- W., bouge ton cul, j'ai besoin de toi au undress. Wrath ricana alors que son frère entendait une faible musique d'ambiance derrière lui et un autre rire, féminin, suivi d'un grognement. - Quelle strip-teaseuse de ce club t'a remballé cette fois ? Tu veux que je vienne finir le travail que t'as pas réussi à faire, Ace ? Ace entendit un autre son rauque au bout du fil et soupira. - Putain, W., concentre toi deux minutes et dis à cette femme de lâcher ta queue. Il faut que tu t'approches de cette fille dont on a parlé hier. Tu sais ce que t'as à faire, et tu ne la baises pas ou quoi que ce soit d'autre, je ne veux pas savoir ce qu'elle dira, ce qu'elle fera ou si elle est soudain emportée par une tornade qui vient s'empaler sur ta queue. Un silence. - Ce qu'on avait convenu, point. Ace raccrocha, totalement sur les nerfs, même s'il savait que son frère ferait son boulot. Être sur le terrain, c'était son truc. Il pris la nuque de la fille en l'abandonnant sur son lit et sorti de son luxueux appartement. Il devait y être avant vingt-deux heures. Il monta dans sa voiture de sport et s'engagea sur la route qui menait au club de strip-tease.

Wrath sait qu'il n'y a pas de caméras devant ce club bien trop bizarre où il n'est jamais entré. Il n'entrera pas cette fois non plus. Il n'a aucune idée pourquoi son frère veut voir cette fille morte : sûrement une balance, ou une journaliste, même s'ils évitaient d'éliminer ces derniers car ça faisait un putain de bordel ensuite. Mais que cette fille, à l'air si prude, rose bonbon, vienne dans un endroit aussi sordide la nuit, ça signifiait qu'elle n'était pas nette, et il n'en fallait pas plus à Hastings pour abattre un ennemi. Il s'avança près du porche, dans l'ombre d'un néon qui clignotait sans vraiment éclairer quoi que ce soit, et attendit qu'elle s'approche. W. était patient. Les prédateurs l'étaient toujours.
La dénommée Susie se pointa dix minutes plus tard, serrée dans un long manteau noir. Elle s'approcha de l'entrée où Wrath avait allumé une cigarette (sinon, ça faisait beaucoup trop suspect). Il lui susurra - Tu n'as pas besoin de ça, ma belle. T'es beaucoup trop jolie pour entrer là dedans. Il s'avança d'un pas et écrasa sa cigarette sous ses bottes à trois mille dollars : il la dominait de toute sa hauteur, les bras croisés sur le torse, ses avant-bras cousus de cicatrices très bruns contre le blanc immaculé de sa chemise. De lourds bracelets d'argent scintillaient à ses deux poignets. La lumière provenait de derrière lui, comme toujours.
Il voit que la fille semble hésiter, ne pas comprendre, et en même temps, son désir le frappe de plein fouet. Il pense toutes les mêmes, même un pied dans la tombe. Elle le regarde et émet un rire qui donne à Wrath l'envie de la tuer sur place. Elle a les pupilles dilatées, ses seins sont durs. Le désir est absurde, il frappe aux endroits les plus étranges, aux moments les plus étranges. Elle n'a sûrement même pas conscience d'être excitée. Les humains sont simple à lire, à comprendre ; leurs émotions sont imprimées en lettres rouges sur leur visage. Il n'a même pas à réfléchir pour les déchiffrer. Les yeux de W. brillent comme ceux d'un fauve dans l'ombre, attendant son heure.

