les yeux de djibril sont fixés vers l'extérieur, détaillent les passants et les immeubles qui disparaissent, laissent place à d'autres, plus grands comme plus petits. et djibril, il reconnaît. il se rappelle de chaque petit détail du chemin jusqu'à la maison familiale, maison qu'il a évité comme la peste depuis sa sortie de l'hôpital. aujourd'hui, il a décidé qu'il était temps d'affronter ses parents, arifa, le monde entier. avouer, avouer tout - tout et notamment l'existence de cass. c'est une idée stupide, au delà du seuil de l'idiotie, mais ils sont sur la route, l'espace entre eux et les khedim se rétrécissant de plus en plus. ses doigts agrippent la cuisse de l'être aimé comme ils le font si souvent - pour le consoler, se réconforter, juste montrer qu'aucun des deux n'est seul. là, là, c'est pour ne pas se dégonfler, garder en tête que c'est maintenant ou jamais. il voudrait faire demi-tour, djibril, demander à cass de le ramener chez eux, ne plus jamais en sortir mais il n'a plus le droit de faire marche arrière. sa nouvelle vie, cass, rien de tout ça ne peut rester un secret.
en un rien de temps, ils y sont. ils y sont et djibril, il a mal au crâne, envie de dégobiller - peut-être aussi de simuler un malaise pour rentrer à l'appartement. – c'est ici, qu'il dit pour que cass se gare, s'arrête dans l'allée. il sent la panique qui monte, monte, monte. pourtant, ce n'est pas le moment de se décomposer. il le sait. ils le savent. son regard rencontre celui de son petit ami alors que ses dents attrapent sa lèvre inférieure. arifa est là. il constate d'une voix étranglée. constatation qui meuble, permet de combler le vide, le silence pensant. on y va. djibril ne laisse pas la chance à cass de répondre qu'il est déjà dehors, les pas le menant rapidement à la porte d'entrée. sans réfléchir, il sonne. il sonne deux fois avec cette envie, ce besoin de disparaître. et on lui ouvre. djibril ? sa mère est devant lui et lui, lui, il est incapable de répondre quoique ce soit, reste planté droit comme un piquet en face d'elle, les yeux dans les siens, dans un silence de plomb.