[a lot on my mind]
[1] hansol il est comme les deux autres ; il galère en anglais. il connaît les basiques, mais y'a un accent bien lourd qui vient tout gâcher et rend la compréhension difficile. pas grave, lui ça l'fait doucement rire de voir les faces déconfites face à sa prouesse en langue.
[2] c'est pas qu'il est tombé de haut, c'est pas qu'il avait un piédestal. hansol il avait rien d'tout ça. hansol il est juste tombé. tombé comme ça. tombé genre paf. impossible de se relever depuis. alors il compense les idées noires, les idées salaces et fadasses. il absorbe la couleur là où il peut, même s'il se décolore en chienne de l'enfer qu'il est.
[3] parce que les cheveux c'est tout un putain d'art. les cheveux c'est sa révélation du nouveau monde, c'est sa préoccupation première - et juste après vient l'art de se mater dans le miroir. ses tiffes sont déglinguées, défoncées, mortes, mais c'est pas grave il continue. parce que le brun dégueulasse d'avant, il veut plus le voir. en général, hansol il sera une fausse blonde - et parfois fausse violette, fausse verte, fausse orange, etc.
[4] hansol sait pas garder un taff très longtemps. c'est son gros désespoir, sa plus grosse tare. il se serait plutôt vu favorite d'un parrain d'la mafia plutôt que de se salir les mains. pas l'choix sinon c'est bien trop la merde. donc il enchaîne les boulots nazes parce qu'en plus il sait pas faire grand-chose.
[5] pourtant c'était un môme discret, c'était un môme pas très causant, pas très affriolant ni très exubérant. c'est la fuite qu'a tout fait basculer, qu'a tout réveillé d'un coup en lui, pire qu'une épidémie en plein mois de décembre. un peu dans le délire de trouver ce moi intérieur, il est dans la team des lgbt excessifs weirdos.
[6] hansol c'est un mégalo totalement fake. il complexe, il aime pas son corps martelé de cicatrices et de restes infâmes, il se trouve pas beau. c'est pour ça qu'il se flingue l'apparence, qu'il s'enfonce dans le superficiel as hell.
[7] il cuisine pas trop mal, même plutôt bien. alors quand le groupe crève la dalle, c'est vers lui qu'on se tourne avec la sûreté de pas finir intoxiqué - parfois.
[8] il est changeant, il est lunaire, il est pas stable et il a la même expansion émotionnelle qu'un chewing-gum qu'on aurait mâché tout une aprem.

complot.
complot.
complot.
y paraît qu'il complote. y paraît qu'il en vient à joindre ses mains et à créer des plans pour aller contre les dirigeants. y paraît qu'il est une menace. y paraît. paraît. et faut qu'il parle. complot, complot, complot. ça dégouline le long de sa bouche en même temps que le fer rouge qui fait plic ploc et flac sur le sol froid. y'a l'autre qui le regarde, y'a l'autre qui en peut plus de chialer, de gueuler, qui se fait taire en se prenant une bonne claque sur la mâchoire. hansol il arrive plus à crier. il a plus de cordes vocales, il a plus rien d'un rebelle qui agrandit ses bras pour mieux protéger ses pairs. il a du mal à respirer. ça pique. ça brûle dans son dos, sur son torse, ça siffle. siffle. siffle.
-... partir. c'est tout ce qu'il arrive à marmonner. il a les lèvres sèches bonnes à se faire arracher, du papier peint rose complètement délavé aux couleurs de clopes trop souvent fumées. complot. complot. c'est ce qu'on lui reproche. complot. complot. et hansol il est assis, comme collé à la chaise. y regarde plus trop. c'est flou. y regarde plus trop. il écoute juste, il se prend un poing dans les côtes, ça lui arrache un couinement qui s'éclate contre ses dents.
y'a jun.
y'a encore jun.
y'a toujours jun. sacrifice ouais. prendre à sa place. c'était le deal, c'était le bon bail. c'était se certifier de sortir en héro gigantesque de tout ça. y se tait. encore un. un. un. puis. un jour jun il était plus là. ils l'ont laissé sortir, se tirer, il allait rien dire, il avait rien à avouer.
ce jour-là, hansol il a gerbé toute son âme. ça suintait, ça sentait l'infection propagée jusqu'à ses jambes. il a pensé à eux, il a pensé à lui, il a pensé à elle. il a recroisé son sourire au détour d'un délire. il a recroisé leurs oeillades au détour d'un rire malade. il a recroisé leurs mains tendues au détour d'une insulte perdue.
haneul. jun. haneul. jun.
haneul. jun. haneul. jun.
y'a un moment, hansol il s'est endormi. et sans doute qu'il a prié de s'étouffer dans ses poumons.

il a été relâché dix jours après.
l'était pas utile. il savait rien.
complot. coupable. et la peau qui se dilate encore, comme des milliers de serpents qui s'y plantent. comme le goût amer d'un citron fourré au fond de sa gorge. et ce jour-là hansol, il a plus jamais revu le soleil de la même manière.

