[a lot on my mind]
Antoni c’est le dernier d’une famille de sept enfants. Trois frères, trois sœurs, une gentille maman et un papa qui avait un travail pas très légal. Son père il avait pas de compétences, il avait arrêté ses études pour aider sa femme à élever son premier enfant. Trois bouches à nourrir c’était rien, il avait rapidement dégoté un petit boulot qui payait assez bien, suffisamment bien pour ne jamais reprendre ses études. Son papa à Antoni, il l’a regretté, bon dieu qu’il l’a regretté. Après trois enfant il a compris qu’il ne pourrait jamais nourrir sa famille correctement s’il continuait à travailler de cette manière. Sauf que des compétences, il en avait toujours pas mais son papa à Antoni il était bon pour marchander, il s’est perdu dans des histoires de drogue. Toute la famille le savait, personne ne s’inquiétait, c’était un bon père et un homme bon malgré son métier. Trop bon, il se mettait à dos des personnes malveillantes qui voulaient revendre ce qu’il marchandait à des enfants, des adolescents. Il refusait, refusait, refusait, et son papa à Antoni il s’est fait flinguer. Ils sont venus chez eux un soir, trois hommes, trois armes, et les balles ont décimées sa famille entière. Antoni il venait d’avoir cinq ans et le cadeau de ses parents c’était d’arrêter de trop le materner et de lui offrir une liberté normale pour ses cinq ans, sous surveillance d’une autre maman. Ouais, ce soir-là Antoni il a eu le droit d’aller dormir chez un copain.

Antoni il se souvient d’être retourné chez lui le lendemain matin, tout seul, comme un grand. Ouais, il voulait montrer à papa et maman que c’était un grand. S’il préfère la campagne à la ville, Antoni, c’est parce qu’il est né là-bas. Pas de bruit, pas de voisins. Personne n’a su ce qu’il s’était passé ce soir-là avant qu’Antoni rentre dans sa maison. Il a vu ce qu’un enfant de son âge ne devrait jamais voir, que ce soit en vrai, à la télévision ou dans un jeu vidéo. Antoni il a compris que sa première vie s’était arrêtée en même temps que le souffle de son père, de sa mère, de ses frères et de ses sœurs. Antoni il a pleuré, il a cherché à comprendre et puis après c’est devenu flou et il s’est réveillé à New-York.

Antoni il avait dix ans et on disait de lui que c’était un rescapé, qu’il avait vu sa famille mourir sous les balles d’assaillants. On se croirait dans les films, c’est la remarque que lui faisait son meilleur ami dès qu’ils entendaient les dirigeants de ce foutu orphelinat parler de lui à des parents potentiels. C’était des mensonges et il le disait à chaque fois, Antoni il aurait pu être adopté mais Antoni il mentait car il voulait pas se séparer de Asher. Asher c’est le premier gosse qu’il a vu en arrivant à l’orphelinat, c’est le seul orphelin avec qui il jouait et c’est le seul qui est devenu son véritable ami. Antoni il a pas su s’ouvrir aux autres comme il le faisait avec Asher, il avait trouvé en ce seul gamin une famille entière et il l’aimait sincèrement. C’était son meilleur ami et c’est devenu son frère dix ans après.

Antoni, tu es un Sorabella. Ouais, c’est ce qu’on lui a dit mais il n’y a pas cru avant de dégager de New-York avec ses nouveaux parents et son frère. Son frère, ça lui a fait bizarre pendant deux ans de l’appeler comme ça et puis il s’est habitué et il a oublié qu’il en a déjà eu trois, pour lui Asher c’était sa seule et unique famille. Ils ont eu une enfance commune, une adolescence commune et puis une fois adultes ça a pas changé. Tout en commun, tout pour toujours. C’est ce qu’Antoni croyait et puis il a eu la mauvaise idée de défier son frère, une connerie qu’il ne se pardonnera jamais et qu’il ne pardonnera jamais au deuxième Sorabella.

Dix billets qu’t’as pas les couilles de choper son numéro et d’la choper elle ! Il le défiait du regard et puis dans sa voix ça s’entendait que c’était un jeu qu’il venait de créer entre eux. Ash il a pas hésité avant d’aller draguer cette nana sous ses yeux. Ses yeux, à elle, il a pu les croiser de nombreuses fois. J’suis amoureux, il se le disait. J’suis amoureux d’elle et j’veux pas qu’ils fassent ça, il se le répétait. Ash, mon p’tit Ash, on doit arrêter, on s’promet qu’on la laisse et qu’on passe à autre chose. Une fraternité ne peut être rompue pour une fille, Ash, on abandonne et on recommence avec une autre, Ash, on l’oublie, tu n’fais rien avec elle et je n’y touche pas. C’est un pacte, une promesse. Antoni il a été trahi par son frère, une trahison qu’il ne pourra jamais oublier car Antoni il est tombé amoureux pour la première fois de sa vie.

Antoni, c’est ce gars-là. Un mec qui ne sait pas pardonner, qui ne sait pas accepter, qui ne sait pas se défaire de quelque chose ou de quelqu’un avant d’en avoir fait sa possession. S’il souhaite la nouvelle console, il fera tout pour l’obtenir, s’il souhaite une femme dans le même lit que lui, il usera de tout son charme pour parvenir à ses fins. Antoni il vit tout à fond, d’un jour à un autre, il prévoit rien à l’avenir et puis il a peur de l’engagement alors il fait pas de projets. Antoni il aime pas rendre service, il pense qu’à lui-même et c’est mieux comme ça parce qu’il se dit que s’il ne le fait pas, personne ne le fera pour lui. Antoni il garde tout pour lui, ses joies, ses peines, ses colères. Seuls ses désirs charnels sont trahis par son visage lorsqu’il désire une femme. Une canine enfoncée dans sa lèvre, des yeux brûlants d’impatience. C’est la seule chose que son visage témoigne. Antoni il est maladroitement amusant, il fait jamais de blagues mais il a une capacité à comprendre les choses directement anormalement faible alors il fait rire en se trompant, en se posant des questions et en faisant la tête car on se moque de lui. Antoni, on dit souvent que c’est un gamin à cause de ça. Mais Antoni il est intelligent, il se donne un genre débile pour pouvoir se jouer des personnes et ne pas avoir à se confier. Des fois Antoni il se détache de cette image enfantine pour plaire, pour draguer, pour obtenir de nouveaux clients ou pour se faire des amis. Quand il faut vraiment être sérieux Antoni il sait le faire et il sait que c’est déjà bien.