Ils finissent par parler quelques minutes ; pas trop, pour ne pas se faire repérer. Cette fille à l'air tellement malléable et inconsciente qu'il ressentirait presque de la joie à l'éliminer (sauf qu'on ne pourrait pas qualifier cet homme de « joyeux », loin de là). A sa grande surprise, elle n'émet que peu de réticences à le suivre. Il ne prend pas sa voiture, préfère éviter de laisser des indices. Il lui dit qu'il connait un endroit calme, pas loin, romantique. Il a l'impression que le coeur de cette fille va sortir de sa poitrine. Si elle avait un peu de jugeote, elle verrait en quoi cet homme n'a rien de romantique, mais elle le suit. Le ciel est sombre, et dans les yeux de Wrath dansent des ombres qui ne reflètent en rien ce que la lune renvoie. Ses démons intérieurs sont juste sous la surface de sa peau, coulent dans ses veines, roulent dans ses muscles. La dénommée Susie fend la nuit à ses côtés. Lui la heurte de front, tel un gant de boxe avec des lames de rasoir aux jointures. Sur son passage à elle, le monde devient meilleur. Quant à lui, il laisse des empreintes de pas ensanglantées dans un cimetière plein de squelettes.

Après plus d'une demi-heure de marche, il voit qu'elle a des doutes, que son corps paraît moins brûlant, qu'elle va vouloir rentrer, peut-être même crier, et dieu sait que des adolescents se cachent dans les bois la nuit pour faire l'amour ou fumer des substances illicites. Elle a l'air de se rendre compte de son erreur, de sa naïveté, mais il est trop tard, et Wrath se dit tant pis, ça sera le lac, même s'il n'aime pas ça du tout, ça laisse bien trop de traces, mais peu importe, il a déjà du le faire une fois, avec cet homme tellement lourd qu'il était presque tombé avec lui au fond de la rivière. - Je crois qu'on devrait faire demi-tour, finit-elle par dire. A l'évidence, tu ne sais pas où tu vas. Après s'être éloignés du club pendant quarante-cinq minutes, ils étaient sur les berges du lac, sur un chemin entre les arbres. Wrath bougea si vite qu'elle ne le vit même pas. Il saisit sa gorge de sa main gantée et regarda les yeux apeurés de Susie. - A l'évidence, tu ne sais pas qui je suis. Il savait que Ace aimait qu'il interroge les suspects, même s'il savait déjà tout, mais cette fille l'exaspérait tellement avec ses mièvreries qu'il voulait en finir au plus vite. Il serra un peu plus fort, jusqu'à ce qu'elle dise les phrases tristement célèbres : - Je ferai tout ce que vous voulez. Qui êtes vous ? Pourquoi ? Hastings la regarda dans les yeux. Il soupira un instant pendant lequel elle essaya de planter son genou dans ses parties génitales. Il émis un son de gorge, rauque, comme un grondement, alors qu'il était surpris de sa réaction. L'instinct de survie peut faire ressortir le pire en chaque personne. - Sais-tu quelque chose sur les armes qui vont être vendues dans six jours dans cette ville par un certain Ace ? - Non, quoi, non, bien sur que non. - Très bien.
Wrath pris la crosse de son arme après avoir retourné cette fille contre l'arbre, non pas pour que lui ne la voie pas, mais pour qu'elle ne le voie pas. Il avait peut être un peu de sensibilité, au fond. Très au fond, en fait, voire pas du tout, finalement. Il lui assena un coup à la tête qu'il savait mortel. Il finit par la porter dans ses bras avant de la mettre dans une barque avec un rocher, préférant éviter de se mouiller (c'était toujours louche, des types habillés trempés en pleine nuit). Il mena la barque vers un endroit profond, exposé aux remous, dans l'ombre de la lune pour que personne ne se doute de sa présence. Il finit par détacher ses lacets en grognant, réussi à en faire le tour de la pierre (heureusement qu'il avait mis les bottes) et l'attacha autour de la taille de la fille pour finir par la plonger dans l'eau où elle sombra, entrainée par le rocher. W. savait que si elle y restait plusieurs jours, voire au mieux plusieurs semaines, toutes traces de ses erreurs, s'il en avait commises, seraient perdues à jamais.

Et Ace lui devait de nouvelles chaussures, car il devrait brûler celles-là une fois rentré, même s'il se doutait que l'on ne risquait pas de trouver ses lacets dans le lac, on n'était jamais trop prudent.