écriture élégante... J'ai besoin d'autre chose, père. Charles.
De vivre loin de cette vie trop étriquée, de goûter la saveur d'être comme tout le monde. T'avais pris une voiture, conduit jusqu'à l'aéroport, les doigts glissés dans tes cheveux sans savoir si tu prenais la bonne décision, appelé l'un de tes meilleurs potes pour lui souffler de t'y rejoindre. Clés glissées contre sa paume, adieu soufflé tandis que tu prenais le premier vol pour ailleurs, ton passeport en règle, heureusement. Les États-Unis. Et la promesse de donner des nouvelles, alors que tu en fuyais une autre. Le destin liée à cette fille, sans que rien d'officiel n'ait été soufflé dans la haute société. L'accord pourtant conclu comme une épée de Damocles suspendue au-dessus de ta tête.

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Destins croisés. T'étais parvenu à Liberty sans vraiment comprendre comment. Prenant une chambre d'hôtel tout d'abord. Tes pas s'égarant dans les rues méconnues, l'acquisition d'une guitare pour meilleure compagne. Et le hasard qui te plaça devant une annonce du bourbon & branch qui affirmait rechercher un pianiste. Tu n'as pas hésité pour te présenter, faire une démonstration, prouver que le talent brûlait tes doigts. Cette sensation d'être libre, enfin. Tout s'était précipité. Rien n'avait vraiment de sens au fond, mais tu vivais, simplement, profitant de la lumière du soleil sur ta peau, pour porter tout ce dont tu avais besoin, style plus libre, parfois égaré entre ce que tu étais au plus profond de toi, et ce que l'on t'avais appris à être. Et pourtant, la chevelure rasée en partie. Le style différent. La peau maculée d'un tatouage comme pour marquer ta nouvelle liberté.

Parce que tu l'étais enfin, libre.
Le goût d'un carpe diem au creux de ta langue.