puis ils se sont tirés, comme ça.
puis ils ont voulu prendre le large, comme ça.
puis ils ont faillit crever, comme ça aussi.
tout comme ça.
puis ils ont voyagé, comme ça.
puis ils ont chialé, beaucoup.
puis ils ont fait vegas, aussi.
puis ils ont pleuré la surconsommation, comme ça.
tout était fait, comme ça.

elle a les cheveux qui repoussent et elle a rien à envier à ces filles en mousse, ces filles qu'enfilent des louboutins pour faire chialer les mecs en chien. elle est belle haneul, une foutue dentelle fragile qui tient qu'à un fil. il est sur le balcon hansol, à tirer sur sa clope, à pas trop faire attention à liberty qui résume à peu près sa vie. il la zieute du coin de l'oeil, il sourit un peu pour pas paraître soucieux. haneul qui marche pas, qui danse, qui se calcule à la moindre secousse, qui taille ses hanches dans un marbre blanc. haneul qui reste là, parfois, à lire un bouquin, à écouter de la musique sans faire trop rien. haneul qui affirme sa présence. qui cale un rictus, parfois, qui laisse ses joues se roser, souvent. le reste de quelqu'un, de quelque chose, de la gamine laissée sur le rivage à moitié noyée par les vagues de ravage. pincement de lèvre inférieure, goût du tabac qui vient réveiller ses sensations bidons, ses épaules qui craquent, l'étirement félin qu'il grandit jusqu'au ciel bientôt couchant. il préfère le silence aux mots trop inutiles, aux mots trop futiles. il vient se joindre à elle sur le canapé, zieute pas trop attentivement sur ce qu'elle s'est attardée. il écrase le mégot dans le cendrier, vient caler sa tête sur son épaule, inspire son parfum de fruit ou de fleurs, de souvenirs ou de renouveau. il surligne à peine des iris les phrases qui s'écoulent. puis ça s'éteint, ça l'attrape, ça l'apaise, ça détend ses poumons pollués par l'air ambiant, ça relâche les nerfs dilatés par les anxiétés d'antan. elle sera pas là haneul, quand il se réveillera. trop occupée à bosser, trop occupée à taper dans le charme pour les sauver eux. elle sera pas là. il l'attendra - comme elle l'a fait avant lui. en comptant chaque battement livide qui tape contre sa cage thoracique trop vide.

p'tête bien qu'y'a des soirs où il tremble, hansol.
p'tête bien qu'y'a des soirs où il a envie de s'en foutre une dans la tempe, hansol.
p'tête bien qu'y'a des soirs où il voit qu'en gris, hansol.
p'tête bien qu'y'a des jours où il est plus capable de les voir, hansol.
p'tête bien qu'il s'dit qu'il devrait se barrer, hansol.
puis il la regarde.
puis il le regarde.
et y fait taire sa conscience camée.

fait tard. fait nuit. fait lune dehors et il a déjà trop abusé, il a déjà trop poussé. la bouteille de rhum elle est vidée, il joue avec en attendant le retour des compatriotes, il joue parce qu'il a rien de mieux à foutre et qu'il se plaît à faire des défis bidons. des défis cartons. il mord sa lèvre inférieure, il essaie de lancer des trucs dedans, trop gros pour passer dans le goulot. pousse un soupir, s'étale contre le canapé en baillant jusqu'à s'en craqueler la mâchoire. la porte elle grince, les clefs tanguent et aussi rapide qu'un clébard, il lève la tête pour découvrir qui le dérange dans sa mission. c'est jun avec sa tronche de déterré, c'est jun gribouillé au marqueur, tellement qu'on voit plus assez ses traits. et ça lui plaît pas à hansol. il se lève, il menace de se casser la gueule, il bute un peu dans la table, gère son coup en faisant une pirouette. il se ramasse sur l'autre, enroule ses bras autour de son cou, le serre.
- juniiiiii, love meeeeee. en gloussant. parce qu'on pourra pas lui reprocher de pas être joyeux quand il a dans le nez quinze verres ou deux. paupières closes, il niche sa tête sur son épaule, percute la chaleur, se repose. jun il essaie de la faire grand garçon, de l'envoyer bouler dans l'espace ou dans les roses. il y arrive pas, il capitule. et en plus il dit rien. faut dire que jun, il est doué pour le roi du silence, tellement sa haine elle est immense qu'il peut pas mettre de phrases dessus.
inspiration profonde.
hansol il regarde ses phalanges défaites, ses phalanges rouges, ses phalanges couleurs tagada intensifies. il avale difficilement sa salive, il connaît le scénario - genre énervé, il a défoncé avec brio. héééé... un temps. les prunelles vitreuses. wah c'est moche. t'as fait quoi encore ? il essaie d'être droit, il laisse passer ses doigts osseux sur ses joues creusées, il voudrait s'y fondre.
- j'me suis un peu énervé, c'est tout.
bingo. grand gagnant d'un combat monumental, phénoménal, il en doute pas. ses lèvres se collent sur son front, c'est long, c'est lent. c'est pas le baiser du vainqueur. c'est juste pour faire taire la rancoeur.