[a lot on my mind]
Elle inspire, expire, et transpire la haine, Vénus. Elle le sait, elle le sent ; ça pulse dans ses veines, ça ponctue ses gestes et ses mots. Un rien suffirait à agiter ce tourbillon de véhémence grondant au creux de son estomac, ce trop-plein d’émotions menaçant perpétuellement d’exploser. Elle le ressent dans ses entrailles, encré au plus profond de ses limbes, ce fiel malveillant, cette animosité inextinguible et tout ces sentiments néfastes pullulant parmi les toiles de sa cervelle ; Vénus s’en foutrait presque deux doigts au creux de la gorge pour se faire vomir ce qu’elle est. Pourtant, au lieu de la canaliser, au lieu de chercher à l’intérioriser, cette rage grandissante, cette hargne inexplicable, c’est devenu son carburant, la clé pour permettre au mécanisme de fonctionner. Si ses maigres jambes supporte sa misérable carcasse, si la force d’affronter une nouvelle journée lui vient chaque matinée, c’est uniquement grâce à cette colère impérissable la caractérisant.

Elle en veut au monde entier, Vénus. Que ce soit le plus innocent des enfants à la plus malhonnête des crapules. C’est pas logique, c’est dépourvue de raison, juste une envie toute particulière de piétiner les autres. Et elle s’y attèle soigneusement, peaufine ses stratagèmes avec attention, manigance dans l’ombre des murs. Sa risette insolente éternellement présente, Vénus observe, enregistre, évalue les possibilités, et finalement, détermine le meilleur moyen de vous terrasser. C’est une teigne, une enfant capricieuse consciente de son égoïsme et de l’arrogance qu’elle exhibe, mais qui n’envisagera rien pour altérer sa sale personnalité. C'est la cigarette qui vrille vos poumons, la mauvaise germe qui parasite votre cerveau, ce prédateur sustenté par vos propres démons. Elle se veut vice ou délice, venimeuse ou malicieuse, malveillante ou défaillante.

Vénus vous écrasera un par un, deux par deux, cinq par trois, et s’hissera au sommet en empilant corps et égos brisés.

Il y avait les billets glissés par dizaine dans sa culotte, le regard avide d'hommes trop gras, l'odeur de sexe saturant l'air.
Une paire de jambes glissant le long d'une barre métallique, un soutien-gorge jeté à la foule, et les yeux d'une gosse effarée observant sa mère faire son métier.
Elle n'a jamais eu le temps d'être innocente, au final. Elle avait déjà tout vu, trop tôt, trop de fois. Elle connaissait la sale réalité dans ce monde de faux-semblants, le regard d'une personne désespérée pour un peu d'argent, ces femmes baisées trop de fois dépouillées de leurs sentiments, et tout ce qui pullule dans les entrailles de notre planète.
Alors, en grandissant, son petit cerveau encré dans cette triste réalité, se remplit de rêves peu commun : elle voulait offrir à sa mère, la femme qui ouvrait ses jambes pour leur procurer de quoi subsister, le monde à ses pieds.
Un monde où elle serait reine, un monde où les hommes qui la baisait courberaient le genoux devant leur souveraine, un monde où toutes ces femmes qui la traitait de pute seraient ses chiennes.  
Plus l'idée agitait ses pensées, plus le désir se faisait sentir ; alors Vénus, du haut de ses dix pauvres années, s'attela à dominer le monde.


UC BBY