juste le temps de respirer un moment, en dehors de la lourdeur oppressante du quotidien. jun n'avait jamais vraiment envie de sortir le jour, ni même la nuit. il avait plutôt l'habitude de rester enfermé quelque part, et en général, ça lui allait parfaitement bien. aujourd'hui aurait pu être différent, à partir du moment où il avait posé les pieds dehors. les écouteurs vissés dans les oreilles, ses pas se déclenchèrent seuls, par automatisme. chez shiro, il pouvait s'y rendre les yeux fermés, vu l'habitude qu'il avait prit de s'y rendre en journée. au départ, c'était juste une histoire d'entraide, jun s'était mis en tête d'apprendre l'anglais pour ne pas avoir l'air complètement ridicule en face d'haneul. il a rencontré shiro, c'était l'occasion de faire comme s'il était vraiment motivé à s'attarder sur une nouvelle grammaire. et puis, au final, jun voyait ça plus comme une distraction, quelqu'un chose qui lui permet de combler le vide. il aimait bien shiro, il pouvait passer plusieurs heures en sa compagnie sans se sentir lassé à un seul moment.
alors il s'y rendait, encore une fois, dans un nouveau prétexte de travail. les mains enfoncées dans les poches, et l'esprit perdu dans la mélodie qui tambourinait son crâne, jun ne prend même pas la peine de trier ses pensées. c'est toujours un peu comme une tornade, là-haut, dans sa tête. des fois, il y fait attention, mais c'est plus facile de faire comme si de rien n'était. et s'il se pousse à sortir, c'est aussi dans l'objectif de faire le vide, se concentrer sur d'autres choses, ne pas devenir une petite masse d'émotions noires. ses soupirs s'évaporent dans l'air, chassant une nouvelle poignée d'idées turbulentes.
et devant la porte de shiro, il frappe trois coups distincts, comme quelqu'un de poli. il passe sa main dans ses cheveux, ses doigts glissant entre les fines mèches éclaircie. il a peut-être bien fait de sortir, finalement. le visage de shiro se dessine dans l'ouverture de la porte - toujours un peu rayonnant. ça provoque un sourire sur celui de jun, il peut pas vraiment s'en empêcher. d'un geste sec, il arrache la musique de ses tympans. « yo sensei. » leurs poings qui s'entrechoquent amicalement. et jun qui s'infiltre dans sa maison comme un parasite. « j'aimerais te dire que je suis pas venu juste pour les mochi et que je suis motivé à bosser. » lance t-il, avant de s'affaler dans un fauteuil. juste de la gourmandise et un peu trop de paresse, qu'il a emporté avec lui sur le trajet, sans pour autant aller jusqu'à l'exaspération. s'il fallait, il ferait une effort et se concentrerait. mais pour l'instant, l'odeur sucrée le taquinait sûrement trop fort.

[BETTER THINGS]
"icons by kawaiinekoj"

