（（ ＢＥＴＴＥＲ ＷＩＴＨ ＳＯＵＮＤ ））

te souviens-tu de ses âmes frôlant ton visage ? te souviens-tu de ses cris venant d'ailleurs, réclamant de l'aide, ton aide ? te souviens-tu de ce sang qu'on faisait couler sur toi, étant gamin ? non. bien sûr que non. tu ne te souviens de rien. traumatisé par cette période, elle refait aujourd'hui surface sous forme de mauvais rêve. des fragments d'histoires se bousculent dans ta tête une fois ton corps lourd et endormi. cela t'effraie, te force à agir avec violence, parce que parfois, tu sens que quelque chose ne va pas. parfois, tu as l'impression d'être oppressé, observé, comme autre fois. la différence étant que autre fois, tu étais griffé, marqué dans ta totalité. par qui ? par quoi ? tu ne t'en souviens pas. tu ne connais pas la raison qui a poussé tes parents à te vendre et qui plus est, à cette famille si horrible lorsque tu y repenses. de ta naissance, jusqu'au début de ton adolescence, tu as souffert pour le plaisir des autres. ton parcours n'a rien d'habituel. pour certains, si tu devais parler de tout ça, tu serais bon à enfermer. pour d'autre, ça ne serait que le fruit de ton imagination, alors parfois, tu restes enfermé dans le silence. tu observes, simplement.

fuyant, tu cours vite, très vite. sous la neige tombante, tu suis le chemin ferroviaire non loin de cette bicoque familiale si lugubre et sanguinaire. les flocons caressant les joues rosies par le froid, une faible fumée s'échappe d'entre tes lippes. les bras croisés, les épaules relevées, tu tentes de combattre ce froid intense simplement vêtue de ce pull fait de laine ainsi que de ce jean, partiellement troué. la nuit tombe enfin et la tempête débute alors, dissimulant tes pas précédents, t'offrant ainsi une infime chance de prendre la fuite, une bonne fois pour toute. ta vision brouillée par cette neige abondante, tu cesses de marcher, te réfugier sur l'un des cotés de cette voie. t'asseyant au pied d'un arbre, tu resteras là, les jambes contre ton torse, grelottant sous la froideur de l'hiver russe. une heure, puis deux, puis cinq, puis huit... un train approche. légèrement endormi, tu te redresses et te dis que c'est là, ton ultime chance de t'en sortir, alors, pris d'un certain courage, tu tentes à deux reprises avant de réussir à te glisser dans ce fameux train, qui ne faisait que livrer quelques marchandises, où ? tu t'en fichais. t'avais juste besoin de quitter cette ville, ce pays.





（（ ＢＥＴＴＥＲ ＷＩＴＨ ＳＯＵＮＤ ））

vêtements abîmés, déchirés, tu ères dans les rues de liberty, volant pour te nourrir, manger à ta faim, mais tu étais loin du compte. l'estomac en voulant toujours plus, tu n'étais jamais rassasié, toujours là à piller, fouiller, parfois entrant pas effraction chez les gens pour vider ce qu'ils pouvaient avoir dans le frigo. est-ce une erreur ? non, seulement une question de survis. muet, tu te retrouves bien assez vite seul, mis à l'écart de cette société qui exige beaucoup. ton sommeil, la nuit tombant, n'est que partiel. le froid, le danger de la nuit dans ces rues mal famées, les bruits de pas non loin de ce coin que tu as aménagé au détour d'une ruelle. lorsque la nuit tombe, tu baignes dans l'obscurité, grelottant sous le froid de l'hiver, moins rude que le russe auquel tu as déjà gouté, mais difficilement supportable tout de même. parfois volé, parfois persécuté, battu, laissé pour mort, ton corps devient marqué par les blessures de l'homme, certainement aussi machiavélique que les âmes perdues d'autre fois, mais ça n'est rien. les plaies s’infectent parfois, puis d'autres fois, elles se contentent de se refermer, lentement, tombant dans l'oublie de cette vie pleine de chaos.

aujourd'hui, c'est toi. toi qui devient le fantôme de cette ville. tu es là où l'on ne peut te voir. partout et nulle part à la fois. un coup à gauche, puis à droite. visuellement absent et pourtant présent. à travers des chiffres, des mots, des scripts.. tout un charabia incompréhensible pour beaucoup, tu te balades dans cette ville, volant ce qui peut l'être, offrant à ceux qui on le plus besoin. tu trouveras familles, amis au détour de plusieurs de ces rues puis finalement, tu abandonneras ta solitude contre un peu de compagnie. cependant, les voix d'autre fois, elles sont toujours là, à t'attendre, t'appeler. alors parfois, tu frappes ton front, marmonnant de rage pour les éloigner de toi. puis lorsque ton salaire te le permet, tu finis par te payer ce qui a fait de toi un zombie, un être sans âme. une pilule, une seule. de quoi faire taire les voix trop présentes, trop envahissantes et bien plus dangereuses que des hommes. abel, l'enfant de la neige, perturbé, parfois pris pour un fou, mais au fond, qui dit que tout ça n'est pas réel ? qui dit qu'il n'est pas le gosse capable de communiquer avec ce que d'autres ne sont pas dans la possibilité de voir ? discret. il n'en dira rien, jusqu'à ce que cela devienne insupportable, mais nul ne sait combien de temps encore il pourra tenir ainsi.