Le centre ville, Tristan s'y rend pas souvent en dehors de l'épicerie parce que ça brasse trop de l'air dans le coin. Un rien est analysé par le regard des vieilles pies sans compter le nombre de mains tendues dans les rues sombres. Il déteste ça, Tristan, tellement qu'il en vient à ne plus supporter la foule. Depuis qu'il s'est fait tabasser, il a la sensation que le monde entier lui en veut, qu'il a certainement fait une connerie qui le condamne jusqu'à la fin des temps.  Pour une fois, le vagabond n'est pas là pour s'asseoir sur le  bord de la route et quémander quelques pièces. Non, il est encore une fois allé voir Ace pour prendre de ses nouvelles, discuter un petit peu, acheter un paquet de bonbons pour Angie et rentrer chez lui.
Fin chez lui.
Une tente, ça peut être un chez soi ?
Plus le temps passe et plus il en lasse, de cette vie là. Fin, pas tellement de sa vie mais de sa tente qui ne le protège de rien. Même Le Chat pourrait pas le défendre en cas d'attaque. C'est con, mais il en peut, lui, d'avoir peur. Peur de vivre, peur d'exister.

Le regard caché derrière une paire de lunettes de soleil, c'est là qu'il croise la silhouette d'Olga qui lui décroche un sourire. Tellement qu'il traverse la route d'une traite, sans spécialement regarder. Une voiture lui klaxonne et Tristan ronchonne avant de tapoter du bout des doigts l'épaule de la jeune femme qu'il n'a plus vu depuis quelques semaines déjà. Olga ! Qu'il balance, enjoué, alors qu'il enlève ses lunettes pour la voir sans filtre, l'admirer sans la moindre barrière. Elle est belle Olga, tellement belle qu'il aurait pu en tomber amoureux s'il avait une vie décente. Je pensais que t'avais déménagé ! Qu'il balance sur le tas pour justifier le fait qu'ils ne se soient pas vus depuis un moment alors que des deux, c'est lui qui avait disparu. Lui qui s'était fait la malle pour des bêtises qui n'en valent plus la peine aujourd'hui. T'es radieuse. Sa voix est tendre alors qu'il la prend contre lui pour la serrer dans ses bras. Il est pas très propre ni très beau mais ça lui tenait à coeur de la sentir un peu contre lui et redécouvrir son parfum.
Ce qui est bien avec Tristan c'est qu'il a toujours ce rire magnifique sur les lèvres qui prouve combien il peut être content de la voir.

Ça lui fait du bien de voir quelqu'un d'autre que ses voisins un peu mal foutus comme lui. Il est content de voir Olga, de pouvoir la serrer dans ses bras et s'assurer qu'elle va bien. Il s'est un peu inquiété, Tristan, c'est vrai mais ne l'avouera jamais vraiment à voix haute parce qu'il n'a pas l'habitude de dire ce qu'il a sur le cœur. Ses yeux s'illuminent lorsqu'il les pose sur son visage. Elle dégage quelque chose de rassurant la môme même s'il saurait pas dire quoi exactement. A choisir, le vagabond n'aurait pas voulu tomber sur quelqu'un d'autre. Il garde ses lunettes sur le bout de son nez par habitude, parce que le soleil lui fait toujours un mal de chien et qu'il lui déclenche parfois des maux de tête. Et des maux, Tristan évite d'en avoir au maximum parce qu'il sait qu'il n'aura jamais l'argent pour les faire soigner. Quand on vit dans une tente, on a pas le droit de tomber malade, on a pas le droit d'être faible ; c'est interdit par la loi de la survie. Et la survie, il commence à la connaître mieux que personne. La belle lui propose un café et son sourire s'étire un peu plus encore.

Non, bien sûr que non, j'suis pas occupé. Qu'il balance dans la hâte, déjà prêt à aller dans le bar du coin. Le vagabond entame la marche en sa direction alors qu'il se tourne vers elle. Alors, tu me racontes quoi de beau ? Tu vas bien ? Prendre de ses nouvelles, en premier lieu, il se doute bien qu'il a raté des tas de choses à ne plus l'avoir croisée depuis des semaines. Une fois en terrasse, le blond s'installe à une table posée à l'ombre. Son regard finit par se poser sur le serveur qui vient à leur rencontre alors qu'ils font leur commande. Il a pas l'habitude de prendre des cafés en terrasse comme ça. Il a même plus du tout fait ce genre de choses depuis une éternité alors il en profite pour une fois. Tristan a la sensation d'être en vacances, c'est étrange. Lorsqu'il était petit et qu'ils partaient au bord de la plage en famille, ils buvaient au moins une fois un coca cola en terrasse avec ses parents et sa sœur.
Aujourd'hui, c'est la même chose, avec Olga.