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Sam 15 Avr - 11:21
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Les jours s'assemblaient et se ressemblaient étrangement. Il n'y avait pas de soubresauts dans la petite vie que menait Matt. Il se réveillait à huit heures du matin six jours sur sept, prenait son petit-déjeuner tranquillement, se préparait et se rendait au cimetière ou au liberty center. Au cimetière, c'était plus reposant qu'à la clinique. Il y tondait la pelouse, prenait soin que des racines ou des mousses ne cachent pas les inscriptions des tombes. Il aurait aimé voir la nature reprendre ses droits, mais parfois elle cachait le message que les vivants voulaient garder du défunt, et Matt était là pour respecter leur volonté.
Il travaillait dur le petit. Du moins, il essayait. Le boulot, c'était un peu tout ce qu'il lui restait de dignité auprès de sa famille. Ses potes, eux, n'en avaient rien à foutre qu'il reste à la maison toute la journée, qu'il passe sa vie à entortiller le bout de ses cheveux autour d'un doigt. Matt n'avait pas eu le choix et ce choix l'avait conduit à avoir un peu honte de lui. Délaissé financièrement par ses parents depuis maintenant deux ans, il rampait par terre pour pouvoir s'en sortir. C'est difficile de gagner sa vie aux États-Unis. Il s'en rendait compte à présent qu'il ne pouvait compter que sur lui-même.
Cependant, il arrivait à Matt de se reposer, de prendre un jour de congé par semaine. Parce qu'il allait dépérir à ce point-là et qu'il n'avait pas trouvé un autre job aussi. La plupart du temps, il passait cette journée sainte dans son lit et chez lui, à jouer aux jeux vidéos et regarder des films, des séries. C'était le jour où il se promettait de ne faire aucun effort. Et pourtant, son colocataire lui avait dit d'aller prendre l'air de temps en temps. Ca te ferait du bien. Tu as la mine toute déconfite, qu'il lui avait dit. Alors, Matt avait commencé à sortir. Au cinéma d'abord, puis dans les rues de Liberty. Et aujourd'hui, il se promenait dans les rues du centre-ville, ses yeux sautant de vitrines en vitrines. Il avait besoin de nouveaux vêtements, mais ses prunelles se cessaient de grandir à la vue des prix que les magasins affichaient. Matt était endetté jusqu'au cou, il ne pouvait pas s'accorder ce genre de choses, tout comme les machiatto du café d'à côté. Il espérait seulement que la vente de friperie n'allait pas être annulée, tout comme la fête du printemps l'avait été. Cette connerie de meurtre allait le mettre dans la merde, si ça continuait.
Matt marcha quelques mètres de plus, se détachant d'une vitrine, l'air songeur. Ses yeux contemplaient le vide, bien trop occupé par les pensées qui déferlaient dans son esprit. Puis, un vélo le frôla et il sursauta d'un coup. Putain. Le mec lui avait foutu la frousse, il en tremblait un peu même. Matt se mit dans la tête que sa petite promenade était finie. Trop choses ici le bousculaient. Il allait rebrousser chemin lorsqu'il remarqua une belle jeune femme. Elle était habillée de façon à ce que tous les yeux des passants la remarque, fille et mec confondus. Le petit coeur du blond fit un bond dans sa poitrine. Ses cheveux de jais et sa peau tannée lui rappelaient un beau souvenir. Et malgré les lunettes de soleil Chanel qu'elle portait sur son nez, Matt la reconnut immédiatement.
- Sin...
Il restait scotché sur place, la fixant béatement, à deux mètres d'elle. Il devait passer pour un drôle de mec, un pervers peut-être, mais il s'en foutait. Il avait revu la tête de sa sirène dans le journal de la ville. Il s'était imaginé la revoir, le soir, avant de fermer l'oeil. Et voilà qu'elle se tenait là, tout près de lui, juste en face. Il avait l'impression de voir un mirage, alors il s'approcha doucement.
- Sin?
Il lui posait la question, mais il était sûr et certain que c'était elle. Matt voulait juste savoir si ce n'était pas son esprit qui lui jouait des tours. Peut-être qu'il manquait un peu trop de sommeil.
Peut-être pas. Il espérait que ce soit le cas.
