ce soir, c’est encore la même rengaine. maman elle regarde electra à table, et elle parle pas. electra elle est mal à l’aise, electra elle aime pas ce silence tout lourd. maman a l’air d’aimer ça, mais electra elle vit que pour le bruit, que pour les trucs loufoques, que pour vivre vraiment et pas être un fantôme. electra, ce qui l’effraie le plus, c’est de devenir comme maman… mais elle lui dira jamais, parce que le palpitant de maman il s’écraserait entre ses doigts, découpé par ses paroles. alors elle mange doucement mais elle a pas faim, pas vraiment. elle préférerait des bonbons.
elle repousse un peu l’assiette, baragouine un :
« j’ai plus faim. »
maman relève le nez d’son assiette, la fixe un instant ou deux sans rien dire. et puis elle hoche la tête. elle a l’air surprise, et ça la vexe un peu electra. elle a envie de lui dire « arrête de faire ça, t’es comme tous les autres à t’dire que j’suis grosse parce que je mange tout le temps ». mais elle dit rien. elle dit rien parce que maman a le droit d’être méchante avec electra, qu’electra n’a pas le droit de faire la même chose. electra elle serait rien sans maman il paraît… et maman, elle est méchante que dans ses silences qui veulent tout dire. quand elle parle, maman, c’est que la douceur et la gentillesse (et sans doute beaucoup d’hypocrisie).
« je peux remonter alors ? »
elle demande tout doucement. maman elle dit jamais non, mais maman elle la regarde toujours d’la même façon… l’air de dire « oui, monter, pas t’en aller ». electra, elle est persuadée que maman sait qu’electra s’en va des fois. qu’electra elle a un drap noué pleins de fois quelque part planqué dans un tiroir et qu’elle le ressort souvent parce que vivre le jour c’est pas assez. chercher les extraterrestres derrière l’astre solaire, ça fait mal aux yeux.
« oui. »
pause. maman ne recommence pas à manger alors electra ne bouge pas. y’a pas le signal qui dit « bouge ton cul de là ».
« tu resteras toujours avec moi, hein, abigail ? »
elle demande. abigail, c’est le vrai prénom d’electra. y’a que maman qui le connaît, que maman qui l’utilise. electra, elle l’aime pas son prénom. et elle aime pas la question non plus. ça lui déchire les lèvres quand elle répond.
« oui, c’est promis. »
rengaine sempiternelle. alors maman recommence à picorer ses petits pois. et electra remonte dans sa chambre, verrouille la porte à clé, s’en va. electra, elle fera ça toute sa vie s’il le faut…
et là, elle a besoin d’aller voir shiro.
shiro la douceur, shiro le meilleur ami un peu, shiro l’ex amoureux… ils sont pas faits pour être amoureux l’un de l’autre, même s’ils partagent beaucoup d’choses, qu’ils ont pleins de points communs. electra, elle y a jamais vraiment cru quand shiro il disait l’aimer. electra, elle était pas prête. en attendant, elle a besoin d’aller se défouler sur tekken ou n’importe quoi d’autre. elle a besoin de se gaver de bonbons jusqu’à faire une overdose de sucre. alors elle a son p’tit baluchon et elle marche rapidement jusqu’à south lake district.
et elle sonne à la porte, rentre directement sans plus attendre. elle pense que shiro il aime pas quand electra elle fait ça mais electra… bah elle le fait. elle se permet. parce qu’elle a toujours envié les gens qui font ça dans les films, parce que shiro c’est un vrai ami et que les vrais amis ils font ça.
« j’ai des chupachups, des cerises gélatineuses, des oursons haribo… »
elle énumère en rentrant dans le salon. electra, elle fait comme chez elle, parce qu’elle sait que si shiro il a pas verrouillé la porte d’entrée c’est qu’elle a le droit de s’imposer.
parce qu’electra, elle réfléchit pas à ça. et elle continue d’énumérer la liste longue des types de bonbons qu’elle a enfourné dans son baluchon avec avidité.
« et puis je veux te mettre ta pâté. »
à n’importe quel jeu, ça veut dire. même si shiro il se débrouille bien – parfois mieux qu’electra – elle est plutôt douée aussi selon les situations. avec un peu de chance… a force d’appuyer sur tous les boutons.

