Il aime quand elle tombe de sommeil, à côté de lui. Il aime étudier son visage. Ses traits paisibles qu’il pourrait peindre nuit et jour, jour et nuit. Il aime dessiner sa silhouette avec le bout de ses doigts, sa main assez prudente et délicate pour ne pas entrer en contact avec sa peau, parce que toucher son corps serait un blasphème, la réveiller serait un crime. Le prince charmant ne voulait qu’une seule chose, réveiller sa promise, mais lui, lui il pourrait vivre des siècles à ses côtés, l’observant, plongée dans un sommeil paisible, un sourire se dessinant timidement sur ses parfaites lèvres. Endormie, il sait qu’elle est sienne, et seulement sienne, parce qu’il sait qu’il peuple ses rêves, comme elle est maîtresse des siens. Il sait, ou il s’est convaincu, qu’il est le seul maître de ses songes. Il se trompe, peut-être. Mais il lui fait confiance, et il sourit, et enfin il ose entourer délicatement sa taille de son bras et se coller à elle pour la rejoindre dans ce monde où elle s’est perdue.


Sa mère a appelé un matin. Quelques mots, en norvégien. — Il est mort.
Il a raccroché, parce que plus rien n’allait. La voix froide de sa mère, dans cette langue sauvage qui ne laisse transparaître aucune émotion. Le « Il » provocateur, comme si son frère ne méritait pas qu’on prononce son prénom. Comme si sa mort était une délivrance. Elle en est une, probablement : son frère était un gouffre, son frère était une plaie, son frère était un poids. Mais c’était son fils, comme c’était son frère, et Willem était mort maintenant. Plus rien n’allait. Ses larmes soudaines. Ses éclats de rire qui se mélangeaient à ses sanglots. Le soulagement, la tristesse.
Willem l’avait toujours fasciné, ses yeux toujours fixés vers le ciel. — Qu’est-ce que tu regardes, hein ? Une question rhétorique. Aucune réponse. Willem n’avait jamais prononcé un mot, ses lèvres se contentant de laisser passer des gémissements de douleurs, de gêne, d’agacement. — Qu’est-ce que tu regardes, hein ? Il passait des heures à regarder le ciel avec Willem, sa main dans la sienne. Il était persuadé qu’ils avaient créé leur propre moyen de communiquer, et que tout commençait par ses doigts qui s’entremêlaient aux siens. Un contact à travers lequel il ressentait les émotions de son frère. Sa douleur. Sa colère. Sa résignation.
Il est mort. Vik sort de l’immeuble, et il lance un regard vers le ciel. — Qu’est-ce que tu regardais, putain ?