[story of my life]
1. scotland. il faisait peut être froid les trois quart de l'année. il y avait peut être des gens hautains au compte en banque plus rempli que le tien. il y avait peut être des endroits de cette ville qui ne regorgeaient pas forcément d'entrain. aberdeen street n'était peut être pas la banlieue à fréquenter, mais tu n'y avais mis les pieds qu'une seule fois, avec son amie. était-ce si grave? grave au point de partir du quartier? de la ville? du pays même? tu ne pouvais comprendre. tu n'avais que quatorze ans. tu ne pensais pas avoir enfreint les règles à ce point. il t'étais impensable que pour une simple heure dans un quartier un peu moins bien fréquentée que le tien, tu aurais causé la perte de ta nationalité. ton pays que tu chérissais tant. ton âme qu'on t'arrachait. ta croix blanche sur ton fond rouge. ton pansement sur ta plaie béante. et c'est ainsi que de ta place dans l'avion, première classe, tu voyais du ciel ton lac s'éloigner de toi. celui dans lequel tu avais passé tes étés d'enfant. adieu simple pays aux étés chauds et à l'hiver blanc. adieu le pays du whisky. bonjour les état-unis.
l'américaine.
sommes nous vraiment obligé de partir, maman? je suis désolée pour ce que j'ai fait.. tu venais se blottir dans les bras de ta tendre maman. la femme, assise paisiblement, regardant elle aussi au loin son doux pays, te caressa les cheveux.
oui, nous le devons. mais tu n'as rien à voir là dedans. soulagement ou questionnement supplémentaire? tu ne savais pas. tu étais perdue. tu étais exclue.
2. liberty high school, liberty. une rentrée. une nouvelle année. une nouvelle classe. une nouvelle bataille. tu étais lasse. lasse de cette ambiance que tu exécrais. lasse de ces gens aux culs serrés et aux talons trop affutés. lasse d'être la "petite anglaise" de ces gens. lasse d'être le sujet d'amusement lancinant et récurrent. n'avait-il donc rien d'autres à faire, ces amérloques? sales et puants qu'ils étaient? le mythe était donc vrai. ou du moins, pas pour tous. il y avait de cela trois exceptions. trois personnes que tu étais sur le point de rencontrer et qui changeraient à tout jamais ta vie ici bas. tu ne le savais pas, petite sinead, du haut de tes seize ans, quand tu bousculais cette demoiselle à la longue crinière brune et aux yeux ténébreux. tu ne savais pas que tu venais de rencontrer l'être qui te vaudrait des joies et des peines, de l'amour et de la haine, des rencontres et des disputes, des histoires et du ridicule. tu ne savais pas que tu venais de rentrer dans ce qui serait ta meilleure amie pendant des années, et ta plus grande tristesse pendant le reste de ta vie. camille luciani.
oh, excuses-moi.. on m'a poussé derrière et.. je ne voulais pas.." la brune avait l'air si gentille. camille était si gentille. ce sourire, doux et compréhensif, qu'on ne croise que quatre ou cinq fois dans une vie. qui vous redonne gout à la vie sans rien savoir de vous, sans rien connaitre de votre vie.
ne t'excuses pas, ce n'est pas grave. et puis, ce geste, ce sourire, cette aisance pour te prendre par le bras, te tirer hors de la cohorte d'enfants, te tirer vers l'extérieur de la meute. le chemin parallèle. les
outsiders que tu admirais tant.
comment t'appelles-tu? un geste de gentillesse, envers toi? c'en était trop. tu en eut le souffle coupé, les larmes aux yeux. jamais n'eut-on été aussi tendre avec toi depuis son arrivée sur ce territoire. toi, pauvre irlandaise déracinée.
je m'appelle sinead. sinead fraser. une haussement de sourcils, surement du à l’incongruité de cette appellation. tu levais les yeux au ciel, signe d'approbation. oui, tu n'avais pas un prénom normal.
enchantée, sinead. je suis camille. ccamille luciani." et puis, tout s'accélère. un jeune homme, blond aux yeux bleu. et puis un autre, brun aux yeux bleu aussi qui s'approchent et la saluent. tu étais là, au milieu de ses retrouvailles, sans trop savoir quoi faire. le social n'avait jamais été ton point fort, encore moins quand tu devais gérer la pression de la première bonne impression.
les gars, je vous présente sinead. sinead, voici charlelie et simeon." et tandis que ton regard et celui de charlelie ne se décollaient pas, camille s'approcha dudit blond et le prit par la taille. ce que le jeune homme lui rendit. tu compris.
charlelie est mon petit-ami. et tu tournais le regard vers le fameux simeon. il était beau à sa manière.
tu savais que tu l'aimerais. depuis le premier jour.
ta première année en temps que seconde à liberty, s'annonçait plutot bien.