il a pas les yeux en face des trous shiro. il a du mal à bien capter les formes quand il papillonne des cils, à pouvoir se dessiner une galaxie toute entière d'étoiles factices. il a mal dormi. il a pas rêvé et il a pas arrêté de gigoter. il est un peu dans un état second, entre la mort cérébrale et le suicide immédiat. il est pas vraiment là. et il est affalé sur son pieu, son chat rétamé sur son torse à ronronner d'un plaisir égoïste. soupir, une main légère vient passer dans sa tignasse pour la remettre un peu en place. ça se forme sous ses yeux, des petites marques violacées qui s'inscrivent comme une traînée de poudre prête à exploser. faudrait qu'il prenne quelque chose, qu'il se la joue apprenti-chimiste qui tape dans les somnifères, qui se fait son cocktail pour s'envoyer en l'air sans avoir besoin de se mettre à poil. celui qui se met en danger, pour une dose d'idéaux bafoués.
soupir.
soupir.
soupir.
dormir.
dormir très fort. dormir beaucoup. il baille à s'en décrocher la mâchoire et les dents avec. il nage dans son tee-shirt trop grand signé fleetwood mac et il peine à lever son cul du matelas quand il entend que ça frappe, que ça sonne - ou que ça fait les deux. il cale ses lunettes sur son pif, histoire de pas avoir l'air trop déchiré, la pensée dans le blizzard qui se fait dégommer à coup de bonbecs. même pas le temps d'en placer une qu'elle déboule dans sa vie façon droite bien placée après un shot trop vite encaissé. haussement de sourcils, oiseau de nuit qui déballe son explosion de couleurs acidulées. y jette un coup d'oeil rapide à la fenêtre, shiro. il se fait tard, déjà. il se fait tard et il a passé sa sainte journée à comater, à lire, à traiter du vide interne, l'espace entre ses deux doigts. il s'étire, fait craquer ses os avant de claquer la porte.
- si tu ramènes un butin pareil j'peux pas dire non. oeillade complice - entre ce qu'ils furent et ce qu'ils sont, entre ses manières de jolie poupée et ses airs de garçon manqué. kss sheitan, c'est un coup à m'rendre diabétique. haussement épaules vain, il attrape son baluchon sans prévenir et pour regarder de plus près ce que le sucre veut bien lui dire. parce que shiro il s'est déjà dit une fois que lire l'avenir dans des haribos ça pourrait peut-être bien payer - plus que dans les tasses de thé. il se laisse tomber mollement sur le canapé, l'invite à rejoindre le ring de boxe qui prendra place d'ici quelques minutes, il ouvre déjà un paquet, chope un ourson dont il arrache la tête très rapidement.
- fais-toi plaiz', tu sais déjà c'qu'y'a, j'te laisse l'avantage de connaître un peu le terrain. gloussement de gorge qui fait vibrer sa peau opaline, il cherche son chat sans poil un instant - il s'est tiré pour aller se frotter deux secondes aux jambes d'electra, avant d'aller se perdre dans une armoire ouverte. c'est quoi l'bail electra ? t'en pouvais tellement plus de t'faire rétamer que cette passion dévorante t'a poussé à venir, encore une fois, toquer à ma porte ? cherche, tape dans le mille pour esquisser quelques traits heureux sur ce visage souvent trop triste. elle ressemble à pierrot parfois, sans la larme noire qui s'inscrit sur sa joue gonflée par une sucette mangue passion et sans doute que shiro, il a pas le courage de trop l'emmerder. avec qui va, qui va pas, pourquoi, comment. il se tait, à préférer laisser parler les pixels ou la réalité augmentée - une baston vaut toujours mieux qu'une grosse discussion.

shiro, c’est la pureté, l’amitié. shiro, c’est la gentillesse, l’irremplaçable. elle l’a aimé un peu electra elle pense, mais elle est persuadée qu’il l’aimait pas vraiment lui. que shiro, il était avec elle que pour aider sa confiance à revenir, que pour remplir un peu le palpitant d’electra avec de la poussière de rêves. alors c’était compliqué. alors ça a été éphémère, court, intense. et electra, c’est p’têtre grâce à shiro (notamment) qu’elle va mieux. qu’elle apprécie ses rondeurs, les tolère, en rit un peu. grâce à shiro, elle regarde son ventre un p’tit peu rebondi (mais pas comme une femme enceinte, ça non !) et elle tapote un peu dessus. elle compte le nombre de vagues qu’il fait avant de redevenir plat et lisse à sa manière. shiro, elle l’a aimé… et p’têtre bien qu’elle l’aime encore. oui, c’est même sûr ! mais différemment. electra sans shiro dans sa vie ça marcherait pas. ce serait comme un kinder surprise sans surprise… bon mais un peu fade.
