Sa main claque contre ma joue à une vitesse telle que j'ai pas le temps de la voir arriver. Je recule de deux pas, tremblant de rage ou de peine je sais plus,
je serre les dents et les poings et mes yeux ne quitte pas la monture de mes lunettes qui reposent sur le sol. Je sais que laisser couler les larmes que je retiens depuis trop longtemps ne fera qu'empirer la situation alors j'attends patiemment que mon père tourne les talons, sans un mot comme d'habitude. Il ne parle pas beaucoup mon père, en tous cas pas à moi. Je me laisse tomber sur le sol dès que je l'entends refermer la porte de son bureau en douceur, mes mains d'enfant tâtonnent sur le parquet avant de se poser sur mes lunettes. J'en agrippe une branche avec force et sens une larme rouler sur ma joue. Je sais que c'est inutile de les remettre tout de suite parce qu'une pensée a traversé mon esprit, une jolie brune au sourire ravageur qui sent la pêche et mets du rouge à lèvre orangé.
Ma mère. La personne que j'aime le plus au monde et que j'reverrais jamais. Des pas dans l'escalier, le frottement d'une manche contre des yeux humides, l'ajustation de la vue à la correction des lunettes, le réflexe de courir jusqu'au bureau et d'ouvrir le premier livre qui me tombe sous la main. Je tourne frénétiquement les pages et fais semblant de lire une fraction de seconde tandis que la porte s'ouvre à la volée et que j'entends son soupir. Je me retourne lentement pour découvrir ses couettes brunes et son chewing-gum qu'elle mâche avec beaucoup trop d'entrain. Cette fille, c'est ma voisine et je la déteste. Elle vient chez moi depuis toujours parce que nos pères sont amis et qu'ils croient qu'on l'est aussi. Elle jette son sac sur le plancher et s'étale de tout son long sur mon lit.
Je déteste quand elle fait ça. Je déteste la voir elle et son maudit chewing-gum,
je comprends pas pourquoi elle continue à venir, elle à qu'à s'inscrire au poney comme toutes les autres pimbêches de l'école ou j'en sais rien. Elle tourne la tête pour m'avoir dans sa ligne de vue et lâche deux mots. Tu pleurais. Je fronce les sourcils. C'était la fille de mon âge la plus énervante, de toute l'école et de la planète entière en fait. Je comprenais pas pourquoi la malchance me collait à la peau comme ça, pourquoi il avait fallut que ce soit elle qu'on me colle au basques et pas une jolie fille cool, gentille et respectueuse. Ce qui m'énerve le plus, c'est qu'elle arrive toujours à me déchiffrer, et je sens la rage au fond de mon coeur s'enflammer alors que je reste là, à la fixer pendant une bonne minute. Puis soudain je me lève, je l'empoigne tellement fort qu'elle crie. Je la pousse vers la porte, ramasse son sac et le lui jette dessus. Elle hurle de plus belle en me crachant dessus à quel point je suis taré, en me disant qu'ils ont raison les autres de pas me parler et que si elle avait le choix, elle ferait pareil. Reviens pas alors ! Je lâche de ma voix faible. Mais elle le prend au mot, elle revient jamais. Et finalement sans elle, le mur de solitude qui m'entoure ne laisse plus rien passer. Plus rien ni personne.