01. Principalement élevée par leur grand-mère, Mahala et sa petite-sœur peuvent se réjouir de n’avoir manqué de rien depuis leur enfance. Ou alors de très peu de choses (d’une mère et d’un père présents, par exemple). 02. Le père de Mahala purge une peine en prison. Par politesse, elle continue de lui rendre visite, de lui sourire et le laisse la prendre dans ses bras avant de partir. Elle ne dit rien, mais souvent, il lui semble que son père ne soit rien de plus qu'un inconnu. 03. Depuis qu’elle les a quittées, Mahala a rarement eu l’occasion de passer du temps avec sa mère. Les souvenirs qu’elle garde de l’époque où elles vivaient sous le même toit s’étiolent. Heureusement, il reste encore des photos. Cachées dans des boîtes. Rangées tout au fond des placards. 04. Longtemps, on a cru que Mahala était une gosse perturbée par sa situation familiale. Elle est juste plus discrète que les autres et ne ressent pas toujours le besoin d’aller vers des personnes qu’elle ne connait pas ou peu. 05. Mahala ne parle pas beaucoup et partage l'essentiel de ses messages et de ses idées à travers ses dessins, ses peintures et ses photographies. 06. Généralement, elle les abandonne dans une pochette rangée dans un tiroir et oublie constamment de signer ses œuvres sur les murs de la ville qui, de toute manière, finiront recouvertes d’une épaisse couche de peinture blanche par les agents d’entretien de la ville. 07. Peu de gens apprécient la représentation de chefs de tribus américaines, de vulves de toutes les tailles, de toutes les couleurs de peau, plus ou moins poilues et parfois saignantes ou de corps qui ne correspondent pas à ce qu’on a l’habitude de voir dans les médias. Ce n’est pas le cas de sa grand-mère qui affiche toujours les dessins qu’elle trouve sur le frigo et de sa petite sœur qui utilise du fil et des aiguilles pour les reproduire sur ses vêtements. 08. Tailler et peindre les ongles de ses client.e.s les plus coquet.te.s n’a jamais été un rêve de gosse. Mais les études sont longues et coûteuses et les économies des Harvey sont maigres. Si elle doit y passer sa vie, tant pis ; l’ambiance est agréable au salon de beauté. 09. Si elle passe beaucoup de temps à observer le monde et les personnes qui y vivent, elle déteste que l’inverse se produise. Elle n’attend pas qu’on la remarque, ni même qu’on s’intéresse à elle ; c’est comme ça qu’on passe régulièrement à côté de grandes amitiés et de belles histoires d’amour. 10. Avoir peu d’amis et ne pas savoir flirter ne l’empêche pas de fréquenter beaucoup d’endroits où les gens se rencontrent pour finir la soirée ensemble, refaire le monde ou échanger des numéros de téléphone pour se retrouver ailleurs, un autre soir. 11. A la nature, Mahala préfère les milieux urbains, la rue, là où les gens traînent, font passer le temps et créent. Elle apprécie le spectacle des pieds qui battent l’asphalte dans une parfaite synchronisation et en rythme, des adversaires qui opposent leurs proses les plus féroces acclamés par un auditoire qui les encourage à être toujours plus incisifs et des gosses qui improvisent une rapide partie de foot avec un gros caillou ou des boules de papier froissé. 12. Sa vie n’a rien de véritablement compliqué, ne lui donne aucune raison de se plaindre : « Je me réveille tous les matins, je bois à ma soif, je mange à ma faim. Ma grand-mère et ma sœur se portent bien, mes amis aussi. » se dit-elle. Pourtant, il lui semble parfois que son cœur est lourd, prêt à exploser en mille morceaux. Et que les questions qu’elle devrait poser, et les confidences qu’elle devrait s’autoriser à partager restent bloquées quelque part entre sa sale caboche et sa gorge.