- si tu ramènes un butin pareil j'peux pas dire non.
elle a l’sourire qui chatouille le lobe de ses oreilles.
kss sheitan, c'est un coup à m'rendre diabétique.
elle s’arrête net, electra. le mot diabolique, le mot qui viole ses oreilles, le mot qui lui donne la nausée. diabétique.
« parle pas de malheur ! diabétique… »
elle mime un malaise et elle s’laisse tomber à côté de shiro sur le canapé. elle a l’cœur qui loupe un battement quand il ouvre un paquet de bonbons. elle a déjà l’impression de sentir l’odeur sucrée venir embraser ses narines, et y’a son ventre qui s’exprime un peu. elle a pas vraiment faim electra mais les bonbons, ça remue toujours quelque chose dans son estomac. et elle voit que shiro il attaque la tête en premier alors elle lance un :
« meurtrier. »
avec un regard qui tue, un regard noir, un regard froid. et puis elle s’empresse de sourire, de rire. son éclat de rire à electra il résonne toujours fort, toujours trop fort même peut-être… mais c’est pas grave elle dit, parce que ça prouve qu’elle est heureuse. et être heureuse, c’est le but de la vie non ?
« c’est pas très gentil de commencer par la tête. » elle réfléchit un instant, fixe shiro. « en même temps, y’a pas de bonne solution pour ces oursons gélatineux. la mort… ou la mort. »
elle soupire. c’est presque triste. alors paradoxalement, elle a envie d’rire encore plus fort.
- fais-toi plaiz', tu sais déjà c'qu'y'a, j'te laisse l'avantage de connaître un peu le terrain.
electra lui adresse la moue la plus boudeuse qu’elle ait en stock. et elle lui adresse un p’tit regard en biais, lui embrasse la joue en laissant une trace rosée d’son rouge à lèvres discret.
« tu devrais pas, tu sais que je vais te battre du coup… » elle hausse les épaules, s’empresse d’ajouter : « mais c’est trop tard maintenant ! »
et elle décolle du canapé après avoir posé quelques secondes sa main sur la cuisse de shiro pour s’aider à se lever. elle fonce jusqu’aux jeux, choisit un jeu de combat. electra elle préfère les jeux de coopération parce que c’est plus cool, ils gagnent tous les deux ou ils perdent tous les deux… mais ce soir, elle a envie de lui mettre la pâté. ou de rager après avoir perdu 3-0.
c'est quoi l'bail electra ? t'en pouvais tellement plus de t'faire rétamer que cette passion dévorante t'a poussé à venir, encore une fois, toquer à ma porte ?
elle le regarde, la mine haute, le regard un peu hautain. faussement, parce qu’electra elle est jamais capable de tenir… elle a trop peur que shiro le prenne mal, même si shiro prend rarement quelque chose mal. electra, elle sait pas c’que serait sa vie sans shiro. plus triste, moins intéressante.
« c’est exactement ça. »
elle argue en souriant.
« a moins que j’aie eu particulièrement envie de défouler mes nerfs sur toi et de te faire pleurer parce que tu te seras fait battre par une fille, je sais pas. »
elle lui adresse un clin d’œil, revient sur le canapé après avoir lancé soul calibur. elle regarde les personnages, met pas très longtemps pour choisir : ezio auitore da firenze. electra, elle a toujours bien aimé assassin’s creed et puis à chaque fois qu’elle joue avec shiro, elle prend ce personnage-là. c’est à peu près le seul qu’elle connaisse et avec lequel elle parvienne à jouer sans appuyer un peu au hasard sur toutes les touches. parce qu’electra elle adore les jeux vidéos et elle s’débrouille pas mal, sauf pour les jeux de baston. mais avec shiro, c’est souvent ceux-là qu’elle choisit… comme ça, elle peut lui faire un bisou s’il perd.
« qu’est-ce qu’il est moche ton chat… »
elle soupire en voyant le félidé dénué de poils passer.