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Dim 16 Avr - 11:36
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les corps qui s’entrechoquent. poussière d’étoiles comme seule preuve d’une étreinte charnelle, passionnée.
collision de comètes. nouvelle voie lactée qui apparaît, nouvel univers à portée de mains. et une poignée de billets. et un regard dédaigneux lancé, maintenant que le corps a été colonisé, maintenant que le plaisir a été dévoré pour n’en laisser que des miettes qui disparaissent déjà.
sin sert les dents pour éviter que des mots-couteaux ne lacèrent sa victime, elle qui a donné tant pour le satisfaire. son corps comme un objet, son corps comme un outil de travail… le plaisir qu’elle n’a plus goûté depuis quelques années, ou presque jamais.
c’est pas agréable de s’unir à quelqu’un quand c’est une habitude, qu’on fait ça à longueur de journées… sin, elle est lassée. sin, elle a pas choisi, elle a été obligée…
y’a quelques bons souvenirs pourtant.
garçon à la chevelure longue, quelques dix-sept soleils (dix-huit ou dix-neuf maximum) regardés de plein fouet. la timidité qui colore ses joues. la timidité qui le rend un peu gauche. sin est touchée… il est bien loin des porcs auxquels elle a droit la plupart du temps. il ne la considère pas comme un bout de viande mais comme une femme expérimentée.
sin, elle voit bien qu’il est pas à l’aise.
c’est ses potes qui l’ont poussé à le faire, qu’il avoue. elle trouve ça chou. hors de question de le faire payer (elle l’expliquera à son mac, ou elle remboursera avec ses propres économies…) parce que pour une fois, elle en a envie.
de se donner.
que les étoiles flirtent,
que les étoiles s’aiment.
matt, qu’il s’appelle. c’est la seule information qu’elle aura de lui avant qu’il ne disparaisse, un sourire un peu énigmatique, un peu troublé sur les lèvres. sin, elle dit pas souvent son prénom (souvent un pseudo) mais à lui, elle lui dit.

et la vie continue.
et sin change.
et sin trouve une opportunité pour quitter ce milieu, cesser de se prostituer.
et sin qui, en cette belle journée, prend le soleil en faisant les boutiques. c’est une source d’inspiration, qu’elle ne cesse de scander. les maillots de bain ne vont pas tarder à fleurir dans les magasins, dentelles et volants à l’appui des bikinis, idées pour une future collection.
sin qui aime par-dessus tout dessiner de la lingerie, faire des dessins de mode avec des corps faméliques couchés sur le papier, quelques courbes pour faire apparaître le corps et enfin de la minutie pour déterminer les dessous à y greffer.
des lunettes de soleil Chanel hors de prix sur le bout du nez (merci la carte gold des hastings…), elle déshabille les mannequins en vitrine du regard.
et une voix qui retentit.
« sin ? »
péché. ça l’a toujours un peu amusé (rire jaune) parce que sin, c’est le péché qu’elle offre en ouvrant ses cuisses. adultère, elle a aidé à en commettre des tonnes… pas le choix. sin… maman a bien choisi. maman ne savait sans doute pas comment l’appeler, maman ne voulait sans doute pas la garder.
mais elle l’a fait. et sin, ça la suit. alors des fois, elle ment. elle dit qu’elle s’appelle sinae, c’est un prénom tsigane.
elle se retourne, fait face à la crinière blonde. immédiatement, y’a un sourire qui se crée sur ses lèvres gonflées, les lunettes qu’elle envoie sur le haut de son crâne.
« matt ! »
elle s’approche, lui embrasse la joue.
juchée sur des talons hauts, la brune est presque plus grande que lui. mais il a grandi… c’est normal, le temps a passé.
« je n’aurais jamais pensé te revoir… le hasard, c’est dingue. »
elle argue, un sourire qui lui dévore le visage. matt, c’est l’un de ses seuls bons souvenirs sous le joug du tortionnaire. l’innocence, la naïveté, la gentillesse, la délicatesse… elle avait jamais le droit à ça.
« tu veux te balader un peu ? »
elle propose. c’est drôle, de le retrouver après toutes ces années… pourtant, ils se connaissent pas. ils ont juste partagé une nuit... une nuit inoubliable.
« on n’avait pas vraiment eu le temps de faire connaissance la dernière fois… »
elle ajoute. si sin n’était pas si habituée à toutes ces horreurs, ces simagrées, si son innocence n’était pas tant entachée, ses joues auraient sans doute déjà pris une teinte rosée. et puis elle essaie de le tiquer un peu, de le taquiner, pour voir s’il est toujours aussi mignon qu’avant. elle pensait pas que quelqu’un encore pur puisse lui donner autant de plaisir. pourtant, c’est bien l’innocence et la peur de mal faire qui l’avait poussé à tout donner.
matt, c’est son chouchou, c’est le garçon à qui elle avait tendance à penser quand les larmes roulaient sur ses joues, fatiguée de se donner. elle gardait la tête hors de l’eau en s’disant que le monde était quand même un peu beau, qu’y’avait des gens comme matt qui existaient, douceur au bout des doigts. alors fallait continuer.
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