la galerie est un spectacle dont la propriétaire ne se lasse pas: ouvert bien avant la fin de ses études, elle lui a donné sa réputation, son aspect, son succès. elle a fait du bâtiment un symbole de leur famille, un synonyme du pouvoir. et quelque part dans sa poitrine, cette conclusion fait naître un soupir, un semblant de contentement et de fierté. c'est ainsi que la voleuse l'intercepte, les doigts posés sur son épaule dans un semblant de familiarité. un cadeau t'attend derrière le rideau rouge, qu'elle susurre à son oreille, ton railleur et sourire mesquin. finie, l'amitié avec jeanne, depuis que la garce a brisé le coeur de damian. si seulement ça n'avait été qu'une fois, qu'elle pense amèrement. mais le palpitant du promis a pris tant de coups qu'il n'est jamais redevenu rouge: sa teinte bleutée rappelle sans cesse les hématomes qu'elle ne cesse d'y laisser. brisé, damian, par le tango qu'elle lui impose, par la lutte dans laquelle elle ne cesse de le traîner. et si damian pardonne, jeanne ne le fait pas. elle est haine et violence, elle est promesse de vengeance. tu trouveras la clé dans la poche de mon frère. et à ça, la voleuse n'ajoute qu'un sourire qui dévoile ses canines, une menace, un avertissement, avant de s'envoler dans la foule d'inconnus et d'artistes. et faith se souvient d'autrefois, où les mômes étaient comme les doigts de la main. il était facile de converser avec une force de la nature, car les deux étaient déjà tournées vers les sommets. d'une certaine façon, elle se complétait: là où faith s'était faite avalanche, froide et calculatrice, jeanne était devenue incendie, brûlante et meurtrière. elle se souvient des bons jours et des mauvais, du plaisir qu'elle avait à avoir quelqu'un dans sa vie, une amie à qui se confier, car adonis avait déjà quitté ce rôle depuis plusieurs décennies. puis jeanne a appris, parce que damian n'a pas pu lui cacher - même si l'ange a essayé, et pour ça faith ne peut que le haïr -. jeanne a hurlé. jeanne a supplié damian de la quitter. mon frère vaut mieux que ça, qu'elle ne cessait de prêcher. elle avait des airs de prophète enragé, comme si une mission divine lui avait été donnée. et faith n'avait pu qu'acquiescer, encore et encore. après tout, pourquoi pensez-vous qu'elle fait tout ça? elle ne le mérite pas. elle le hait. il n'est que... douceur et gentillesse et promesse de jours meilleurs. il est l'envers du décor. une opportunité de passer le voile et de laisser corruption et violence derrière elle. il est une chance. et pour ça, faith l'abhorre. faith abomine l'idée de l'aimer. alors elle fuit, alors elle triche. elle ment et elle blesse, parce que si elle ne peut pas le quitter, elle espère que lui le fera.

il est promesse quand elle est soupir; elle voudrait plus, plus, plus, elle le chantonne contre sa peau, se surprend à demander quand l’exigence est ignorée, la supplication au bord des lèvres. il a l'art de faire les choses comme il les souhaite, damian, l'art d'ignorer les ordres de la princesse, qu'importe le nombre de fois où elle réclame. ses doigts sur sa peau comme s'il manipulait une flûte: points de pression sur ses bras, ses mains, ses épaules, contourne sa poitrine parce que, et elle entend encore le murmure tout contre sa mâchoire, il faut prendre son temps. son souffle contre sa joue, alors que des sons inattendus quittent les lèvres entrouvertes de la fausse ingénue. le promis n'a rien de ce que les tabloïds attendaient: il n'est pas bad boy dont elle serait l'unique rédemption. il n'est pas prince charmant au compte en banque rempli. il est ce qu'on pourrait appeler a nobody, inconnu au bataillon et peu désireux de s'y présenter. il est douceur là où tant d'autres sont passion, sont morsures, sont hématomes et obsession. il est un au revoir amoureux qui remplace l'adieu insupportable qu'elle avait l'habitude de crachoter chaque soir. damian, ce n'était qu'une opportunité, parce qu'ils le sont tous: frère d'une artiste et voleuse réputée d'oeuvres d'art. frère d'une légende. damian, lui, n'était qu'un petit professeur des écoles que personne n'avait jamais pris le temps d'aborder. insignifiant, banal et accessoire.

et faith, faith aux ambitions débordantes et aux fourberies incessantes, faith s'est jetée à corps perdu dans un simulacre de romance avec le professeur, un rendez-vous puis deux puis trois jusqu'à ce qu'elle accède à sa maison, à sa chambre, à sa vie. ce qu'elle voulait, la môme, c'était le numéro de jeanne, un contact. rien de plus. mais le coup d'un soir s'est transformé en coup d'un weekend, parce que damian était doux et affable, une brise légère quand on avait habitué la môme au souffle aride du désert. elle s'est réveillée au petit matin prête à fuir pour toujours quand il est arrivé, petit déjeuner en main et sourire amusé sur ses lippes étirées, l'air de dire; pas cette fois, princesse. et c'est sans doute un excellent sommaire de leur relation. faith qui s'échappe, qui s'absente, qui ment et qui trompe. et damian, tout sourire, le pardon toujours présenté même si la garce n'a jamais rien fait pour le mériter. damian, sa seule rédemption, à qui elle ne cesse jamais vraiment de revenir, qu'importe combien de fois essaie-t-elle de courir.