« en plus on dirait tout le temps qu’il fait la gueule. ça te déprime pas ? »
elle fixe toujours l’animal. au final, le chat, il ressemble un peu à maman. triste, un peu en colère (tu m’étonnes, pas avoir de poils c’est la loose !), indépendant… ah non, maman elle est pas indépendante. maman, elle compte que sur electra… et electra elle en a marre de devoir être là tout le temps juste parce que papa il est parti y’a quelques années par ennui.

electra c'est un mystère avec un grand m. c'est un mystère du genre qu'il vaut mieux pas découvrir ce qui se cache derrière. c'est un mystère curieux qui laisse quelques questions ici ou là. mais c'est surtout un mystère qui traite d'une immense palette de couleurs. shiro il cherche pas à en savoir plus, peut-être parce que ça vaudrait pas le coup, peut-être parce que tout ce qui tourne autour du groupe reste entre eux. que l'ailleurs c'est l'ailleurs et que ça doit pas rentrer dans leur microcosme d'enfants gâtés et désabusés. même si des fois ça lui brûle la langue, même s'il voudrait connaître un peu mieux ce qui se cache derrière ses joues rondes. il ose pas, ça se fait pas. et de toute manière electra elle a été comme un doucereux poison. assez brutal et pourtant terriblement lent. faut dire que lui, lui il l'avait aimé autrement que comme un pote, il la dévisageait d'une manière qui se faisait pas et il lui disait. il lui disait à s'en vider les poumons qu'elle était jolie, qu'elle avait rien à chercher chez les squelettes. mais electra elle voulait pas le croire, electra elle restait convaincue qu'elle était qu'une forme infâme, impie et inexistante. il la trouve encore belle, à bien la regarder sous des coutures, de gauche à droite, de haut en bas. elle a juste grandit, et entre ses dents c'est une sucette qui craquèle au lieu de mots difficiles. c'est pas plus mal, c'est même mieux. il sourit vaguement, il reste affalé sur le canapé en baillant un peu plus, fronce les sourcils en la voyant choisir un bon vieux assassin's creed. de quoi se marrer à force de la voir tomber et louper ses missions, de quoi sauter dans le temps et oublier leurs modernes névroses.
- m'ouais bof c'est pas avec ezio qu'on va s'fighter. cela dit compter les points sur le nombre de fois où tu t'loupes, c'est pas mal aussi. l'est pas assez concentré pour balancer un kamehameha de qualité. alors ça l'arrange sans doute shiro. il roule des yeux, fixe le plafond un instant, laisse le son se lancer et trébucher contre les quatre murs. elle est belle la musique, ça pourrait presque l'endormir s'il était pas si préoccupé par pas grand-chose. il pensait à quoi déjà cette nuit ? l'avenir sans doute, le maintenant aussi, l'avant carrément. y'a tokyo qui fait kaléidoscope dans son crâne, ses lumières frétillantes, son écriture dansante. hééé laisse alien tranquille, il a rien fait l'pauvre. le coup de foudre ça se prévoit pas. mais elle s'est pas plantée sur toute la ligne, electra.
- c'pas faux. m'enfin après il est du genre vieux pépère qui aime pas s'faire emmerder, pas loin d'la diva qui vient que quand elle veut se faire caresser dans l'sens du poil. gloussement de gorge, il chope un coussin et le serre contre son torse. ouais... 'fin là il a pas d'poils le pauvre, du coup c'est tendu. on dirait quoi dans ces cas-là ? caresser dans l'sens de la peau ? avec electra c'est un peu comme avec sasha, mais pas trop en même temps. il dépasse pas les bornes, il fait quand même attention à comment ça s'enchaîne, il se laisse pas trop aller pour pas ressembler à un mec sous amphets complètement sur saturne - et mars en même temps. il reprend une poignée d'ours qu'il se cale en bouche sans attendre.
- puis bon j't'avouerais que fille ou pas, me prendre une race par toi ça ferait dans tous les cas carrément mal. pas jusqu'aux pleurs, plutôt la... y cherche le terme exact, pensée profonde et intense cinq secondes. ah ! plutôt la convulsion tu vois ? le choc corporel tellement gigantesque que tout part en lattes. il se met à détailler sa tignasse, ses longs cheveux chocolats qui tendent à la gourmandise, à la tendresse d'une tablette croquante sous les chicots. bêtement. puis l'écran attrape son attention lorsqu'elle se taule d'un mur, perte de vie considérable à se prendre pour ce qu'ils sont pas.
- t'es pas suuuuper bien partie si tu veux mon avis.