[a lot on my mind]
un - Son véritable prénom c'est Liliana mais elle a toujours préféré se faire appeler Lili. Son prénom, c'est celui de sa grand-mère maternelle. C'est d'ailleurs cette femme qui l'a élevé.
deux - Lili, c'est pas la gamine qui a eu la vie facile. Lili, c'est celle élevée dans l'appartement de sa grand-mère entassée dans une pièce avec ses sœurs. Lili, c'est celle qui allait à l'école avec des troues dans ses chaussettes, Lili, elle avait des chaussures trop grandes. Lili, elle avait les vêtements de ses sœurs. Lili, elle n'a jamais rien eu pour elle.
trois - Elle n'a jamais connu son père et sa mère est loin d'être la personne la plus stable, elle a fini par clamser d'une overdose quand Lili avait quatre ans.
quatre - Lili, elle ne connait que Liberty, cette petite ville étouffante où on sait tout de tout le monde. Lili, elle aurait voulu voir le monde ailleurs que depuis son écran de télévision.
cinq - Ses sœurs se sont toutes barrées avec un mec plus ou moins glorieux. Lili a hérité de l'appartement de sa grand mère à son décès quand elle eu 21 ans.
six - Elle n'a jamais fait d'étude, très vite elle a dû gagner sa vie et les mauvaises fréquentations se sont accumulées et les mauvais choix aussi. Lili a enchaîné les jobs à la con avant de se rendre compte qu'elle gagnait plus en offrant sa compagnie à des hommes friqués qu'à essuyer les tables d'un resto.
sept - On ne lui a jamais appris que son corps lui appartenait. Victime d'abus et de violence par son ex, elle s'est retrouvée enceinte deux fois avant de se débarrer de la vermine.
huit - 2 petits gosses qui viennent ajouter une ligne noire à sa vie. 2 gosses qu'elle chérit et qui font qu'elle tient encore debout. L'aîné à 15 ans et le second en a 7.
neuf - Lili, les plus jolies robes qu'elle porte c'est celle qu'on lui loue pour une nuit. Ça lui va bien, ça lui donne la sensation de baigner dans le luxe pour quelques heures.
dix - Lili veut offrir une meilleure vie à ses enfants, elle veut les rendre heureux, leur montrer qu'il y a autre chose que Liberty dans la vie. Qu'ils valent mieux qu'elle, qu'ils ont le droit au bonheur, qu'ils ont le droit de s'imaginer président s'ils en ont envie.
onze - Lili, elle pleure tous les soirs, toutes les nuits quand elle est sur son canapé convertible et qu'elle rentre du taff. Elle pleure sa vie, les marques sur ses bras et parfois son visage. Les mêmes marques qu'elle effacera à coup de fond de teint le lendemain
douze - Sous ses airs de fille un peu naïve et peu cultiver, Lili adore l'art bien qu'elle n'y connaisse pas grand chose, les peintures la fascinent
treize - L'addiction dans le sang, le café, les drogues douces, parfois plus dures pour oublier, l'alcool pour se soigner. Cependant, elle fait toujours en sorte de rentrer en étant clean. C'est une tout autre femme avec ses enfants
quatorze - Lili, presque toute la ville est au courant de vie miséreuse, du désastre que forme la famille Gashi. Certains s'animent à rajouter du drame à sa vie. Bien souvent, elle relève par les coups. La main lest sur les inconnus qui la réduisent d'avantage. Lili, ce n'est pas la réputation de la fille fragile mais de la bagarreuse. Véritable teigne qui a fait couler plus d'un nez
quinze - Il faut toujours compter les sous, les dépendances, ce qui va venir le mois prochain, détester les imprévus. Mettre ses rendez-vous chez le médecin entre parenthèse

En vrac - fumeuse - cogneuse - accro au café - cœur en titane - maman poule - femme presque fatale - déteste son reflet - fidèle aux prêteurs sur gage - usée

On vous ment quand on vous dit que vous pouvez être ce que vous désirez être dans la vie. Lili l’a rapidement compris. La naissance joue beaucoup sur votre bonheur et vos chances de réussite. Pourtant, elle se souvient que c’est sa grand-mère qui lui répétait qu’elle pouvait être ce qu’elle voulait. Lili a un sourire timide quand elle y repense. Quand elle croise son reflet fatigué dans le miroir de son appartement, quand elle retire ces talons hauts qui lui bousillent les pieds, quand elle retire le maquillage qui a coulé avant de se glisser rapidement sous un mince filet d’eau chaude. Lili, son corps est fatigué, elle est fatiguée et elle est loin d’être ce qu’elle voulait être gamine. Assise sur le canapé qui lui serre également de lit, dans ce teeshirt mille fois trop grand ; c’est une autre femme qui compte les billets qu’elle a gagné cette nuit. Une autre femme qui à l’âme un peu plus noircit. Elle retient les larmes de couler parce qu’elle se sent misérable de se rabaisser à ça pour offrir une tentative de vie décente à ses deux enfants. Le pire c’est qu’elle leur répète le même mensonge qui sa grand-mère. « vous pouvez être ce que vous désirez être. » C’est peut-être l’espoir qui prime sur la vérité. Elle n’a pas envie de leur briser tout espoir de s’en sortir et peut-être, peut-être qu’ils pourront changer, s’offrir une meilleure vie. Peut-être que Lili ne s’est pas assez battue pour obtenir ce qu’elle voulait, pourtant, elle a l’impression de se battre. Chaque jour une nouvelle bataille, un nouveau combat, mais sûrement qu’elle les perd tous, quand elle y pense, le soir quand elle rentre, elle n’a jamais la sensation d’avoir gagné quoique ce soit.

Au réveil le matin, elle se dégoute, parce qu’elle ment, elle cache la vérité à ses enfants, elle se trouve mère immonde, infâme, quand elle sait que les rumeurs sur sa personne et son travail. Incapable de les protéger, de les préserver de la vérité. Lili, elle voudrait changer, être quelqu’un d’autre, quelqu’un de meilleur. Elle aurait dû, Lili, faire autre chose de sa vie, de son corps, de le respecter, de se respecter, de se dire qu’elle valait quelque chose quand personne ne lui disait. Elle aurait dû. Finalement, il n’y a que les remords qui résistent.