Le bruit ardent, le souffle chaud, le vent dans les cheveux. C'est l'expérience que tu vivais. La belle rousse sur la moto de son père. Assise là dans l'espoir de pouvoir un jour être celle qui conduit et non celle qui se trouve derrière. Seulement âgé de dix ans, ton rêve est déjà celui d'être sur une moto, là où tu risques ta vie, bien plus que dans une voiture. Toi, éleva, à l'âge de dix ans qui se fait mordre par un chien parce que tu'as voulu l'approché. T'as voulu le caresser. Tu as compris, faire confiance à personne, aider personne. Tu t'es fait engueuler en revenant le bras ensanglanté. Le proprio du chien t'a menacé et tes parents, a eu envie de t'étrangler. Elea, la fille à problèmes. Cicatrice numéro un, elle ne disparaîtra jamais, les crocs resteront des taches blanches sur ta peau porcelaine. "Ne pas le mettre au soleil" que disait ta mère, ça sera pire, ça restera. Tu as écouté ce qu'on te disait. Tu suivais les ordres, mais c'est resté. Première image, première photo imprimée sur ton corps, te rappelant le même événement chaque jour. Celui de ce chien. Le chien que tu trouvais mignon, celui que t'avais envie d'avoir. T'as laissé tombé, t'as abandonné et tu t'es dis que tu pouvais faire confiance à personne. "Ne fais confiance qu'à toi même", ton père te le disait chaque soir.

Première moto, tu venais d'avoir seize ans, l'âge des conneries. L'âge où tu étais insupportable. L'âge où tu ne savais pas ce que ça voulait dire avoir des responsabilités. T'accélérer, la moto allait de plus en plus vite, t'avais cette sensation. Ce truc qui se passait en toi. Tu étais heureuse, t'aimais ça. Tu es devenue accro à cette sensation. tu voulais ressentir ça de nouveau. C'est comme ça que tout a commencé, c'est comme ça que la petite fille, la princesse qu'était Elea est devenue celle que tu es aujourd'hui. L'indomptable, l'insupportable, celle qui ne suit les ordres que de certains, que des plus importants. Un bruit, un vacarme et le silence. Ce silence si étrange, ce silence que tu entends pour la première fois de ta vie et tu comprends pourquoi. Ce n'est pas normal, il vient de t'arriver un truc. Tu es dans un faussé. Ta moto, tu es plus dessus. Ta moto, tu l'a vois pas, tu paniques. Tu comprends. Accident. Multiples blessures, multiples cicatrices. Tu as voulu éviter cette voiture, éviter celle qui allait te rentrer dedans. Pauvre femme, pauvre enfant. Tu voulais juste faire un tour. Les choses n'arrivent pas par hasard apparemment, c'est ce qu'on t'a toujours dit. Jambe cassée, fracture ouverte. Sang, douleur, cri. Tu as vu l'état de ta jambe, la douleur était insupportable. Il fallait que ça t'arrive à toi. Tu avais beau essayer de bouger, tout ce que t'arrivais à faire c'est hurler. Tu criais de douleur. Ton ange gardien, ton sauveur. Le beau blond. Tu t'attendais pas à ça. "J'peux me débrouiller." Têtu, solitaire, tu as toujours été comme ça. Mais il a bien vu que ce n'était pas le cas, il a bien vu que t'en étais incapable. Toi, la rousse qui prétextait ne jamais avoir besoin de personne, mais là. À ce moment précis, tu pouvais pas nier l'évidence.

Accroché au téléphone. T'attendais une réponse. Ton frère, Éliott. Frère jumeau, frère que tu aimais plus que tout. Celui qui voulait tout dire pour toi. Celui que tu ne voulais pas perdre. Celui pour qui tu aurais fait n'importe quoi. Boum. Malheur, le bruit du destin s'abattant sur toi. Tu regardes par la fenêtre. Rien, toujours absent. Toujours en vadrouille que tu te disais. Rien ne peut lui arriver, c'est impossible. Tu te répétais des paroles fausses, des paroles qui allaient rapidement être contredite. La panique te rattrape, comme toujours. Tu sors dehors, tu marches avec cette foutue attelée que tu devais garder après avoir porté ce plâtre. À bout de nerfs, en panique, effrayé. Tu marchais dans la rue, tu arpentais celles-ci. Puis t'a vue quelque chose. Le choc, l'événement qui détruit ton cœur. T'es brisée, cassée, détruite. Moto au sol, sang. Souvenir que tu croyais. Tu as vue la deuxième moto, une autre. Des bruits, la sirène, les pompiers. Impossible, c'est une coïncidence. Tu voulais pas y croire. Un cauchemar peut être, rien de réel. Ton frère, au sol. Il n'avait pas pris de casque. Tu avances titubante, en larmes. Ne voulant pas arriver à l'endroit précis ou ta vie aller se détruire quand tes yeux se poseront sur lui. Trop tard, t'aurais pas dû le laisser partir. T'aurais dû le surveiller mais lui, il t'a jamais privé de rien. Tu pouvais pas lui faire ça. Seulement aujourd'hui il te prive de la chose qui était la plus importante à tes yeux. La seule personne en qui tu avais confiance, la seule que tu aimais de tout ton cœur, la seule que tu t'étais autorisée à laisser rentrer dans ton cœur. "Eliott." Une larme, puis ton corps qui tombe au sol, ta jambe qui lors du choc sur le sol te donne une douleur atroce. Douleur physique qui ne veut rien dire. Tu souffres de l'intérieur. Ton cœur souffre, tu souffres. Souvenir que tu n'oublieras jamais. Ton frère, sur le sol, tu le tiens dans tes bras. Tu le serres contre toi. Plus aucun espoir. Mort. La mort l'a pris. Il t'a laissé seule. Tu es seule maintenant.

La vie, difficile, injuste et courte. Tu dois la vivre, tu dois traverser cette épreuve seule. Tu arpentes ce chemin de la vie. Tu as pris une décision, froide et méfiante tu es devenue. Tu ne veux plus souffrir, plus jamais. La douleur, les cicatrices, la guérison, tu as assez connu. Tu te méfie, de tout et surtout de chaque être humain sur cette terre. Tu es seule contre le monde, tu l'as compris.