[story of my life]
papa était l’étoile filante.
un froissement de paupière, et il illuminait de ses trainées mordorées la voûte sombre. et il embellissait les songes, de sa lumière réchauffante.
il était le halo qui étreint un peu le coeur, redessine un peu les sourires gommés. parce qu’il était beau, papa. il avait cette mâchoire carrée, et cette bouche tordue. et ces yeux, un peu trop brumeux.
un froissement de paupières, et l’étoile avait disparu.
elle était retournée explorer la galaxie.
elle était partie effleurer d’autres planètes, éclairer d’autres regards.
et derrière elle, poussière brillante qui luisait dans le regard, sur les lèvres. pendant quelques instants, simplement.
puis elle s’effaçait, partait en fumée rejoindre le firmament des souvenirs douloureux.
« papa s’en va, mais il revient toujours, dani »
toujours, jusqu’à ce que l’étoile n’en trouve de plus belles. de plus brillantes, plus neuves. moins abîmées par les fissures de ses départs.
toujours, sauf un jour.
ce jour, où maman était devenue creuse.
où maman était devenue grise, la peau pâle et le teint jaune. cernes violacées qui embrassent les voids noirs de son regard.
deux petits trous, qui percent le visage en son centre. deux petits trous qui ne respiraient rien d’autre que le néant. les stigmates d’un ventricule que papa avait emporté avec lui, collier autour de son cou, comme un trophée.
tu seras toujours avec moi, comme ça. peut-être que c’est ce qu’il s’était dit, avec l’amour pendant à la nuque.
maman n’en avait plus besoin, de toutes façons.
non, elle avait la fumée et elle avait l’ambre qui fait rire drôlement fort. cette bouteille que dani n’avait pas le droit de toucher.
« ça, c’est uniquement pour ceux qui ne sentent plus, dani. »
mais elle sentait, elle.
peut-être même trop fort.
ce genre d’aiguilles qui glissent sous la peau, décorent la peau de craquelures, dévorent le coeur de larmes.
alors, avec les astres comme compagnie qui murmuraient au creux de ses oreilles ces refrains enchanteurs, elle était partie.
elle était partie, pendant une de ces nuits sans sommeil.
quand le silence est trop assourdissant, et que les pensées se font hurlements en écho dans le crâne.
elle était partie, évaporée dans la nuit, était partie enterrer les morceaux d’enfance qui s’accrochaient encore à ses semelles. juste à côté de ces rêves, et des sourires déchirés de papa.
puis elle avait marché, longtemps.
une éternité, peut-être.
à s’en user la semelle, à s’en saigner les pieds.
alors elle avait décidé de continuer, mais en ondulant sur des symphonies un peu trop belles pour la grossièreté de ses tympans.
« tu peux danser ici, faudra juste oublier les vêtements, c’est un problème? »
probablement que c’en était un, mais elle avait hoché la tête. lentement, avec les étoiles accrochées au fond du regard.
la nébuleuse des rêves qui s’offrait juste là, sous les éclairages tamisés d’un club miteux. à la croisée des mondes, entre une réalité décolorée, et les illusions fantasmagoriques qui se rallument.
renaissent des cendres qu’elle avait dispersées derrière elle.
elle danserait, c’est le plus important, non?
c’était ce mot, gribouillé, sur un morceau de papier,
enlacement de lettres tracées d’une poigne d’enfant.
la même main qui l’avait froissée, avant.
avant le déluge.
« si tu veux gagner plus, j’ai peut-être un solution »
une malédiction.
qui ronge la chair, corrode le sang. et les veines qui s’effilochent, alors que le venin se mélange au tumulte ocre.
imprimée sur les flancs, les stries du désir ignoble, les soupirs des esseulés, les paumes fiévreuses.
elle était devenue princesse des nuits,
succube glissée sous la peau.