3. les quatres fantastiques. toi et camille devinrent rapidement les inséparables. couple d'oisillons lumineux et antagonistes, de part vos physiques et vos caractères. l'une était blonde comme les blé, pâle comme la porcelaine et aux yeux bleu translucide; l'autre était brune sauvage, la peau hâlée en tout temps de l'année et le regard noir de jaie. un duo aussi opposé que complémentaire. vous expliquiez ceci par une aimantation des antipodes. l'une était calme et reposante, l'autre électrique et entrainante. si camille était plutot shopping day, tu préférais les jogging day. mais toute deux aviez quelque chose en commun: un amour inconditionnel pour la vie. vie que vous chérissiez, que vous appréciez, que vous ne pouviez égaler malgré tous les essais. c'est cette vie qui vous avait permis de passer sans embuche les déboires de l'existentialisme adolescent, de la crise de l'adulte naissant et les entraves du coeur s'éveillant. camille et charlelie ne s'étaient jamais quitté. le couple parfait. la simplicité dans sa plus belle expression. une évidence. pour toi et simeon, cela avait été plus complexe, plus lent, plus hésitant. mais au final, vous aviez fini par y arriver. le quatuor des joyeux mariés. avec quelques mois d'écart -camille et charlélie menant la danse, évidemment. premier arrivés premiers servis- voilà que vos deux couples avaient décider d'unir leurs vies, pour le meilleur et pour le pire. un sillon s'était légèrement creusé, laissant à chacun les délices de découvrir les joies de la vie maritale. mais vous ne vous oubliez pas. vivant à quelques rues seulement, vous vous retrouviez souvent pour manger ensemble, les week end, pour partager vos semaines. camille et charlelie vivaient dans le nord, toi et simeon dans l'est. vous ne pouviez pas vous plaindre. vos vies étaient parfaites. et puis, ce qui devait arriver arriva. l'annonce qu'on attend tous, passé les vingt six ans et l'épreuve du mariage passé avec succès: l'enfant. quelle joie immense que d'apprendre que la jolie brune était enceinte du beau blond. toi et siméon n'en revenaient pas. c'était une instant magique.
instant magique brisé par le retour à la vie. mortels que vous étiez, cela devait arrivé.
4. la fin tragique. un impact. il avait suffit d'un seul. un chauffard. un connard. une vie. deux vies. et demi. l'enfant était là, la mère était là, le meilleur amie était là, le connard aussi; tous trois acteurs de cette macabre mise en scène qui semblait bien réelle. et vous deux, charlelie et sinead, acteurs et spectateurs impuissants et désemparés de cette levée. tu vis la scène au ralenti. la voiture dévier de la route en face, simeon conduire prudemment mais regarder camille à ses cotés à ce moment-là, rigolant d'une blague. une peu trop heureux de vous annoncer la nouvelle, elle piaillait, rigolait; vous étiez là à vous congratuler d'être encore là, unis envers et contre tout malgré les années; vous avez entendu le crissement des pneus sur le bitumes. trop tard. la confrontation.
boum. la carcasse de ferraille.
boum. camille. siméon. des craquements, des cris; leurs cris. impuissants à part vocalement. et puis, l'étourdissement. la douleur. tu ouvris les yeux, indistinctement. tu n'aurais pas du. car ce que tu vis aller te traumatiser à jamais. les têtes de siméon et de camille, mouvant telles celles de pantins, inerte. la mort.
leurs morts. tu ne voulais pas le voir, pas le croire. celle qui jadis t'avait intégré à la vie américaine; celle qui jadis avait été l'être le plus cher qu'il puisse être pour toi; celle qui jadis fit tout pour toi. et ton mari. ton siméon, ton ami. celui qui t'avait chéri, celui qui t'avait admise, celui qui t'avait adoucit. ceux-ci même se retrouvaient ici, aujourd'hui, sous le joug d'un être infâme aux degrès d'alcoolémie trop élevé ils s'en étaient déjà allés. camille et siméon n'étaient plus. son enfant non plus. c'était il y a quatre mois.
quatre mois que la vie de ces deux amis encore en vie avait basculé.
aujourd'hui, les choses ont bien changé. charlelie n'est plus ce joyeux fanfaron qui s'amusait tant à vivre et à rire. aujourd'hui, il n'est plus que l'ombre de lui-même, saoul de onze heure du matin jusqu'à dix heures du soir pour se mettre sous herbe le reste de la nuit. et recommencer. cycle destructeur qu'il n'arrivait pas à enliser. tu tentais de joindre les deux bouts. entre ton âme perdue et colérique et un charlelie perdu, désemparé et colérique aussi. tu passais le plus clair de ton temps à t'inquiéter. ou était-il? que faisait-il? tu étais la seule à l'affronter. toi qui avait pourtant été la personne la plus proche de camille, celle qui l'aimait plus que tout, celle qui l'avait toujours supporté et admiré; te voilà réduite à celle qui semblait s'en fiche le plus des deux. et pourtant, dieu seul sait que tu y pensais. camille occupait tes pensées. constamment. perpétuellement. sans répit. tout comme ton mari. c'est pourquoi tu rendais visite à charlelie, souvent. trop souvent. tu allais dans leur chambre, dans leur dressing et caressait du bout des doigts le satiné des hauts de son ancien aimée. regardais les derniers achats qu'elle avait fait: cette robe de femme non menstruée, aux tissus ceintrés à la poitrine et ample sur le reste. tu le portais à ton coeur et t'empêchais de pleurer.
elle n'aurait pas voulu qu'on la pleure, mais plutot qu'on les vive. disait-il, cet ancien mari, lorsqu'il n'était pas ivre. et il avait raison. charlelie la connaissait tout autant qu'elle. et quand tu étais là, il faisait l'effort de se tenir. il faisait l'effort d'apprécier ses visites. jusqu'à ce jour.
tu sonnais à l'appartement du quartier nord. tu sonnais fort. une fois. deux fois. trop de fois. jusqu'à ce qu'il ouvre. charlelie te découvrit, toi, sa meilleure amie, valises en main.
que se passe-t-il sine? je n'en peux plus de vivre seule chez moi. et? et bien je m'installe avec toi. et tu entrais. tu emménageais. et ne songeais pas partir. car oui,
tu savais que tu ll'aimerais. depuis le premier jour. mais lequel des deux?