il a la dalle shiro. faut dire que ça fait un moment qu'il attendait ça et que ça menace de traîner dans son gosier pour finir dans son bide. il a la dalle et il sait que faire des mochis glacés, c'était pas le bon plan pour lui permettre de pas faiblir. surtout qu'y'a du sucre. et du thé. vert en plus. surtout qu'il est pas trop mauvais pour faire ça et qu'il doit se faire violence pour pas y succomber. il tourne en rond, il emmerde le chat, il vient le chercher pour le caresser puis pour jouer avec. la table basse, elle, elle est déjà prête, jonchée de bouquins. le reste tout autour c'est à peu près rangé, c'est pas si mal pour un bordélique chronique - parce qu'il a fait des efforts cette fois, parce qu'il a pas voulu que l'invité, que jun voit qu'il est incapable de bien tenir quelques pièces. il a le cul posé sur le canapé shiro, penché sur sa vieille gameboy avec un pokémon qui tourne pour songer à autre chose, il croque dans le bâtonnet de sucette blanc déjà consommé. lunettes sur le nez, tee-shirt bien trop grand sur le dos mettant bien en avant l'anime deadman wonderland, un pantalon qui épouse ses gambettes, la tignasse en bordel. il est pas prêt. il est pas prêt et il est certainement pas le meilleur pour accueillir comme il se doit. y'a pas de bougies, y'a pas un cd qui tourne pour mettre un peu d'ambiance ni de nappe pour faire bien, juste bien.
avec jun pas besoin.
c'est.
le galérien basique. c'est celui qui sait pas trop bien causer mais qui fait des efforts. c'était un peu lui y'a quelques années à bien y songer. et quand il entend que ça toque, que ça sonne, que ça la joue déclaration d'incrustation, il se redresse rapidement, glisse dans un coin la console - tant pis pour le fantominus. il sourit shiro, il sourit beaucoup parce que ça lui fait du bien, ça décoince les nerfs et ça permet de détendre les muscles - même s'il a toujours l'air con quand il le fait. check de bonne mesure, il entre, il cause, il ferme derrière lui et s'étire mollement avant de venir le rejoindre, reprend sa place d'honneur sur le canapé sans aucune classe. alien lui, il est affalé sur le sol.
- j'espère que t'es motivé à bosser. il claque un rire avant de croiser ses bras sur son torse, sa tête se penche d'un côté puis d'un autre. sensei, ouais. il a besoin de lui, et ça le change un peu shiro. ça le change parce que c'est toujours l'inverse, c'est lui qu'a besoin des autres, c'est pas forcément les autres qu'ont besoin de lui. c'est lui qui quémande, c'est lui qui tire sur la manche en chialant à moitié, c'est lui qui appelle en plein milieu de la nuit pour raconter un cauchemar terrifiant à son meilleur pote, c'est lui qui se prend des bides. c'est lui qui suit un peu cette tendance linéaire de la loose. sinon jeeee... un temps. yeux qui s'illuminent subitement. bouffe tout devant toi. l'enfant menace, l'enfant veut se croire capitaine de son propre navire et capable de jeter son mousse dans l'océan pour se faire grailler par les requins. il veut faire croire. pas sûr qu'il y arrive. il se penche, lui secoue un genou frénétiquement.
- alleeeeeeeez ! on se motive huh ! tu verras, tu s'ras tellement doué que t'auras genre des louanges dans un bouquin de linguistique. dans l'abus à peine dissimulé, il rayonne encore shiro, il rayonne parce qu'il est pas si mal et que c'est tout chaud à l'intérieur, ça le traverse, ça palpite, ça fait du bien. pas de prise de tête pour rien. fierté d'être le grand garçon, le sauveur dans l'aventure. enfin p'tête pas. mais ça coûte rien d'imaginer. j'imagine des tas d'trucs quand j'suis pas déter' genre que j'pourrais aller sur la lune. ou que j'finirais lauréat. ou. hm. haussement d'épaules, il serre encore le jean du bout des ongles, il sent ses joues un peu rosir. la gêne de la confession.
- tu vois quoi.

jun ne sait pas trop s'il va vraiment savoir parler anglais correctement un jour. ou s'il faudra se contenter des diverses affiches et slogans qu'il a apprit par coeur. parfois, il a peur d'oublier, il a peur de ne pas réussir à retenir les mots et d'étouffer l'accent ridicule qu'il se démène à construire. parce que y'a sûrement trop de choses en éruption dans sa tête, et des fois, les mochi prennent plus de place que les conjugaisons du prétérit. y'a le félin sur le sol, jun il doit se retenir de pas (déjà) perdre toute son attention pour le rejoindre. il relève les yeux vers shiro, shiro qui essaie de capter la concentration de jun avec de terribles menaces. jun hausse les sourcils, le coin des lèvres amusé. « alors là, je te laisserai même pas faire. » mais il se redresse un peu. d'accord, il se retiendra de se comporter comme un enfant trop distrait par l'environnement. shiro exagère un peu, mais c'est pas quelque chose de grave, ça fait rire jun, il s'imagine un avenir brillant le temps d'un sourire. comme si des choses prestigieuses lui étaient réservées. comme si il pouvait être doué en quelque chose. c'est toujours plus facile de croire des choses impossibles.
toujours un sourire gravé sur son visage détendu, jun écoute shiro très sérieusement. il mérite d'être dans l'espace. il mérité d'être propulsé dans les étoiles, shiro, il a le coeur trop pur pour être coincé sur terre. il mérite pleins de choses, des choses qui scintillent et qui donnent envie d'être heureux. « t'inquiète. j'suis à peu près sûr que tu finiras astronaute, ou un truc du genre. » et il y a même pas besoin d'être gêné. il y a des rêves qu'on ne peut même pas frôler du doigts, mais qui sont simplement plaisants à regarder de loin. jun n'est pas capable de garder les siens en visuel, alors s'il peut au moins mettre en avant celui de shiro, juste deux secondes. il tape soudainement sur ses cuisses, comme prit d'une motivation extrême. il s'y force un peu, mais ça ne le dérange même pas. « bon! on commence par quoi? » et puis, ça sera sûrement moins insupportable pour shiro, si jun y met du sien. il passe sa main dans ses cheveux mécaniquement, attentif.
quand il est chez shiro, ça va. il ne sent même pas une once de haine taquiner son dos. il n'y a rien. et c'est probablement le seul endroit où il se sent déserté de toute émotions susceptibles de l'enflammer.