You can exist without your soul, you know, as long as your brain and heart are still working. But you'll have no sense of self anymore, no memory, no... anything. There's no chance at all of recovery. You'll just — exist. As an empty shell.

Iggy referma son livre, ses paupières lourdes de sommeil, sur cette merveilleuse situation de Remus Lupin, l'un de ses personnages fétiches de la saga monumentale signée J.K Rowling. Il était d'abord tombé dans les films avant de se plonger dans les livres qui avaient changés sa perception de la vie, comme cette citation. Il était cette coquille vide depuis des années, habitée seulement par la passion du cinéma. En fait, cela avait commencé en quittant la Serbie, ce pays qu'il aimait tant et dans lequel il avait grandit. Iggy n'avait jamais compris pourquoi ils étaient partis, pourquoi en Amérique, ce pays que ses parents considéraient avec dédain. Lui, il aimait l'Amérique mais parfois, il se sentait en trop. Souvent, quand il ouvrait la bouche, par ailleurs. « kurva, ignatius, tu vas éteindre cette putain de lumière ? », s'écria son frère. Iggy soupira et s’exécuta, éteignant la lumière d'appoint qui éclairait la chambre que les enfants Markovitch se partageaient.

Iggy triffouillait sans vergogne et sans pudeur dans sa narine. Quelque chose le gênait. En face de lui, une jeune femme, très charismatique, a qui il faisait de l'oeil. Oui, en se curant le nez. Elle se leva. Visiblement, le charme serbe avait fait son effet. Quoi que. « espèce de sale porc ». Iggy cligna des yeux, hébété. Qu'avait-il fait de mal ? « bah ça me gênait... » répliqua-t-il, penaud.

Enième réunion de famille, énième discussion en serbe. Enième fois le même reproche, les mêmes critiques. Pourquoi tu t'habilles comme ça, Iggy ? Tu aurais pu te couper les cheveux, Iggy ? Quand est-ce que tu te décides à grandir, Iggy ? Et comme à chaque fois, Iggy s'énerve. Il quitte le salon pour se réfugier dans la bibliothèque et observer les DVD qui appartiennent à son père. Sa mère vient le rejoindre. « tu as vingt-six ans, iggy. à ton âge, tu étais déjà né et ton frère était en route, qu'attends-tu ? ». Iggy lève les yeux au ciel. Il est l'aîné et le seul qui n'est pas encore marié mais il se plaît ainsi, éternel célibataire. « maman, j'ai encore le temps », soupire le jeune homme. « es-tu ... tu sais, homosexuel ? ». Iggy éclate de rire. Oh ça non. Il a bien quelqu'un en vue mais c'est juste un handicapé de l'amour.

Il est comme ça, Iggy, un peu trop maladroit, un peu trop gauche, surtout trop immature. Il n'a eu qu'une ou deux aventures, suffisantes pour perdre sa virginité, pas assez pour tomber amoureux. Tomber amoureux, il ne sait pas ce que c'est et il préférait voler amoureux ou planer amoureux plutôt que de tomber car tomber, ça fait mal et on s'écorche genoux et mains, à la fin. Ecorcher son coeur, il n'y pense pas trop car comment le briser, derrière une armure d'os que constitue sa cage thoracique ? Ouais, il est comme ça, le Iggy, il débat intérieurement dans sa tête, il conteste, il revendique. Il fait chier.