[memories]

(((Qui Sem le vent,
récolte la tempête)))

Sem le silence,
Sem la parole.

Il peut être tout
ou rien.

Être bon, être mauvais,
être intelligent, être ignare,
être homme, être enfant,

Sem a appris.

C'est un double-face,
la pièce de monnaie rouillée
qui pourtant offre toujours ses reflets.

Il s'entiche,
met dans sa poche ceux qu'il sait être des atouts,
se fait loup qui revêt la peau du mouton.

Un cran d'avance,
vitesse et puissance.

Sem impossible à décrire, à dérober, à deviner.
Sa vie c'est que le mystère, les histoires racontées
qui ont peut-être jamais existé.

Sem le faux croyant,
Sem celui qui ment.

Écrire. Tout immortaliser sur le papier,
n'importe lequel.
Mais écrire.
Récupérer le matériel dans les poubelles,
prendre ce qui ne lui appartient pas.
Marquer son nom dessus après.

Voleur de poussière.

Sem il sait inventer ses propres passions,
se dire ça y est
c'est ça que j'aime,
ça que je vais faire.

Alors que c'est pas vrai.

Il crée, il détruit, il déforme, il détonne.
On sait pas pourquoi il fait ça, Sem...
et des fois on sait même pas qu'il le fait.

   
La place vide en face d'Abram,
c'est à cause de Sem.

Personne sait pourquoi Sem il est intéressé par le type en combine bleue dégueulasse qui passe ses journées sous le capot des voitures.
Personne sait que Sem il écrit sur ce gars, et sur plein d'autres à la fois.
Que Sem il traîne là où il faut pas, emmène des souvenirs avec lui peut-être,
laisse sa patte grasse dans tout ce cambouis.

C'était au coin de la rue.
La rencontre la plus banale au monde,
la plus nulle peut-être.

Y en a un qui a cru au hasard, au coin de rue mal fait.
L'autre il savait déjà,

pour le coin de rue mal fait.

"ah, merde !"
Il avait une pile de bouquins dans les mains, Sem.
Tout a filé par terre,
s'est étalé comme du beurre sur le trottoir.
Alors le mécano a plié ses genoux pour ramasser, pour rassembler les outils du savoir. Il a vu les noms sur les couvertures: Huxley, Camus, Tolstoï, Kafka. Sur le coup ça a rien fait à Abram. Ça lui a juste dit qu'il y avait la culture dans la tête de l'autre.
Et l'autre il lui a dit qu'entre Huxley et Camus y avait ses notes perso, ses manuscrits. Que Liberty c'était une autre source d'inspiration qu'il créditera peut-être à la dernière page de son bouquin, en caractères minuscules, pour qu'on le fasse pas chier avec les droits d'auteur.


La rencontre se finit là.
Mais pas la suite.

Sem il avait déjà écrit une suite.
C'était là, dans ses papiers... entre Huxley et Camus...
Mais Abram l'a pas vu,
pourtant Sem l'avait prévenu.

Après ça,
Sem est revenu.
Le chambranle des portes du garage comme appui,
comme point de vue.
Il a cherché la combine bleue dégueulasse.

"alors c'est là que tu traînes?"

Sem les beaux mots.

"ouais."
"sous les capots."

Et ça enchaîne,
Sem qui imprime ses écrits dans l'huile de moteur,
dans la mémoire d'Abram et peut-être ailleurs.

Il y a une bonne entente, entre eux.
C'est simple, ça marche bien.
Mais y en a un qui veut le profit,
un qui va plus loin.

Y en a un qui cherche à faire tomber l'autre,
à l'emporter avec lui.