Le silence était habituel pour Hansel et pourtant, il restait toujours le même. Il inventait les sons, se remémorant les bruits dont il pouvait se souvenir. Il n'avait plus peur du silence. C'était reposantet au moins on pouvait dire qu'il était dans son monde. Son monde à lui, rempli de dalmatiens, de chats et Gretel, sa Gretel. Il voulait sortir prendre l'air, ici à Liberty même si Zacharias ne voulait pas qu'il reste seul à traîner dans les rues. Hansel ne comprenait pas pourquoi Zacharias jouait les pères maintenant. A Portland, ville beaucoup plus grande, Hansel pouvait faire ce qu'il voulait. Et ici, Zacharias voulait qu'à 22h tapante, il soit rentré à la maison.

Mais Hansel avait 14 ans désormais et il pensait bien faire ce qu'il voulait. Après tout son père n'était pas à la maison. Gretel était sortie et dormait dans son panier. Elle avait droit à son repos, elle avait gardé la maison et Hansel comme il le fallait. Il prit son skate et sortit dans la rue. Il slaloma sur les trottoirs, pour apprendre ses figures. Soan aussi était sorti et Hansel n'aimait pas rester seul à la maison. Il fit le tour du centre ville en skate et soudain, il s'arrêta. Il avait cru voir Soan à l'intérieur d'un bar. Il voulait le rejoindre et il voulait passer la soirée avec lui, pour être rassuré. Alors il commença à vouloir entrer, rejoindre Soan. Mais deux types à l'entrée s'approchèrent de lui. Sa bouille juvénile trahissait son jeune âge. Mais Hansel s'en fichait, il ne voulait pas boire. Il voulait juste Soan. Ils l'empêchèrent d'entrer et le jeta dehors. Hansel était furieux. Mais il n'insista pas. Le blondinet reprit son skate, et il alla sur le côté. Il allait guetter la sortie de Soan. Les deux gars avaient du lui parler mais Hansel n'avait rien entendu. Tant mieux pour lui.

Il sortit une cigarette du paquet que son père lui avait acheté. Soan détestait qu'il fume mais Hansel était accro à sa dose de nicotine. Encore la faute de Zacharias comme disait Soan. Le jeune garçon regardait la lune. Ils avaient au moins un point commun. Si elle voulait briller, la lune éclairait la ville. Si Hansel voulait être normal, il s'accrochait à la normalité. Parce qu'il n'était pas différent. Il était juste un adolescent de 14 ans, sourd.

Deux plateaux à la main, tu te diriges vers une table et tu y déposes deux cocktails en souriant faussement aux deux clients dont un te fait un clin d’œil. Tu soupires légèrement et tu te précipites vers la porte de l'arrière pour sortir de l'endroit étouffant où tu es coincée. C'est ta petite heure de pause. Une brise froide te met un coup dans la figure dès que tu quittes le bar. Tu es exténuée, tu viens de passer trois heures à servir des gens et le reste de la soirée reste encore très long.

Tu détestes ton boulot, passer des soirées entières à te faire claquer le derrière n'est pas trop ton kiff mais tu y es obligée. Ton loyer, le conservatoire, ta nourriture et les bouteilles de vodka que ton père t'oblige à acheter, comment ferais-tu pour payer tout cela sans aucun job ? Tu songes déjà à trouver un autre boulot mais pour l'instant, tu n'as pas le temps. Ce que tu souhaites le plus au monde faire plus tard c'est devenir une femme de foyer. Vivre dans un quartier raffiné avec un mari qui est un homme d'affaires, un avocat ou un architecte.

Avoir deux enfants. Une fille et un garçon de préférence et cuisiner pour eux ainsi que pour ton mari. Te réveiller tôt le matin pour t'occuper de ton ménage et de ton potager, puis sortir avec ta voisine faire les courses. L'avenir parfait, tu commences à ne plus y croire maintenant, mais tu croises toujours les doigts. Avant de mourir, ta mère te disait de toujours persévérer, de ne jamais laisser tomber tes rêves et de continuer d'y croire malgré tout. Tu commences à marcher noyée dans tes pensées jusqu'à ce qu'un garçon attire ton attention.

Il se fait jeter dehors par les deux agents de sécurité. Il a l'air jeune, très très jeune même. Tu décides de te cacher derrière un poteau, en suivant attentivement le jeune garçon des yeux. Puis tu décides de le rejoindre avant de t'esclaffer en voyant qu'il a une cigarette à la main. Tu n'arrives pas à te contrôler, tu te diriges en courant vers lui et tu lui jettes sa cigarette par terre en prenant bien soin de l'écraser avec ton talon. Tu refais face au jeune garçon le visage rouge de colère.

"T'es sérieux ? Tu as quel âge toi ? Douze ans ? Treize ?" lui cris-tu à la figure en serrant fortement tes poings. Tu restes quelques secondes silencieuse, puis en voyant qu'il ne te répond pas, ta colère monte à son plus haut degré. "Pourquoi tu ne me réponds pas ? Ne joue pas à ça avec moi gamin!" lui dis-tu avant de croiser tes bras, attendant bêtement une réponse de sa part."Ok, je comprends, je vais être plus calme et plus gentille. Pourquoi est-ce que tu fumes ces conneries ? Tu es encore jeune, tu as tout un avenir devant toi! Tu ne fais que gâcher ta vie avec... Ça!" lui dis-tu cette fois-ci d'un ton doux, en désignant la cigarette écrasée par terre.

La cigarette que fumait Hansel lui faisait du bien. Il avait l'habitude maintenant. Zacharias lui avait appris a fumer dès qu'il avait l'âge, c'est à dire treize ans. Et puis comme ça, il pouvait fumer devant lui sans se poser de questions. Tant que ça restait une cigarette, père et fils étaient d'accord.

Il n'était pas sûr que Soan l'ait vu et il l'attendait pour rien. Mais il préférait rester dehors avec son skate. Dans l'appartement, il y avait personne et la solitude le pesait. Il aurait bien voulu voir Bastian mais Bastian était occupé. Ce soir, il avait l'impression d'être un fantôme aux yeux des autres. Hansel soupira et pour se calmer, il se repassa la scène des Aristochats. Au moins l'image d'un chat le calma.

Soudain, alors qu'il attendait, une fille lui arracha la cigarette de la bouche et elle semblait dire des choses d'une manière énervée. Il voyait à son visage. Il avait du mal à lire sur ses lèvres, ça allait trop vite pour lui. Il était fatigué aussi. Puis elle se calma et ses lèvres bougèrent plus lentement. Il se concentra dessus et elle montra même la cigarette par terre. Hansel était apeuré. C'était une inconnue et Zacharias lui avait dit de ne pas parler aux inconnus. Le jeune garçon répondit alors:

"C'est mon père qui me l'a appris. Pour me calmer... "

Son coeur battait la chamade. S'il le pouvait, il reprendrait son skate, rentrerait chez lui, prendrait sa chienne et son sac à dos, et il repartirait à Portland. Il détestait cette ville. Il avait l'impression d'y avoir déjà été et ça lui faisait peur.