le coeur qui bat en harmonie avec la nuit.
la lune qui vient éblouir le monde d'une berceuse familière, que tu écoutes d'une oreille distraite. ça ne t'intéresse pas, les mélodies du soir. ce qui compte, ce sont les ampoules des lampadaires qui brûlent au loin, qui suivent silencieusement les mouvements de ta silhouette nocturne. les étoiles sont tes camarades et tu les portera fièrement jusqu'à ta destination.
ce soir, c'est toi le maître.
tu pourrais t'enfuir et essayer de devenir quelqu'un d'autre encore une fois, mais l'envie est loin d'être présente. tu ne te sens même pas capable de pouvoir être seul, il faut que tu t'en ailles chercher de la couleur chez quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'a pas l'âme rouillé et le corps plein de poussières. si tu passes du temps avec une autre personne, peut-être que ça sera moins difficile de vivre avec toi-même plus tard, peut-être que tu trouveras une façon de penser qui te donne pas envie d'éclater des visages. c'est avec des convictions bancales que tu t'engouffres dans le sombre, tu te laisses couler dans le crépuscule sans même te débattre une seule seconde. comme si rien pouvait t'blesser, comme si t'étais plus fort que les autres.
il y a une lumière plus belle que les autres. elle est d'une pureté étincelante, et vient se glisser contre les vitres de d'une cage. elle pourrait éclairer toute la ville, sûrement. mais pour l'instant, ce sont tes yeux qu'elle capture, sans merci. tu ne bronche pas, le regard hypnotisé. ton but, c'est de la libérer. libérer la lumière et lui faire connaître la nuit, mais, uniquement ce qu'on y trouve de beau. uniquement ce qu'il y a de délicieux dedans. delilah, doux éclat.
et puis, à la façon des adolescents d'avant, tu te saisis d'une pierre assez petite, pour la lancer contre sa fenêtre. vulgaire roméo, dénué de toute romance. tu aurais pu crier ou t'inviter dans la bâtisse, mais une partie de toi te conseille de te tenir un peu. tu restes là, tu attends. tes mains se glissent dans tes poches, où tu peux capturer un de ces bâtonnets de nicotine sans problème. tu te fonds dans la nuit sans ne rien dire, faisant preuve d'une patience qui n'est probablement pas la tienne.
si tu avais l'habitude de penser à toi, tu te trouverais sûrement ridicule.

son visage conte des histoires que tu ne peux même pas déchiffrer. tout ce que tu es capable de faire, c'est de rester planté là, d'émerveillement ou de paralysie, tu ne sais pas encore, te laissant t'engouffrer dans la fumée.
tu te sens comme un gamin, venu observer les anges. du moins, le seul qui habite le ciel. sa voix te parvient, parfaite mélodie susceptible de te faire oublier qui tu es. ton prénom n'a jamais aussi bien sonné qu'entre ses innocentes lèvres. tu as presque honte d'être là, toi et tes erreurs, toi et ta colère puérile. c'est alors que la nuit en devient mille fois plus somptueuse, dirigée d'une délicate main - celle de delilah. tu t'y pliera, sans aucune hésitation. «delilah.» tu réponds dans un sourire. tu crains de salir la poésie qui construit son nom, mais qu'importe. il y a l'espace, le calme de la nuit, et vous. alors ça ne compte pas. rien de réellement mauvais peut vous arriver.
tu la vois s'installer sur le rebord de la fenêtre, et au début, ça t'effraie un peu. tu te dis que tout peut s'arrêter n'importe quand. et si la poupée de porcelaine s'éclate subitement contre le sol? et si, et si. tu lances ta cigarette sur le sol frais, t'approchant de l'endroit où elle est censée atterrir. sa beauté te frappe de plein fouet, mais tu restes silencieux. ça ne te ressemble pas. c'est de sa faute, peut-être, probablement.
tu la vois tomber, au ralenti.
c'est à la fois magnifique et terrifiant.
mais tu tends les bras vers elle, pour l'attraper sans peine aucune. sa légèreté te taquine, te forçant à vouloir la garder dans tes bras un peu plus longtemps. il y a son odeur, qui prend la totalité de l'espace d'une façon agréable. tes cauchemars s'enfuient.
tu la pose au sol avant de devenir envahissant, et tu fais comme si ton être entier n'était pas dépendant de la princesse de la nuit.
«tu veux aller quelque part?» parce que moi, oui. je veux réapprendre un compter les étoiles, bercé par ta voix et l'innocence de tes gracieux gestes.

tu ne pensais pas que frôler un ange t'offrirais autant de lumière. peu de créatures ont marqué ton esprit. tu le sais, car en général, tu ne retiens rien des gens. tu vis sur le moment, tu t'empares de ce qui peut t'être positif, et peut-être qu'un jour, tu reviendras. mais delilah, c'est des horizons que tu découvres à chaque fois. tu ne t'en lasse pas, c'est à la fois tellement beau et si peu familier. tu es parfaitement hypnotisé. tes doigts se détachent de la cigarette pour la laisser tomber au sol, tu refuses d'empoisonner l'air qui semble pourtant purifié par sa présence.
elle semble indécise, mais tu ne dis rien. tu ne ressens pas le besoin de déchiffrer ses émotions, tu te contente de les sentir. c'est les seules fois où tu te sens réellement patient. les heures peuvent passer, ça ne t'importe pas le moins du monde. pour une des premières fois de ta vie, tu sens que ton temps n'est pas gâché. tu sens que tu peux profiter des choses. et c'est uniquement la berceuse, qui s'échappe d'entre les lèvres de delilah, qui te fais ressentir ça. «alors allons-y. loin.» ça te va. loin, et un peu plus. toujours dans le vague, et c'est loin de te déranger.
tu lui fais un petit signe de te suivre, toujours vêtu d'un sourire. tu te sens presque honoré d'avoir une telle compagnie, toi qui a l'habitude de traîner dans les coins des rues les plus laids.
«tu n'as pas peur?» lances-tu, sans te tourner vers elle. peur de lui, peur de la nuit, peur de ce qu'ils peuvent trouver, peur de son retour. si c'était le cas, tu t'empresserais de faire n'importe quoi, tel l'idiot que tu es, tu te précipiterais pour l'empêcher de trembler. mais il n'y a presque aucun risque, il n'y a que vous deux et le monde entier se tait. tu t'es arrangé pour que cette nuit soit la vôtre.